La chambre régionale des Comptes vient de rendre un rapport sur la gestion du stationnement à Paris. Cette étude très complète révèle que le stationnement en surface est une activité déficitaire à Paris: le coût du contrôle des stationnements par les « pervenches » est supérieur aux recettes générées par les horodateurs. Le stationnement à Paris ne rapporte de l’argent que grâce aux concessions de parkings souterrains.
Ville de Paris – Gestion du stationnement urbain
La chambre régionale des comptes d’Île-de-France a examiné la gestion du stationnement urbain de la Ville de Paris pour les exercices 2010 et suivants. Ces travaux s’inscrivent dans le cadre d’une enquête menée conjointement par la Cour des comptes et 10 chambres régionales des comptes.
Ce rapport vise principalement à identifier les objectifs poursuivis par la collectivité et les moyens qu’elle a mis en œuvre, à évaluer les résultats atteints et enfin à apprécier les dispositifs de contrôle.
Sur le cadre d’action, la stratégie et les objectifs
La gestion du stationnement urbain à Paris s’inscrit à la fin de 2016 dans un cadre juridique et institutionnel particulier, dérogatoire du droit commun. Les pouvoirs de police de la circulation et du stationnement qui sont habituellement attribués au maire par la loi sont ici partagés entre la maire et le préfet de police, ce dernier ayant la compétence exclusive en matière de contrôle et de répression du stationnement illicite (impayé ou interdit). Cette situation particulière pourrait évoluer, ainsi que le souhaite la maire de Paris. Un projet de loi portant modification du statut de Paris et comprenant notamment un alignement des pouvoirs de police du stationnement sur le droit commun est en cours d’examen par le Parlement.
La politique du stationnement urbain n’est pas une politique autonome. Elle constitue un outil de régulation de la circulation et de lutte contre la pollution atmosphérique inscrit dans la politique globale des déplacements de l’aire urbaine. À Paris, la politique de déplacement est définie par le plan de déplacements de Paris, adopté par le Conseil de Paris en 2007. Ce document stratégique et tactique, approfondi et très complet, présente de nombreuses actions relatives au stationnement. L’essentiel de ces actions a d’ores et déjà été réalisé, tant lors de la mandature précédente que par la mandature actuelle. Ce document décline précisément le plan de déplacement urbain d’Île-de-France dont la version en vigueur (approuvée en 2014) appelle une définition locale détaillée et opérationnelle de ses orientations et prescriptions en matière de stationnement.
La stratégie de la Ville de Paris en matière de déplacement vise à répondre aux besoins croissant de mobilité dans la capitale dans une perspective de développement durable. Cinq enjeux ont été définis : un enjeu de santé publique (réduction de la pollution atmosphérique et des nuisances causées par les transports), un enjeu social (mobilité de tous qui privilégie l’offre de transports en commun), un enjeu urbain (meilleur partage et meilleure valorisation de l’espace urbain actuellement monopolisé par le véhicule motorisé individuel), un enjeu économique (assurer la vitalité et le dynamisme économique de la capitale), un enjeu régional (renforcer la coopération et la synchronisation des collectivités franciliennes en matière de transports).
Cette stratégie se fonde concrètement sur le renforcement des offres de transport alternatives au véhicule individuel. Elle attend un changement profond dans les pratiques des usagers.
En déclinaison de cette stratégie, les principaux objectifs de la politique de stationnement poursuivis par la mairie de Paris sont précisément définis. Il s’agit de faciliter la circulation des véhicules en améliorant la rotation de ceux qui sont en stationnement, de mieux partager la ressource limitée que constitue l’espace public entre les différents usages particuliers et professionnels et entre les différents moyens de transport de surface (motorisés ou non), de faciliter les circulations à vocation économique, de faciliter le stationnement des riverains, de favoriser le report modal des usagers pendulaires[1] et des parisiens en les incitant à des solutions alternatives à l’usage (voire à la possession) d’un véhicule individuel motorisé, et de favoriser le report des automobilistes sur l’offre de stationnement hors voirie.
