Voilà que le Fonds monétaire international embrasse la théorie de la stagnation séculaire, la fin de la croissance. Dans son dernier rapport, il prévoit que les pays les plus riches ne retrouveront pas la croissance qu’ils ont connue avant la crise.
Ceci évidemment n’est pas bon pour nous. Car voyez-vous, les pays dits riches sont aussi très endettés donnant raison au vieux dicton « on ne prête qu’aux riches ». Vieux et endetté n’est pas un bon cocktail ; lorsque vous vieillissez, l’augmentation de productivité, la recherche de la performance, n’est plus franchement votre truc. En revanche vous consommez plus de soins, de médicaments et tout cela se paye. Vieux, endetté et de moins en moins riche, c’est un mauvais alignement astral.
La croissance mondiale en chute pour le FMI
Ainsi, selon le FMI, nous ne connaîtrions plus que 1,6% de croissance annuelle entre 2015 et 2020 alors qu’entre 2001 et 2007, la croissance moyenne était de 2,5%.
Certes, vous pouvez être sceptique. Après tout, le FMI n’avait même pas vu venir la crise financière. Cependant, vous auriez tort et en réalité, la situation est pire. En effet, depuis des décennies, on nous saoule avec la « croissance » en oubliant de nous dire que cette « croissance » est celle de la dette publique. En France, le déficit est de 4% ce qui signifie que 4% des dépenses de notre pays sont payées à crédit. Or cette consommation à crédit est comptée dans le PIB et la « croissance » de ce même PIB est de 1%. Donc en réalité, sans cette facilité de consommation à crédit, notre « croissance » serait de - 3%. Une croissance négative selon Christine Lagarde.
La véritable croissance, celle qui nous enrichit, est celle de la productivité. Or de ce côté, ce serait plutôt Waterloo morne plaine. Dans le secteur marchand, lorsque plus de gens travaillent et lorsqu’ils travaillent mieux, ils échangent de cette façon plus de produits et de services, donc la richesse augmente. Cela revient à travailler plus ou mieux car – sauf dans le monde magique de la finance moderne des banquiers rentiers sur du capital inexistant – personne ne s’enrichit en dormant. L’enrichissement ne dépend pas de l’augmentation du crédit adossé à du vent ou des dépenses publiques ou de la quantité de monnaie créée. La progression rapide de l’enrichissement collectif provient de très grands bouleversement, rarissimes dans l’histoire de l’humanité, comme l’ont démontré l’économiste Robert Gordon ou l’historien John Robert McNeill.
La fin de l'âge d'or ?
Des bouleversements tels que :
- la domestication du feu (790 000 ans avant J.-C. sur les bords du Jourdain et 350 000 ans avant J.-C. en Europe) ;
- l’agriculture (8 000 ans avant J.-C.) ;
- l’énergie fossile en remplacement de la force humaine ou animale (1 800 après J.-C.).
Que s’est-il passé entre 8 000 ans avant J.-C. et 1 800 après J.-C. ? Finalement bien peu de choses. L’invention de la roue (3 500 avant J.-C.), des moulins à vent (700 avant J.-C.) et à eau (200 avant J.-C.) n’ont pas fait faire de grands bonds en avant à la productivité. Ni même l’imprimerie de Gutenberg tout comme Internet.
Une période exceptionnelle commencée il y a deux siècles serait-elle bientôt révolue ? Cette thèse est gênante et effraie les politiciens professionnels vendeurs de rêves. S’il faut se préparer à passer quelques milliers d’années de vaches maigres avant le nouveau grand souffle, la carrière politique devient moins grisante et il va devenir difficile de dépenser l’argent du futur pour s’acheter des voix. L’argent du futur, c’est l’argent dépensé par avance, en tablant sur la croissance attendue qui ne vient pas, ce qui empile les déficits.
Pire, les effets néfastes de la dette publique vont peser sur une population vieillissante. Au lieu d’aller vers des investissements productifs, l’épargne est captée par l’État pour financer son train de vie ce qui ne crée aucune croissance, les taux vont rester très faibles et l’épargne détournée de l’investissement ne sera pas rémunératrice.
Les rouages de cette fabrique de pauvres sont implacables. Mais en les connaissant vous ne serez plus contraint de les subir. A vous de réagir, à votre échelon, pour ne pas subir l’appauvrissement collectif. C’est ce que je développe dans mon dernier livre, La fabrique de pauvres.