« Touche pas à mon ticket resto ! »

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Par Charles Sannat Modifié le 24 juillet 2013 à 10h00

Nous souffrons d’une grave maladie dans notre pays. Cette maladie est une fâcheuse manie à voir notre État vénéré béni-soit-son nom se mêler de tout. De l’État omniprésent à l’État omniscient et omnipotent jusqu’à ce qu’il soit étouffant. L’État étouffant, c’était ce que je vous disais dans mon précédent édito.

Le « ticket resto » remplacé par une carte à puce : à qui profite le crime ?

C’est l’excellent titre d’un non moins très bon article du magazine Challenges.

Tout part du « choc de simplification ». Vous savez, un truc censé simplifier la vie de tous les Français, de fluidifier les choses, bref plus facile quoi !

Comme d’habitude, lorsque l’on vous annonce quelque chose, c’est exactement l’inverse qui se produit. C’est le propre de la novlangue. Résultat : le choc de simplification est en réalité un choc de complexification.

Alors on nous vante la modernité, le remplacement de nos tickets resto par une carte de paiement… qui sera évidemment totalement bridée, renvoyant le ticket resto à un outil parfaitement inutile et là, autant de bêtise, d’idéologie mais également disons-le de méchanceté de la part de l’État à l’égard de ses citoyens est tout bonnement hallucinant.

L’intérêt d’un carnet de tickets resto, qui est sensiblement le même que celui des espèces, est de pouvoir faire à peu près ce que l’on veut sans que cela ne soit vraiment « surveillable ». Évidemment, c’est insupportable pour nos zélites étatiques qui, si elles le pouvaient, aimeraient bien nous soumettre à une analyse d’urine approfondie après chaque passage aux cabinets. (Mais ce serait pour notre bien et en prévention de maladie. Bref, ce serait « juste » et vous seriez en plus content de faire pipi dans le bocal. À ce moment-là, on vous dira en plus ce que vous serez autorisé à manger ou pas. Genre mangez et bougez point fr mais en un peu plus poussé.)

Donc je disais que l’intérêt d’un carnet de tickets resto, c’est justement de payer toute son addition de restaurant avec, de les économiser, de les gérer, de pouvoir refiler un ou deux tickets à ses gamins ou à sa femme, de les refiler à un SDF pour qu’il aille manger, voire même aux Restos du cœur qui, tous les ans, organisent une collecte de tickets restaurant qu’ils convertissent en sous sonnants et trébuchants pour faire bouffer les plus fragiles d’entres-nous.

Mais il est vrai qu’un tel détournement du système est tout simplement inadmissible. Encore une fois mes braves contrariens, fumez du cabanis (non ce n’est pas une incitation à la drogue) est mieux vu dans notre société que de fumer une clope. C’est vrai ça, fumer tue, alors que fumer du cabanis c’est tellement cool, tellement moderne, tellement « bobo »…
Encore une fois mes chers contrariens, faire quelques « deals » au pied d’une cage d’escalier n’est pas bien grave, vous comprenez, il faut bien que « jeunesse se passe » comme nous l’explique doctement notre garde des sottes. Mais attention à vous (et à moi), car je fais partie de cette catégorie qui BÉNÉFICIE d’un avantage énôrme. Oui mes chers contrariens, tous les mois mon patron me donne des tickets resto, dont il paie une bonne partie, le tout sans charge sociale. Une honte, un scandale, une niche fiscale que l’on va vous raboter…

Mais vous allez être contents hein, puisque grâce au choc de simplification vous pourrez consulter via une interface Internet, sur votre aïe-Phone comme sur votre tablette, le solde qu’il vous reste sur votre e-carte tickets resto ! Il n’y a personne pour expliquer à ces abrutis de service qui nous dirigent qu’on s’en fout ? Que jusqu’à présent, pour connaître votre solde, il suffit de compter vos tickets comme on compte ses billets, et franchement de vous à moi c’est très simple. Il y a même sur chaque ticket une petite mention qui vous dit « reste x tickets dans votre carnet » !

« La disparition des petits arrangements »

Voilà ce qu’explique très bien l’article de Challenges sous ce sous-titre. Je cite :

« Les tickets en papier permettaient une souplesse d’utilisation très appréciée, mais qui sera plus difficile dans la pratique. En effet, il va falloir respecter la loi qui encadre très strictement cet avantage en nature, considéré comme une partie de la rémunération des salariés et qui bénéficie d’une fiscalité réduite. Désormais il sera impossible d’en utiliser plus de deux par repas, d’en utiliser pendant ses congés, d’en transmettre à des proches, d’en offrir à des mendiants, de se faire rendre la monnaie par les commerçants…

Autant de petites dérives bien connues des salariés français qui ont fait la grande popularité des tickets restaurants. La dématérialisation ne sera pas forcément synonyme de progrès social même s’il s’agira indéniablement d’un progrès dans l’application de la loi. »

Et voilà, expliqué en un paragraphe, comment vous allez subir le choc de simplification. En clair : vous allez l’avoir dans le baba, mais de vous à moi nous commençons à avoir l’habitude avec ce gouvernement qui a élevé l’hypocrisie au rang d’art du « faux culisme » le plus total.

