Le vote du 30 octobre 2015, son adoption ne semble pas faire de doute, devrait entériner l’accord trouvé le vendredi 16 octobre entre les partenaires sociaux ((Medef, CFE-CGC, CFDT et CFTC). Il modifiera assez sensiblement les régimes des retraites complémentaires.
Après une première réforme de 2013 par ce même gouvernement qui n’avait eu que des répercussions très limitées, ce projet d’accord devrait permettre après 2019, date de son application, de limiter les pertes des systèmes de retraites complémentaires, ARRCO pour les salariés et AGIRC pour les cadres. Pour cette dernière, le délai est devenu beaucoup plus crucial puisque les comptes sont pour ainsi dire dans le rouge. Le but annoncé par le gouvernement est de pérenniser ces régimes, dans le respect des principes de solidarité et d’équité. Et pourtant, il va en être tout autrement !
Explications
Contrairement aux retraites du régime général, les retraites complémentaires avaient su gérer ces régimes d’une façon plus exemplaire puisque ceux-ci n’étaient pas encore en déficit. Le fait qu’ils ne pouvaient pas emprunter pour subvenir à leur besoin, donc normalement ne pouvaient pas se trouver en dette, y est certainement pour quelque chose ! Comment fonctionnent ces régimes ?
En France, un peu plus de 10 millions de salariés sont concernés par ces systèmes. L’Arrco est le régime complémentaire des salariés du privé qui cotisent obligatoirement. L’Agirc est le deuxième régime obligatoire concernant les salariés cadres. Les pensions sont versées suivant un système de points totalisés pendant son activité et un prix du point évolutif.
Depuis 2010, elles puisaient dans leurs réserves, surtout l’Agirc, du fait du vieillissement progressif de la population mais aussi du nombre croissant de chômeurs. Ces derniers ayant en grande partie leurs cotisations payées par le régime. Pour information, en 2014 le déficit de l’Agirc a atteint 1,98 milliard d’euros et celui de l’Arrco, 1,15 milliard (contre respectivement 1,24 milliard d’euros et 405 millions d’euros en 2013).
Quels changements vont se produire en 2019 ?
L’âge nécessaire pour pouvoir toucher une retraite à taux plein aura augmenté d’un an, soit 63 ans. Cela devrait toucher environs 30% de l’ensemble des sortants. Mais le système se veut fortement dissuasif, s'il passe outre, il devra patienter deux ans, voire trois, soit l'âge de 65 ans, pour récupérer ce taux plein.
Un départ à 62 ans avec une demande pour prendre sa retraite complémentaire sera toujours possible, mais sera soumise à une décote. Celle-ci, après négociations, sera de 10% la première année et 10% la seconde.
Toutefois ce malus n’est pas trop pénalisant car il n’est pas viager. L’assuré récupérera son taux plein à 65 ans. De plus, la pénalité infligée ne portera que sur 2 % à 6 % de la retraite totale, un montant insuffisant pour dissuader un salarié résolu à partir plus tôt.
Par contre, un salarié qui pourrait partir à la retraite à 63 ans, mais qui poursuit une activité professionnelle, aura une bonification de 15% de sa retraite complémentaire s'il reste deux ans supplémentaires et même 25% pour trois ans.
Si un salarié ne peut pas faire valoir ses droits à la retraite qu'après l'âge de 63 ans, faute d'avoir accumulé le nombre de trimestres suffisants, il devra différer d'un an minimum son départ par rapport à sa date possible d'accès à la retraite du régime général, pour bénéficier du taux plein pour sa complémentaire. Le principe du système n'est pas «d'imposer la retraite à 63 ans» mais d’allonger la durée de cotisations pour tous, même ceux qui ont dépassé cet âge. Un plafond à l'âge de 67 ans est cependant instauré: au-delà, il ne sera pas nécessaire de repousser d'un an son départ pour récupérer son taux plein.
Le troisième abattement applicable à partir de 2021, pourrait être revu en "fonction des comportements", ont précisé les signataires. La précédente mouture proposait 15, 12 et 10%.
Une hausse des cotisations patronales est acceptée par le syndicat patronal portant sur l’un des deux taux de retraites.