Sur l’offre de stationnement et le zonage du stationnement payant
L’offre de stationnement à Paris est abondante. Au 31 décembre 2014, avec 306 396 emplacements publics (tous véhicules, motorisés ou non) dont 235 316 pour les véhicules légers motorisés à quatre roues (VL) – voitures particulières et camionnettes – et 684 155 emplacements privés, l’offre atteignait le million d’emplacements. Schématiquement, l’offre est privée à 75 %, publique à 25 % ; elle est hors voirie à 80 %, sur voirie à 20 %. La chambre n’a pas été en mesure d’apprécier si cette offre est suffisante au regard de la demande.
L’offre publique de stationnement, tous véhicules confondus, a progressé de 5 % depuis 2010. L’offre payante de voirie dédiée aux VL a diminué de 7 % (à 141 762 places) pendant la même période. Cette réduction de l’offre de stationnement en surface s’explique essentiellement par les effets de grands travaux (par exemple le tramway) et par la réaffectation d’environ 10 000 places au profit d’autres modes de transport : vélos, autres deux-roues motorisés, véhicules en auto-partage. Ce sont ainsi près de 10 000 places pour les vélos (hors Vélib’, qui compte 32 700 emplacements) et 12 000 pour les motos qui ont été créées depuis 2010, portant l’offre de voirie destinée aux deux-roues à 71 000 places.
Le patrimoine des parcs de stationnement publics se compose de 146 ouvrages, dont 127 (98 %) sont souterrains et 19 (2 %) sont en surface. Ces parcs sont exploités exclusivement en gestion déléguée par des opérateurs privés et d’économie mixte liés à la Ville par 112 contrats de concession et 13 contrats d’affermage. La physionomie du patrimoine, tant en terme d’offre que de données d’exploitation, est très diversifiée.
Toutes les places de stationnement des rues de Paris sont désormais payantes. La collectivité a rationalisé le zonage du stationnement payant « visiteur » de surface à compter du 1er janvier 2015, le rendant plus simple et plus lisible pour l’usager : la Ville est désormais divisée en deux zones. Le centre (arrondissements 1 à 11), représentant 40 000 places, sur lequel la pression sur le stationnement diurne est la plus forte, constitue la zone 1. La périphérie (arrondissements 12 à 20), représentant 102 000 places, dans laquelle cette pression est moins forte, constitue la zone 2. Le zonage du stationnement résidentiel, modifié en 2005, n’a pas changé pendant la période examinée. Le régime du stationnement professionnel a évolué au 1er mai 2015, avec la création des offres « professionnel sédentaire » et « professionnel mobile », plus lisibles pour l’usager mais aussi plus sélectives que le précédent régime « Sésame » afin d’en réserver le bénéfice aux professions nécessitant objectivement l’usage d’un véhicule.
Le stationnement des deux-roues motorisés pose des difficultés. Face au succès de ces véhicules générant un afflux quotidien important, la mairie de Paris a appliqué un plan de développement de l’offre de stationnement sur voirie. Malgré les efforts significatifs de la collectivité, l’offre de voirie, maintenue gratuite pour les deux-roues, reste insuffisante, l’offre en parcs, payante et limitée, ne séduit pas. Le stationnement anarchique des deux-roues se maintient.
Sur la politique tarifaire
Avec le stationnement payant sur voirie, la Ville de Paris poursuit trois objectifs : accroître la rotation des véhicules pour fluidifier la circulation, réduire le flux de circulation automobile et la pollution associée en dissuadant les travailleurs, usagers pendulaires et les autres visiteurs d’utiliser un véhicule individuel si un moyen de transport collectif existe à proximité de leur destination, optimiser les recettes tirées de la gestion du stationnement.
Le tarif du stationnement de voirie pour les visiteurs, qui n’avait pas évolué depuis 2009 (augmentation uniforme de 20 % par rapport au tarif de 2002 à zonage inchangé) a été révisé au 1erjanvier 2015 avec une modification concomitante du zonage. Le prix de l’heure en zone centrale (zone 1) s’établit désormais à 4,00 € et à 2,40 € pour la zone périphérique (zone 2), ce qui place Paris parmi les capitales d’Europe les plus chères. Derrière une apparente augmentation respectivement de 11 % pour la zone 1 par rapport à 2009 (33 % par rapport à 2002) et de 0 % pour la zone 2 (20 % par rapport à 2002), la chambre observe que la combinaison d’un effet périmètre (suppression de la zone 3, modification des zones 1 et 2) et d’un effet prix a abouti à des augmentations réelles très différenciées selon les arrondissements. L’effort a majoritairement porté sur les arrondissements périphériques comme les 19e et 20e (100 % d’augmentation au passage de la zone 3 en zone 2) et ceux (10e, 11e) qui intégraient la zone centrale (+67 %), ceux historiquement situés en zone centrale (1er à 7e) ou déjà dans la zone 2 (12e Ouest, 15e Nord) apparaissent respectivement moins concernés (+11 %) voire épargnés (0 %) par la dernière révision. Cette évolution ne paraît pas en totale cohérence avec la pression sur le stationnement qui caractérise ces arrondissements. Selon l’ordonnateur, le découpage aurait pris en compte des contraintes de lisibilité des zones tarifaires notamment pour les visiteurs.
