L’évolution des comportements de consommation impose aux entreprises d’engager rapidement une nouvelle étape dans leur transformation digitale. Face à un consommateurpour qui univers physique et univers digital ne font qu’un, il ne s’agit plus d’être « multicanal », ni même « crosscanal ». Il s’agit de poser les fondations d’une stratégie d’omnicommerce afin de vendre plus et mieux aujourd’hui, et de s’adapter à moindre coût aux évolutions technologiques et comportementales futures.
Imaginez que vous deviez faire une installation électrique séparée pour chaque nouvel appareil que vous achetez. C’est à peu près la situation dans laquelle se trouvent enfermées les nombreuses entreprises de retail qui ont créé des systèmes d’information séparés pour chaque canal de vente et de contact avec leurs clients. Il en résulte – les canaux s’ajoutant aux canaux et les systèmes aux systèmes – des coûts de fonctionnement et de maintenance de plus en plus élevés. Dans un contexte de concurrence généralisée, où les marges des distributeurs sont sévèrement mises à mal, les coûts induits par la multiplicité des systèmes d’information sont déjà un sérieux handicap. Mais en persistant dans cette logique de silo, les distributeurs se privent de trois atouts cruciaux :
? l’agilité, indispensable pour tirer parti rapidement des nouveaux canaux qui ne manqueront pas d’apparaître ;
? la possibilité de gagner en productivité, en mutualisant la production de contenus (descriptif produits, prix, promotions, etc...) pour tous les canaux de vente ;
? la capacité à unifier la connaissance client et à l’exploiter sur tous les canaux, pour maximiser les taux de transformation.
L'enjeu central : la connaissance client
Les distributeurs/marques qui unifient leur système d’information en mettant en place une plate-forme d’omnicommerce, commune aux canaux physiques et digitaux, réduisent leurs coûts techniques et opérationnels. Ils bénéficient de plus d’une vision unifiée des contenus, des stocks, des commandes, quels que soient les canaux et les pays. Surtout, ils se donnent les moyens de capter et mettre à profit une connaissance client étendue, ainsi qu’une vue unique de chaque client. Cette connaissance client, enrichie et consolidée, est la pierre angulaire des stratégies d’e-Commerce gagnantes. Ainsi, tout le monde sait désormais que le succès d’un Amazon réside, outre dans l’excellence de sa logistique et de son service client, dans sa capacité à reconnaître chaque consommateur et à lui proposer des articles et des offres pertinents au regard, d’une part, de ses précédents achats et des données que l’on a sur lui et, d’autre part, des achats des consommateurs de même profil.
Cette personnalisation automatisée, qui repose fondamentalement sur une vue unique du client, des techniques de profiling et des traitements algorithmiques de type Big Data, se traduit par des taux de transformation et de fidélisation plus élevés. La problématique des retailers/marques ayant un réseau de points de vente physiques est a priori plus complexe que celle d’un pure player comme Amazon. En effet, qu’il achète sur catalogue, via le centre d’appels, sur le site e-Commerce, depuis son smartphone ou en magasin, le client d’aujourd’hui s’attend à être reconnu, à trouver des informations homogènes, et à avoir une expérience cohérente de bout en bout, même s’il passe d’un canal à un autre au cours de son processus d’achat. C’est simplement hors d’atteinte si les informations sont éparpillées dans autant de systèmes cloisonnés qu’il y a de canaux.
Refaire du magasin un temps fort de l'expérience client
Le magasin physique reste cependant, en particulier en France, le maillon faible du dispositif de centralisation et d’exploitation de la connaissance client. Là est le véritable enjeu de la digitalisation des points de vente. Celle-ci ne consiste pas tant à multiplier les écrans qu’à mettre en place les moyens d’identifier le client dès son entrée en magasin, d’accéder à son historique d’achat, et d’utiliser la connaissance client acquise via tous les canaux pour l’orienter vers les produits qu’il est le plus susceptible d’acheter. Des beacons à la carte de fidélité, physique ou dématérialisée, ce ne sont pas les solutions techniques qui manquent !
