Sciences/Technologies : Le mythe du surhomme est de retour

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Par Charles Sannat Publié le 11 février 2014 à 13h30

Le surhomme ou le surhumain, comme vous le souhaitez, est une idée qui est posée par le philosophe Nietzsche et qui servira de pilier à la rhétorique nazie et à son premier représentant le dénommé Adolf H., ce qui me permet dès la première phrase du premier paragraphe de cet édito d’atteindre le célèbre point de Godwin (lien en annexe pour ceux qui ne sauraient pas ce que c’est).

Pourquoi commencer cet édito comme cela ? Évidemment, même si cela va sans dire, disons-le quand même tant notre climat intellectuel est délétère, ce n’est pas pour faire l’apologie d’une doctrine qui a mené le monde dans l’horreur mais bien pour dénoncer le retour de cette idée du surhomme qui revient parmi nous sous des atours nettement plus séduisants, au nom de la science et du prôôgrès, mais qui se résume, j’en ai bien peur, ni plus ni moins à un nazisme de masse, mondialisé, constituant la poursuite du « rêve » hitlérien par d’autres moyens.

Inferno

Dans le dernier roman de Dan Brown intitulé Inferno, qui doit se traduire vraisemblablement en français par le mot « enfer », un super méga méchant qui est un super génial docteur en biologie décide par idéologie de fomenter un attentat biologique dans l’un des endroits les plus touristiques afin de contaminer le plus vite possible la terre entière avec un nouveau type de virus rendant l’ensemble de l’humanité stérile.

Face aux problèmes engendrés par la surpopulation humaine et de façon très pragmatique, ce chercheur arrive à la conclusion logique qu’il faut impérativement réduire de façon drastique le nombre d’êtres humains vivant sur terre.

Pour y arriver, la façon la plus élégante à laquelle sa réflexion aboutit est d’une part l’utilisation d’un virus qui a pour immense avantage de toucher le vivant mais pas les structures et permet d’éviter les destructions matérielles des guerres, et l’infertilité comme manière d’éviter un génocide généralisé. En une génération, son virus étant imparfait, certains pourront tout de même se reproduire avec un taux de l’ordre de 20 %, ce qui permettra la survie de l’espèce et la réduction de la population à moins de 4 milliards d’habitants, ce qui est nettement plus supportable pour notre environnement.

Dans son esprit, il sauve en réalité l’humanité d’elle-même et assure ainsi la survie de l’espèce humaine. L’auteur d’ailleurs ne semble pas si opposé que cela à cette idée de limitation de la population à travers ce que j’appelle le génocide de la stérilité, qui évidemment favorise les pays riches (ayant accès aux méthodes de procréation assistée) au détriment des pays pauvres…

Cela reste avant tout un roman et tout rapport avec une baisse drastique constatée et scientifiquement prouvée dans l’ensemble des pays occidentaux ne serait que purement fortuite.

Ce chercheur se réclame d’une école de pensée appelée le « transhumanisme » et même si pour le moment tout cela vous semble lointain par rapport à l’économie, vous allez voir rapidement comment ce sujet y est terriblement lié. Mais tout d’abord, arrêtons-nous sur cette doctrine du transhumanisme.

Qu’est-ce que le transhumanisme ?

Wikipédia définit relativement bien cette idéologie moderne du surhomme : « Le transhumanisme est un mouvement culturel et intellectuel international prônant l’usage des sciences et des techniques afin d’améliorer les caractéristiques physiques et mentales des êtres humains. Le transhumanisme considère certains aspects de la condition humaine tels que le handicap, la souffrance, la maladie, le vieillissement ou la mort subie comme inutiles et indésirables. Dans cette optique, les penseurs transhumanistes comptent sur les biotechnologies et sur d’autres techniques émergentes. Les dangers comme les avantages que présentent de telles évolutions préoccupent aussi le mouvement transhumaniste.
Le terme «transhumanisme» est symbolisé par «H+» (anciennement «>H») et est souvent employé comme synonyme d’«amélioration humaine». Bien que le premier usage connu du mot «transhumanisme» remonte à 1957, son sens actuel trouve son origine dans les années 1980, lorsque certains futurologues américains ont commencé à structurer ce qui est devenu le mouvement transhumaniste. Les penseurs transhumanistes prédisent que les êtres humains pourraient être capables de se transformer en êtres dotés de capacités telles qu’ils mériteraient l’étiquette de «posthumains». Ainsi, le transhumanisme est parfois considéré comme un posthumanisme ou encore comme une forme d’activisme caractérisé par une grande volonté de changement et influencé par les idéaux posthumanistes.