Dans notre pays, il y a des choses qui marchent et qui fonctionnent et, disons-le, que les gens, dans leur sagesse populaire, détournent légèrement et de façon fort peu méchante d’ailleurs. Mais ces petits arrangements entre amis permettent justement une flexibilité, de mettre une petite goutte d’huile dans les rouages et de rendre notre société moins étouffante.

C’est la fin des tickets resto !

Et c’est cela l’objectif de notre gouvernement de crétins qui mangent à l’œil dans les restaurants de la République aux frais des con-tribuables et des citoyens mais qui n’hésitent pas à nous supprimer tout ce qui peut nous rendre la vie un peu plus facile.

Il n’y a pas un seul député qui mange à la gamelle ou une formule sandwich dans la boulangerie du coin.
Pour eux, la bouffe et le pinard c’est gratos, c’est hors charges sociales, c’est servi par des maîtres d’hôtel en queue-de-pie et cuisiné par des chefs étoilés.

Ils ont tous au moins une cantine et ne savent pas ce que c’est que de devoir payer son repas dans la vraie vie, ni finalement ce que cela coûte aux français d’aller travailler chaque mois quand on ne mange pas à moins de 10 euros dans les grandes villes, que le prix du Pass Navigo explose, sans même parler du prix de l’essence et des taxes dites de « sécurité routière », c’est-à-dire le budget radar et perte de points !

Alors oui, le petit peuple de salariés disposait d’un avantage en nature sous forme de tickets resto et en faisait un peu ce qu’il voulait… mais cela ne peut pas être toléré par nos zélites de crétins et d’abrutis.

Pourtant ces tickets resto font vivre les restaurants et leur personnel.
Pourtant ces tickets resto font vivre bon nombre de boulangeries et leur personnel.
Pourtant ces tickets resto permettent à des millions de salariés sans cantine de manger chaque jour.
Pourtant ces tickets resto permettent à des salops de délinquants, comme moi qui le fait depuis des années, de préparer ma gamelle tous les jours, de mettre de côté mon carnet et de payer une fois par semaine le resto à toute ma petite famille, ce qui est un moment que les enfants adorent ! Mais je le confesse Madame et Monsieur du gouvernement, mon restaurateur complaisant accepte que je lui refile 4 ou 5 tickets d’un coup… Vu qu’il me voit toutes les semaines et que ma marmaille est assez inoubliable au niveau sonore… Et vous savez quoi ? Cela fonctionne. Cela marche. Tout simplement.

Le gouvernement soutient la bataille des taxis

Voici encore un autre article sur le choc de simplification et le choc de crôassance qui permettra la reprise que seul notre imbécile de Président au sourire béat et au comportement de niais du village voit venir.

« Les voitures de tourisme avec chauffeur (VTC) ne peuvent pas attendre aux aéroports, contrairement aux taxis parisiens (ici à Roissy Charles-de-Gaulle).
Il est prêt à pénaliser leurs nouveaux concurrents en leur imposant un délai de 15 minutes, entre le moment de la réservation et celui de la prise en charge. »

Alors que la région Île-de-France manque cruellement de chauffeurs de taxi surtout aux heures de pointe, le gouvernement, qui est pris d’un besoin compulsif de légiférer sur tout et n’importe quoi sans doute pour mieux mettre en application son principe du choc de simplification, veut imposer à tous les petits malins qui achètent des voitures, créent une entreprises (dans la légalité) et font du transport de personne un délai de 15 minutes entre réservation et prise en charge. Il souhaite aussi (le gouvernement) interdire à ces entreprises d’aller chercher ses clients à l’aéroport… C’est vrai ça, imaginez que ces entreprises créent des emplois et du travail, ce serait une honte. Encore des enfoirés de patrons qui deviendraient riches et devraient payer des zimpôts et peut-être même l’ISF… Non impossible. Les zemplois d’avenir sans futur, c’est tellement mieux dans l’imaginaire socialiste !

Des zassistés, encore des zassistés, des zassistés partout, j’en veux, encore plus, allez, une louchée supplémentaire !

L’idée de laisser simplement faire les gens ne peut pas leur venir à l’esprit car cela voudrait dire que les gens se prennent en main, qu’ils sont autonomes, indépendants, bref… en un mot : libres !

