Les accords gagnant-gagnant ne sont pas éternels

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Par Bill Bonner Publié le 9 septembre 2019 à 17h55
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@shutter - © Economie Matin

Pour aujourd’hui, exclusivité : un extrait du prochain livre de Bill Bonner, encore inédit en France (et aux États-Unis).

Les Romains étaient un groupe gagnant-perdant qui ne rechignait pas à la castagne. Mais une fois conquis, les peuples étaient libres de passer des accords gagnant-gagnant sous la protection de l’empire.

Durant l’Empire romain, on a assisté à une énorme expansion du commerce, de la technologie et de la richesse. On peut en trouver des preuves très loin de Rome – jusque dans le Gloucestershire en Grande-Bretagne. Une villa romaine du IIIe siècle y montre tous les aspects de la vie civilisée de l’époque : eau courante, chauffage central et mosaïques au sol… ainsi que du vin et des olives provenant de la Méditerranée, de l’argent des mines d’Espagne et des tapis d’Orient.

Tout cela était possible grâce au vaste réseau routier romain et aux commerçants qui y circulaient. Rome protégeait les droits de propriété, ce qui éliminait une part d’incertitude. Cela permettait aussi de s’assurer que les contrats étaient respectés et que la violence était limitée. Si quelqu’un était dépouillé ou tué, c’était par la main des autorités !

Une autre grande expansion s’est produite sous l’Empire britannique à la fin du XIXe siècle. L’économiste John Maynard Keynes a expliqué en quoi c’était aussi remarquable…

« Un habitant de Londres pouvait, en dégustant son thé du matin, commander, par téléphone, les produits variés de toute la Terre en telle quantité qui lui convenait, et s’attendre à les voir bientôt déposés à sa porte ; il pouvait, au même instant, et par les mêmes moyens, risquer son bien dans les ressources naturelles et les nouvelles entreprises de n’importe quelle partie du monde et prendre part, sans effort ni souci, à leur succès et à leurs avantages espérés. »

Une troisième grande période de « mondialisation » a eu lieu sous l’œil vigilant de la Pax Americana après la Guerre froide. De la chute du Mur de Berlin en 1989 à 2007, le commerce a connu un boom. Le monde n’avait jamais vu une telle augmentation de richesse.

Dans son livre de 2010, The Rational Optimist : How Prosperity Evolves [« L’optimiste rationnel : comment la prospérité évolue », NDLR], l’homme d’affaire et libertarien Matt Ridley explique :

« [Ces 50 dernières années], nous sommes passés d’une situation où 75% de la planète vivait dans l’extrême pauvreté à seulement 9%. Nous avons augmenté la productivité humaine de quelque 3 000%.

Personne ne semble le savoir. Feu Hans Rosling [un statisticien suédois] a fait un sondage dans lequel il demandait aux gens si la proportion de personnes vivant dans l’extrême pauvreté avait été multipliée par deux, divisée par deux, ou était restée identique ces 20 dernières années. Seuls 5% des gens pensaient qu’elle avait été divisée par deux, ce qui était la bonne réponse. »

Pourquoi la mondialisation fonctionne-t-elle aussi bien ? Pour la même raison qui faisait que l’Union soviétique fonctionnait aussi mal. Les accords gagnant-gagnant développent la prospérité. Les accords gagnant-perdant la réduisent.

Plus de commerce signifie plus de transactions, plus de concurrence, plus de choix, plus de connaissances et plus de spécialisation. C’est ainsi qu’une économie progresse.

C’est aussi ce qui explique en partie le fait que certains groupes sont riches tandis que d’autres sont pauvres. Une économie riche est ouverte au commerce. Une économie pauvre est fermée – par des barrières physiques, par sa culture ou par la politique. À mesure que la zone commerciale se réduit, sa richesse aussi.

Généralement, plus le groupe isolé est petit, moins il peut se spécialiser – et moins il est riche. Nous constatons cela sur notre ranch dans les montagnes d’Argentine. Les locaux savent les mêmes choses : comment planter du maïs, comment tanner des peaux, comment protéger les moutons contre les pumas, et comment construire un mur en glaise.

Dans une société riche, les gens savent différentes choses. L’un sait programmer un ordinateur. Un autre sait comment réparer les toilettes. Un autre encore sait comment faire du pain. Dans l’économie mondiale, un homme riche est rarement un touche-à-tout ; c’est plutôt celui qui a compris un métier mieux que les autres. Ensuite, ces connaissances dispersées, spécialisées, sont rassemblées par le biais du commerce et des marchés.

En 1817, l’économiste britannique David Ricardo a approfondi le principe « d’avantage comparatif » initialement défini par Adam Smith parlant du commerce international.

Il nous demandait d’imaginer que l’Angleterre était plus efficace pour produire du tissu, tandis que le Portugal était plus efficace dans la production du vin. Les Portugais auraient pu passer leur temps à coudre, et les Anglais auraient pu tenter de cultiver la vigne – mais ce n’aurait pas été l’utilisation la plus efficace de leurs ressources respectives.

En revanche, si chaque pays se concentre sur la production de ce à quoi il est meilleur, et échange avec d’autres pays les biens qu’il sait produire, le monde s’enrichit.

Il n’y a pas de différence qualitative entre le commerce au-delà des frontières et le commerce de l’autre côté de la rue. Tant que vous êtes libre de commercer avec qui vous voulez, aux termes que vous voulez, vous essaierez toujours de développer votre cercle commercial pour obtenir le meilleur accord possible. Quant aux accords gagnant-gagnant, ce ne sont pas des accords à somme nulle : ce sont des accords à somme positive.

Mais hélas, il n’y a rien qui garantisse le progrès, la prospérité ou la civilisation éternels. Les accords gagnant-gagnant se multiplient et ensuite – les parasites arrivent !

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Fondateur et président d'Agora Inc., une maison d'édition publiant des lettres d'information financières pour les investisseurs particuliers.

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