L’absurdité des sanctions européennes contre la Russie

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Par Julien Bondarev Modifié le 31 octobre 2014 à 11h03

Alors que l’Union européenne a annoncé maintenir ses sanctions économiques contre la Russie, ces dernières ne semblent pas vraiment avoir les effets escomptés. La Russie trouve enfin une occasion de développer des partenariats avec l’Asie pendant que les pays européens commencent à sentir un ralentissement de leurs exportations. Un retournement de situation prévisible alors même que les sanctions européennes sont remises en question par différents hommes d’affaires, du Russe Arkadi Rotenberg, qui a récemment porté plainte pour demander réparation, au Britannique Anthony Bamford, qui dénonce leur absurdité dans la presse depuis plusieurs mois.

Sanctions européennes : un impact mitigé sur la Russie

« Il n’y a actuellement pas de raisons pour changer les mesures restrictives de l’UE contre la Russie ». La déclaration d’une source diplomatique européenne à l’AFP mardi 28 octobre dernier semble assez claire : l’Union européenne ne compte pas lever de si tôt les sanctions économiques prises à l’encontre de la Russie. « Manifestement, les sanctions fonctionnent », ajoute-t-elle, « elles ont d’ailleurs fonctionné assez vite si on regarde la baisse du rouble ou le fait que la Russie a dû puiser dans ses réserves pour répondre aux besoins de financement des opérateurs touchés ». L’économie russe est en effet mal en point depuis quelques mois, mais est-ce vraiment dû aux mesures restrictives européennes ?

Si la croissance économique russe semble en effet avoir pris un sacré coup, l’Union européenne doit avoir oublié que l’économie du pays ralentissait déjà avant la mise en place des sanctions européennes et américaines. Selon un rapport de la Chambre de commerce et d’industrie franco-russe, « le processus actuel de décélération a commencé il y a deux environ ». Alors qu’en 2012, la Russie semblait s’être remise complètement de la crise économique mondiale de 2008, avec une croissance de 3,4 %, celle-ci est retombée à 1,3 % en 2013. Le PIB russe n’en menait déjà pas large au premier semestre de cette année, avec un montant d’à peine 0,8 %. La mauvaise conjoncture économique de la Russie s’explique finalement par la décélération de la consommation et le ralentissement de la hausse des salaires réels qui n’ont augmenté que de 3,3 % au premier semestre 2014, contre 7 % chaque année depuis 2010.

Conséquences pour l’Union européenne : l’inévitable retour de bâton

Le bilan de ces sanctions économiques est d’autant plus décevant que ces dernières n’ont pas que des conséquences sur la Russie et commencent à impacter la croissance de pays européens qui s’en seraient probablement bien passé, l’Allemagne en tête. Selon l’office fédéral des statistiques allemandes, Destatis, « de janvier à août 2014, les exportations allemandes vers la Russie ont baissé de 16,6 % à 20,3 milliards d’euros par rapport à la même période un an plus tôt ». Des secteurs comme les machines-outils et l’automobile, piliers de l’industrie allemande, figurent parmi les plus touchés par cette baisse des exportations avec des plongeons de respectivement 27,3 % et 17,2 %.

En parallèle, le contexte diplomatique actuel permet à la Russie d’accélérer le virage économique vers l’Asie qu’elle a impulsé en 2012 avec le sommet de l’APEC (l’association économique intergouvernementale visant à faciliter la croissance économique, la coopération, les échanges et l’investissement de la région Asie Pacifique) à Vladivostok. En mai dernier, la Russie a ainsi signé un contrat gazier de 400 milliards de dollars avec la Chine. Depuis ce sont des secteurs comme l’agriculture et l’automobile qui se tournent vers les technologies asiatiques, ne pouvant plus importer de produits européens.

Des sanctions, oui, mais pas n’importe lesquelles

Les sanctions européennes auraient-elles finalement plus d’effets sur l’économie européenne que sur l’économie russe ? Ce qui est sûr aujourd’hui, c’est qu’elles ne sont pas sans conséquence et que l’Allemagne n’est pas la seule à en pâtir. Pour Anthony Bamford, PDG du groupe JCB, « il semble absurde que l’un des principaux exportateurs britanniques, qui réalise avec succès les livraisons d’équipements aux agriculteurs et entreprises russes, soit si sérieusement touché par les sanctions de Bruxelles ». Une absurdité qu’il n’est pas le seul à déplorer. Selon Arkadi Rotenberg, un homme d’affaires russe visé par les sanctions, celles-ci sont contreproductives. Dans une interview pour l’agence de presse russe Interfax, il raconte par exemple devoir aujourd’hui payer pour une de ses propriétés en Italie alors même qu’il n’a pas l’autorisation d’y transférer de l’argent du fait des sanctions prises par le pays. Un non-sens économique qui est loin d’être unique et qui prive l’Italie et ses voisins européens d’actifs dont elle aurait bien besoin aujourd’hui.

Les mesures restrictives dans le cas de crises diplomatiques importantes ont déjà fait leurs preuves, notamment en Iran, mais pour cela, encore faut-il qu’elles visent les bonnes personnes et institutions, ce qui n’est clairement pas le cas ici. L’anecdote d’Arkadi Rotenberg sur ses actifs en Italie est finalement symptomatique de cette absurdité des sanctions prises par l’Union européenne et les États-Unis. L’homme d’affaires russe figure aujourd’hui parmi les 119 personnes visées par les sanctions alors même que son rapport avec la crise en Ukraine est difficile, voire impossible à percevoir. Si l’Union européenne a décidé de geler ses avoirs, c’est vraisemblablement parce qu’il faisait à une époque du judo avec Vladimir Poutine. L’homme d’affaires russe a finalement décidé de porter plainte, ses avocats précisant que « l’atteinte à la réputation et les préjudices subis par M. Rotenberg dans sa vie professionnelle et privée, causés par son intégration dans les mesures restrictives, sont immenses » et que « le gel de ses actifs et de ses ressources économiques est disproportionné au vu du but légitime de ces sanctions ».

Que l’Union européenne prend des sanctions est en soi un acte légitime, mais une nouvelle fois, le vieux continent semble avoir manqué son objectif. Comme si elle était obligée d’obéir à la loi du « tout ou rien », l’Union européenne a finalement mis en place des mesures restrictives tellement larges, qu’elles finissent pas avoir des effets sur tout le monde, mis à part le principal intéressé, Vladimir Poutine. Reste désormais à savoir si les pertes de marchés et de compétitivité des entreprises européennes vont prendre de l’ampleur et inciter l’UE à faire demi-tour.

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Consultant en géopolitique et sécurité internationale, Julien Bondarev a choisi de développer son expertise sur la  zone EMEA, dans laquelle il a beaucoup voyagé et qui le fascine par la richesse et la complexité des relations multi-continentales qui la régissent.   

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