Cette liberté est insupportable aux socialistes. Elle l’est également pour bon nombre de dirigeants de la drôate puisque l’idée d’un État omnipotent et d’un peuple dont il faut se méfier par-dessus tout dépasse tous les clivages gôche-drôate, avec tout de même une mention spéciale pour nos forces du prôgrès de gôche.

Les auto-entrepreneurs ont également été simplifiés !

Oui, eux-aussi se sont fait simplifiés. Ils étaient dangereux. Vous imaginez, des gens qui se débrouillent tout seuls et préfèrent la dignité de la difficulté à créer une activité à la facilité de l’assistanat ? Insupportable en socialie. En plus, ce régime qui marchait très bien avait été créé par le méchant gouvernement Sarkozy. Un truc bien fait par le camp d’en face doit être supprimé !

Et ce fut fait.

Des zassistés, encore des zassistés, des zassistés partout, j’en veux, encore plus, allez, une louchée supplémentaire !

La définition du choc de simplification. De la novlangue à l’ancilangue :

Novlangue : choc de simplification : technique gouvernementale visant le Prôgrès et le Môdernisme sôcialiste afin de permettre à la population une gestion en temps réel grâce à la mise en place d’outils Internet dans le cadre de procédures normalisées et standardisées par des groupes de travail ad-hoc réunis au sein de commissions ministérielles qui permettront de lutter efficacement contre toute tentative de détournement de l’esprit des lois par une population indécrottable et à la créativité malsaine infinie.

Ancilangue ou langue contrarienne : le choc de simplification se transforme invariablement en choc de complexification. L’objectif est de contrôler de façon encore plus étroite la façon de vivre et de se comporter de la population. Évidemment, le site Internet tickets resto sera en panne un jour sur deux (mais il n’a jamais été conçu pour fonctionner mais pour vous empêcher de vous servir de vos tickets resto). Évidemment, les cartes auront des problèmes, le déploiement prendra du temps, ce sera infernal et vous finirez par demander vous-même de ne plus avoir de tickets resto à votre employeur puisque tout cela finira par ne plus vous servir à rien alors que vous en payez tout de même une grosse partie.
En d’autres termes, un choc de simplification sert à supprimer quelque chose qui fonctionnait très bien auparavant.

Alors oui mes chers amis, je trouve que notre pays devient étouffant et j’hésite entre devenir dealer de cabanis, puisque après tout on ne risque pas grand-chose, ou à quitter ce pays pour aller voguer vers d’autres cieux. Je pourrai toujours venir en vacances sur le bassin d’Arcachon une fois par an.
Le problème c’est que je suis encore trop viscéralement attaché à mon pays et à ses terroirs… mais même cet attachement aura ses limites.

Poursuivons ces politiques d’abrutis et nous finirons par avoir un pays de trafiquants d’un côté, d’assistés de l’autre, et dans lequel le seul machin qui marchera encore plus ou moins sera le tourisme dans la mesure où nous avons un beau patrimoine.

Mais à ce rythme de crétinerie, nous finirons bien par casser nos cathédrales et transformer le Mont Saint-Michel en colonne de Buren géante…

Aujourd’hui, vous l’aurez compris, je suis très, très en colère car on vient de toucher à ma gamelle, c’est-à-dire à mes tickets resto ! Mais comme dirait l’ex-femme de François, c’est une « saine colère ».

Nos dirigeants sont vraiment des cons. Des gros connards repus qui se goinfrent sur le dos d’un peuple qu’ils méprisent et qu’ils tondent sans vergogne et sans remords. « Ils viennent jusque dans nos bras égorger nos tickets restaurant… »

Alors mon petit père du peuple François Normal 1er, tu t’étonnes d’être sifflé au 14 juillet ? Eh bien je vais te révéler un grand secret, ce n’est que le début car tu viens de me dévaliser mon carnet de tickets resto. François, tu n’es qu’un imbécile, tu ne te rends même pas compte que tu touches aux gamelles !

François, je ne te le dirai qu’une seule fois… Ne touche pas à mes tickets resto ! Je ne te le pardonnerai pas.

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Charles SANNAT est diplômé de l'Ecole Supérieure du Commerce Extérieur et du Centre d'Etudes Diplomatiques et Stratégiques. Il commence sa carrière en 1997 dans le secteur des nouvelles technologies comme consultant puis Manager au sein du Groupe Altran - Pôle Technologies de l’Information-(secteur banque/assurance). Il rejoint en 2006 BNP Paribas comme chargé d'affaires et intègre la Direction de la Recherche Economique d'AuCoffre.com en 2011. Il rédige quotidiennement Insolentiae, son nouveau blog disponible à l'adresse http://insolentiae.com Il enseigne l'économie dans plusieurs écoles de commerce parisiennes et écrit régulièrement des articles sur l'actualité économique.

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