Investissements directs à l’étranger : des chiffres à nuancer

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Par Mary-Françoise Renard Publié le 5 février 2014 à 5h00

La CNUCED (Conférence des Nations-Unies pour le Commerce et le Développement) vient de publier des estimations relatives aux montants des investissements directs étrangers (IDE) en 2013. L’annonce d’une baisse de 77% de ces investissements en France a été souvent interprétée comme un signe du déclin français.

Cette interprétation est largement erronée. L’analyse des chiffres ne permet pas une telle conclusion. Comme beaucoup de sujets économiques, mais particulièrement dans ce cas, les résultats de court terme doivent être interprétés avec précaution. La CNUCED précise en effet qu’il s’agit d’estimations et non de résultats. Elle publie d’ailleurs régulièrement de nouvelles estimations, mettant en évidence une forte incertitude sur les données.

Que dit la CNUCED ?

- Les IDE ont augmenté en moyenne de 11 % en 2013 avec de fortes disparités entre les pays. Ils avaient diminué globalement de 18 % en 2012, et de 23 % pour les pays développés, ces deux résultats illustrant déjà la volatilité de ces investissements.

- Cette croissance concerne surtout les opérations de fusions-acquisitions, les créations d’entreprises étant stables.

- Les flux d’IDE vers les pays développés sont pour la 2ème année consécutive, à un niveau historiquement faible par rapport aux flux totaux : 39 %, et ce, malgré une hausse de 12 % entre 2012 et 2013.

- La situation des pays développés est très contrastée : baisse pour les Etats-Unis et pour 15 des 27 pays de l’Union européenne, dont -77 % pour la France. Hors zone euro, les baisses ont été substantielles en Norvège : -46 % et en Suisse : -98 %. Au contraire, plusieurs petits pays ont connu une forte croissance des IDE : Belgique, Luxembourg, Irlande, Pays-Bas. C’est aussi le cas de l’Allemagne, de l’Espagne et de l’Italie.

- Les Brics - Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du sud - restent très attractifs.

Si ces résultats sont assez difficiles à interpréter, c’est notamment parce que les statistiques relatives aux IDE regroupent des opérations très diverses, incluant par exemple les mouvements de capitaux intra-firmes. De plus, certains investissements sont réalisés par l’intermédiaire de centres financiers extraterritoriaux. Ces flux financiers qui transitent par des entités had hoc avaient été près de 7 fois plus importants en 2011 qu’en 2010 (Rapport sur l’investissement dans le monde 2013), le nombre de pays offrant des conditions fiscales favorables à ces entités étant aussi en augmentation.

De plus, les investissements directs étrangers sont des flux extrêmement volatiles. Le rachat d’une firme peut expliquer la majeure partie de la croissance des investissements ; c’est le cas, comme le précise le rapport, avec l’acquisition de Grupo Modelo qui explique l’essentiel de l’accroissement de l’investissement en Amérique centrale.

De même, la croissance des investissements au Canada (+49 %) s’explique principalement par des flux intra-firmes.

Cette variabilité explique que la Belgique qui était au 200ème rang des pays récepteurs en 2012, soit au 19ème rang en 2013. De même le Luxembourg, qui était au 198ème rang en 2012, est passé au 15ème rang en 2013. Ce ne sont pas les performances économiques de ces pays qui expliquent ces résultats.

Les investissements se sont prioritairement dirigés vers les pays offrant la fiscalité la plus avantageuse ; les Iles Vierges sont au 4ème rang des pays récepteurs et les pays européens les plus attractifs l’ont été par leur fiscalité.

Il faut donc faire les analyses sur une tendance longue et surtout distinguer entre les différents types d’investissement en mettant en évidence ceux qui sont créateurs d’emplois.

On peut surtout noter que le résultat pour la France (dont on ne peut se satisfaire) ne dit pas grand-chose de l’état de l’économie mais souligne le risque très grand que la concurrence entre pays fait peser sur l’avenir de l’Union européenne. Une certaine forme de clientélisme ne fait qu’exacerber les disparités entre les politiques fiscales de ses membres, alors que la logique de l’Union devrait tendre à leur convergence. Les enjeux ne concernent pas seulement l’attractivité des IDE mais bien plus largement les choix de société.

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Marie-Françoise Renard est professeur à l'Ecole d'Economie, Université d'Auvergne, et responsable de l'IDREC (Institut de Recherche sur l'Economie de la Chine) au CERDI.

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