La convergence des tarifs du stationnement en ouvrage avec les tarifs de voirie, destinée à inciter les automobilistes à préférer le stationnement hors voirie, a été engagée. Elle reste cependant à achever, de nombreux parcs (les délégations les plus anciennes qui laissent plus de marges de manœuvre aux exploitants) pratiquant encore des tarifs supérieurs et donc qui n’incitent pas au report.
La gratuité du stationnement de voirie se restreint. Il ne reste que 1 200 places gratuites en surface, qui ont vocation à disparaître, contre 45 000 places en 2005. La plage horaire payante a été étendue au 1er janvier 2015 : la gratuité du samedi et celle du mois d’août ont été supprimées, la journée étendue jusqu’à 20 heures. Les véhicules non ou faiblement polluants, ainsi que les détenteurs de la carte européenne de stationnement handicapé sont exonérés du paiement.
Le tarif du stationnement de voirie pour les résidents, qui n’avait pas évolué depuis 2001, a été révisé en 2011 (+33 %) et au 1er janvier 2015 (+130 %). Il s’établit désormais à 1,50 € par jour, ce qui reste un tarif modique par rapport au service rendu. Les résidents doivent désormais acquérir une carte, non renouvelée automatiquement. Selon l’ordonnateur, cette réforme rendant payante la carte de stationnement résidentiel permet une meilleure régulation des cartes avec pour objectif un nombre de cartes en circulation plus en rapport avec leur utilisation réelle. La demande reste forte alors que le taux de motorisation des parisiens (44 %) est parmi les plus faibles de France : pour 128 600 emplacements ouverts au stationnement résidentiel, 317 590 cartes étaient en cours de validité à la fin de 2014.
La tarification pour les autocars de tourisme, révisée au 1er mai 2015, présente l’originalité d’être construite en fonction de la norme d’homologation antipollution du véhicule. Cette tarification est cohérente avec l’objectif municipal d’agir contre les émissions nocives liées aux transports. Elle paraît particulièrement incitative pour les véhicules Euro 6 (31,10 € pour une journée contre 99€ pour les autres autocars) et globalement très compétitive par rapport à la concurrence des autres capitales touristiques européennes. La Ville de Paris entend orienter les transporteurs pour qu’ils lui réservent leurs véhicules les plus propres pour la capitale et les données de vente comme de fréquentation semblent indiquer un succès de cette politique. La gestion du stationnement des autocars de tourisme reste par ailleurs rentable et source de recettes robustes pour la Ville.
Dans les parcs de stationnement, la mise en place à compter du 1er juillet 2015 de la tarification au quart d’heure s’est traduite par une hausse des prix variable selon les établissements. En contrepartie de cette augmentation, de nouvelles offres à prix privilégié ou offrant des réductions importantes ont été proposées aux usagers : abonnés sortant peu leur véhicule, véhicules peu ou non polluants, de petite dimension.
Sur la dépénalisation du stationnement payant
La loi du 27 janvier 2014 de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles a dépénalisé le stationnement payant. Les collectivités pourront instaurer, à compter du 1er janvier 2018, un tarif du stationnement et, pour les automobilistes que ne s’en seraient pas acquitté, un montant forfaitaire dit « forfait de post-stationnement » remplaçant l’amende pénale de 17 €. La Ville de Paris s’est impliquée dans la définition et la préparation de la mise en œuvre de son futur régime de traitement du stationnement impayé. Elle considère ce nouveau dispositif comme cardinal pour inciter les automobilistes à respecter davantage le paiement du stationnement. Cependant le cadre législatif actuel risque d’aboutir à ce que le forfait de post-stationnement soit d’un montant inférieur à l’amende actuellement en vigueur, ce qui pourrait avoir des effets contraires à ceux recherchés. Les difficultés de conception et de mise en place de ce nouveau dispositif, constatées sur l’ensemble du territoire, ont d’ailleurs conduit le législateur à reporter la date d’entrée en vigueur du nouveau régime au 1er janvier 2018.