Mais si les technologies récentes ouvrent de nouvelles possibilités, elles ne peuvent pas tout : encore faut-il que l’accueil et le conseil au client (re)deviennent la première mission du personnel en magasin – chose que les enseignes/marques anglo-saxonnes ont compris depuis des années, mais que la plupart des enseignes françaises tardent à redécouvrir… Le taux de transformation est d’autant plus faible dans les magasins français que personne ne s’occupe des clients !En témoigne également le traitement réservé aux clients recourant au Click & Collect, un service qui s’est beaucoup développé depuis deux ans en France. Réconciliant web et points de vente, ce service est très prisé par les clients pour sa praticité. Mais en France, l’espace dévolu aux clients Click & Collect se résume souvent à un simple point de retrait des achats, contrairement au Royaume-Uni et aux États-Unis, où il est mis en avant et valorise la venue en magasin – en termes d’expérience pour le client, d’opportunité de vente et de fidélisation pour l’enseigne.
La transformation ne passe pas forcémeent par un big bang
Si les dirigeants français commencent à percevoir l’intérêt et les avantages des plate-formes d’omnicommerce, ils retardent le passage à l’acte en s’imaginant, à tort, que cela revient à remettre en cause tout ce qui existe. Il n’en est rien. Rien n’empêche en effet de commencer « petit » et, progressivement, de rattacher des canaux supplémentaires à la plate-forme pour en étendre les bénéfices. Par exemple, pour les entreprises qui ont créé leur site d’e-Commerce il y a dix ans, le point d’entrée est tout trouvé : plutôt que de se ruiner en développements spécifiques pour le moderniser ou opter pour une solution clé en main monocanal, elles ont tout à gagner à reconstruire leur site sur une plate-forme nativement omnicanal. Non seulement ce site sera au goût du jour et facile à faire évoluer, mais il pourra, de plus, exploiter des fonctions avancées de recherche et de recommandation de produits. Dans un deuxième temps, l’entreprise pourra rattacher, selon ses priorités, le canal mobile ou les points de vente de son réseau, sans avoir à redévelopper de fonctionnalités ni recréer de contenus.
Etre prêt pour les prochaines vagues de changement
Ce que l’on a appelé la révolution du e-Commerce est une révolution du commerce tout court. Tirée par la digitalisation de la vie quotidienne, elle concerne au premier chef le commerce B2C, mais touche également le commerce B2B qui tend de plus en plus, dans certains secteurs, à devenir un commerce B2B2C, avec des enjeux forts autour de la connaissance du client final et de la personnalisation des interfaces d’achats en ligne. Une des caractéristiques de cette révolution est de ne pas faire table rase du passé : les nouveaux canaux de vente ne se sont pas substitués aux anciens et les prochains ne balaieront pas ceux qui les ont précédés. En revanche, obligation est faite aux marques et aux enseignes d’intégrer rapidement les canaux nouveaux dans leur stratégie et de rendre cette intégration transparente pour les clients.
C’est au niveau du management des entreprises que la prise de conscience doit se faire. Tout dirigeant doit se poser aujourd’hui la question suivante : « Mon entreprise est-elle prête à répondre aux problématiques de consommation actuelles ? ». Les grandes chaînes de distribution, y compris françaises, qui marquent des points au niveau mondial sont celles qui ont compris que l’omnicommerce n’était pas un concept mais une réalité. Celles qui ne s’adaptent pas sont sûres de perdre la bataille contre des Amazon et des Alibaba ou autres, qui traitent les clients avec beaucoup plus d’attention et d’efficacité. Elles partent aussi avec un handicap dans la course aux places de marché, qui concentrent une part croissante du commerce outre-Atlantique et surtout en Asie, sans parler de l’offensive des principales plateformes de réseaux sociaux qui, depuis six mois, ouvrent des fonctionnalités de e-Commerce. Elles sont mieux placées que quiconque pour récolter des informations sur le comportement des clients et les monétiser.
La bataille essentielle est bien celle de l’information. Si l’entreprise ne le comprend pas aujourd’hui, et n’adapte pas son système d’information en conséquence, c’est sa survie qu’elle joue.