Le texte de l’accord prévoit aussi, la sous-indexation des pensions, d’un point par rapport à l’inflation (2,1 milliards d’euros), et le décalage dans le temps de la revalorisation annuelle des pensions. On va donc assister à une baisse progressive des pensions versées. (qui a déjà commencé sous ce même gouvernement, cotisations supplémentaires, indexation des pensions à la baisse, en fonction du revenu, pour la CSG et RDS, désindexation des pensions par rapport à l’inflation en 2013…)
Pour les « petites retraites », celles qui sont exonérées de CSG ou bénéficiaires d'un taux réduit, ne seront pas concernées par ces décotes. Cela pourrait représenter environ 30% des retraités.
Selon Philippe Pihet (FO), cet accord devrait, paraît-il, permettre une économie de 6 milliards d’euros, sachant que le patronat ferait un effort de 600 millions, 700 millions annoncé par le patronat. La répartition serait de 90% par les salariés et 10% par les entreprises.
De son côté, la CGT, par la voix d’Eric Aubin, opposé à tout abattement, déplore le report de fait de l’âge de la retraite à 63 ans et de l’abaissement du niveau des retraites complémentaires.
Analyse de cette réforme
Pourquoi une application si lointaine en 2019 ? Nous sommes en 2015 avec des systèmes qui sont pratiquement en faillite. Dans 4 années, avec une durée de vie qui augmente de 7 heures par jour soit plus de 3 mois par an, la durée de vie aura augmenté de plus d’une année. C'est-à-dire qu’une augmentation d’une seule année (pour l’ensemble des départs en retraite) à compter de 2015, n’aurait déjà plus d’effet en 2019. Alors commencer seulement en 2019, il faudrait que les départs se fassent de suite à plus de 64 ans.
Il est d’autre part complètement ridicule de déconnecter le régime général des régimes complémentaires comme cela va l’être, puisque l’augmentation de la durée de vie touche toutes les branches. D’autre part, diminuer progressivement les pensions, va faire diminuer la consommation et donc la croissance.
Alors que les entreprises, ont déjà les plus faibles marges d’Europe et de très loin, elles vont encore voir leurs prélèvements augmenter et leurs résultats se restreindre. Même si l’état s’est engagé à diminuer les charges sur la branche accidents de travail, ce qui n’est pas encore acquit ! Tant qu’aucun gouvernement ne programmera la durée d’activité proportionnelle à la durée de vie des retraités, il ne sera jamais possible de maintenir en équilibre les régimes des retraites.
Comme depuis toujours, les gouvernements se polarisent sur le problème crucial du moment alors que c’est globalement qu’il faut agir. Pour résoudre tout les déficits, c’est sur la durée d’activité de la vie de travail qu’il faut agir. Aujourd’hui, il manque 11.500 heures travaillées par salarié sur la durée de vie. Alors répartissons ce supplément d’heures, au début de carrière, au milieu, à la fin, sachant toutefois que c’est sur la fin qu’il rapporte le plus à l’état et à l’économie. Et oui, lorsque l’on est en emploi, on gagne mieux sa vie à plus de 60 ans qu’à 25 ans. Ce qui est favorable à tout et en premier, aux caisses de retraite, puisque si vous continuez de travailler, vous continuez de cotisez sans recevoir de pension. Et en deuxième, vous payez plus de charges ainsi que votre entreprise, vous payez plus d’impôts, consommez plus, d’où création d’emplois, d’investissements, avec moins de chômage. Alors supposons que les 3,57 millions de chômeurs se retrouvent en emploi, ce qui semble utopique mais pas forcément, de combien de rentrées les caisses bénéficieraient-elles ?
Le salaire brut annuel moyen en France en 2015 est de 33.827 euros. Si l’on prend seulement les simples cotisations de base retraite salariées et employeurs de 27,2%, nous arriverions à des rentrées supplémentaires de 32,8 milliards par années. Chiffre qui semble tout à fait irréaliste, alors que l’on bataille sur quelques « petits » milliards de déficit actuel.
Si l’on prenait l’ensemble des prélèvements soit 23,8% pour les salariés et 47,4% pour les entreprises, soit un total de 71,2%, nous arriverions à un chiffre extraordinaire de 86 milliards de rentrées supplémentaires pour l’ensemble des prélèvements sociaux sur salaire. Des chiffres qui peuvent faire rêver mais qui pourraient être la réalité avec le plein emploi.