Sur l’équilibre financier de l’activité de gestion du stationnement
Pendant la période examinée, les dépenses totales liées à la gestion du stationnement ont représenté une somme moyenne de 76,7 M€. Elles sont cependant en diminution continuelle depuis 2011 (4,9 %) et s’établissent à 71,3 M€ à la fin de 2014, soit le niveau de 2010. Les dépenses de fonctionnement représentent 94 % du total. Le premier poste de charges est constitué par la masse salariale des agents de contrôle du stationnement payant (54,4M€ par an en moyenne), exercé par la préfecture de police de Paris pour le compte de la commune en application des dispositions légales. Les dépenses d’investissement ont représenté une charge annuelle moyenne de 4,5 M€, essentiellement concentrées sur le programme de renouvellement et de modernisation des horodateurs.
Les recettes ont affiché un profil dynamique, en hausse de 26 % entre 2010 et 2014 pour atteindre 105,5 M€. Le stationnement de voirie (horodateurs) a représenté en moyenne 60 % des recettes globales (51,5 M€), et affiché une progression de 36 % en cinq ans. L’introduction du paiement par carte bancaire à partir de 2011 semble avoir contribué à l’augmentation. Les recettes perçues sur les parcs de stationnement représentent 40 % des recettes globales (39,6 M€ en moyenne annuelle), mais la performance est moindre (+8 % pour seules les recettes récurrentes, +14% avec les recettes exceptionnelles). Quel que soit le type de recettes, la prévision semble être un exercice difficile. Par ailleurs, le reversement de l’État sur le produit national des amendes est également en progression de près de 30% sur la période (33 M€ en 2014).
Au final, l’équilibre financier est favorable et l’activité globale dégage un excédent entre 2011 et 2014. Pour ces quatre années, ce surplus n’est dû qu’aux versements des délégataires, l’activité liée aux horodateurs étant déficitaire à cause d’un coût élevé du contrôle et d’un taux de respect spontané du paiement du stationnement par les usagers dans Paris très faible. La Ville possède donc un gisement de croissance, qu’elle juge lié étroitement avec l’efficacité du contrôle.
Sur les dispositifs de contrôle et la performance
Le contrôle du stationnement payant est exercé par la préfecture de police de Paris pour le compte de la Ville. La chambre invite le lecteur à se référer au rapport séparé dédié à l’exercice de cette mission par la préfecture de police.
La Ville de Paris ne dispose d’aucune statistique détaillée permettant d’analyser le volume d’activité des agents de contrôle et d’apprécier l’efficacité du contrôle réalisé. L’activité de verbalisation est en hausse tendancielle pendant la période examinée dans un contexte de réduction des effectifs de contrôle. Ce sont 3,8 millions de procès-verbaux d’infraction au stationnement payant qui ont été dressées en 2014, en hausse de 10 % par rapport à 2010. Cette activité semble sensible au contexte sécuritaire et à la doctrine d’emploi des agents, les événements dramatiques de 2015 se traduisant par une chute de l’activité.
La Ville dispose de systèmes d’information et d’un ensemble de tableaux de bord élaborés lui permettant de maîtriser les données d’activité et financières du stationnement de voirie et en parcs. Ces tableaux de bord remontent au plus haut niveau et l’information des élus est assurée.
Le taux de respect spontané du stationnement payant sur voirie, très faible à Paris par rapport à la moyenne nationale (respectivement 15 % et 30 %) et en dégradation, est un sujet de préoccupation. Les recettes sont en effet très sensibles à ce taux de respect : un point supplémentaire correspondrait à 5,5 M€ d’encaisse en plus.
Compte tenu de l’évolution législative en cours sur le statut de Paris en matière notamment de police de la circulation et du stationnement, la chambre n’a pas jugé utile d’émettre des recommandations.
[1] Il s’agit d’usagers venant travailler dans le centre-Ville chaque jour qui stationne pendant des durées longues.
Article écrit par Eric Verhaeghe pour son blog