En France, ce mouvement est représenté par des mouvements tels que l’Association française transhumaniste, la Fondation FTSL, ou encore NeoHumanitas. Le grand nombre d’approches transhumanistes différentes se reflète au sein même de ces différents groupes.
La perspective transhumaniste d’une humanité transformée a suscité de nombreuses réactions, tant positives que négatives, émanant d’horizons de pensée très divers. Francis Fukuyama a ainsi déclaré, à propos du transhumanisme, qu’il s’agit de l’idée la plus dangereuse du monde.

Francis Fukuyama, brillant intellectuel américain est l’auteur de La Fin de l’homme, ouvrage dans lequel il exprime « ses inquiétudes face aux progrès des biotechnologies et en particulier de leurs applications possibles sur l’être humain. Parce qu’elles seront capables de transformer l’homme à un degré insoupçonné jusqu’alors, elles risquent d’avoir des conséquences extrêmement graves sur le système politique. Il est un ennemi acharné du transhumanisme, mouvement appelant de ses vœux de nombreuses évolutions technologiques afin de modifier l’humain et la société, notamment dans le domaine des biotechnologies. »

Pour tout vous dire, je partage assez ses inquiétudes et c’est donc maintenant qu’intervient le rapport direct avec l’économie.


Le danger Google !

Nous connaissons tous ou presque Google, le célèbre moteur de recherche, mais en réalité nous ne connaissons qu’une partie de Google, sa partie la plus visible et finalement la plus sympathique. Nous connaissons nettement moins le côté obscur de cette grande entreprise dont le cours de l’action avoisine à très juste titre les 1 200 dollars pièce…

Par exemple, on ne sait pas ou peu que Raymond Kurzweil, un type né en 1948 et disons-le brillantissime et absolument génial, a rejoint la société Google ni plus ni moins comme ingénieur en chef de la firme Google fin 2012. Larry Page, le patron et actionnaire de cette entreprise lui a donné carte blanche pour bâtir le Google du futur, celui de demain, et tout cela va tellement vite que le futur c’est vraiment demain… ou presque.

Ce que l’on ne sait pas ou peu, c’est que Raymond Kurzweil est l’un des papes pour ne pas dire LE pape du mouvement transhumaniste mondial et il incarne à merveille ce nouveau courant de pensée « technopathes » (un nouveau syndrome où l’on devient un psychopathe de la technologie).

Or depuis 2012, depuis que Raymond Kurzweil est à la tête technique de Google, nous assistons à un véritable festival d’acquisition de la part de la société Google qui laisse parfaitement entrevoir la stratégie totalement géniale au demeurant de ce qui va devenir la plus grande entreprise mondiale de tous les temps d’ici une vingtaine d’années, et qui sera bien loin du simple moteur de recherche que vous avez l’habitude d’utiliser aujourd’hui dans votre quotidien.

La convergence des technologies NBIC

Voilà le Saint-Graal que poursuivent Google, Larry Page et Raymond Kurzweil. Faire converger et fusionner les technologies NBIC, c’est-à-dire les nanotechnologies, la bio-ingénierie, l’informatique et la cognitique, le tout avec l’aide et l’appui indispensable de l’IA, l’intelligence artificielle dont on parle depuis des décennies maintenant mais qui devient enfin réalité.

L’objectif de Google est de changer le monde, notre monde, et de le transformer radicalement afin de nous faire rentrer dans l’ère post-humaine, dans un nouvel âge transhumaniste, de créer véritablement LE surhomme, celui capable de fusionner avec la machine.

Dans la vision des dirigeants de cette entreprise, l’homme de demain sera une espèce de cyborg quasi immortel made in Google. Le marché est évidemment immense puisque la quête de l’immortalité est à peu près aussi vielle que l’humanité et elle est à portée de mains… et de brevets !

Évidemment, cela pose quelques petits problèmes d’ordre purement éthiques et pragmatiques du type on ne va pas pouvoir être 100 milliards sur terre, alors… qui doit-on « sacrifier » et « comment » ? Dans une société où la moyenne d’âge serait de 2 siècles… comment aborder la notion « d’enfance »… Heureusement, les transhumanistes pensent à tout et l’utérus artificiel, dont Najat Belkassine voudra vraisemblablement équiper de série tous les hommes uniquement afin de savourer son rêve égalitariste, arrivera inévitablement un jour. Je cite à ce propos un texte « transhumaniste » : « Indépendamment des hypothèses sur l’utérus artificiel, qui pourrait permettre une totale exogenèse, indépendante donc de la santé des parents, le maintien de corps jeunes pourrait permettre à ceux et celles qui le choisiraient d’avoir un enfant à tout âge »… Oui, nos chercheurs travaillent évidemment sur ce sujet passionnant de la procréation par « exogenèse », c’est-à-dire en dehors du corps humain… Quelle libération pour la femme, enfin !

Google s’est donc lancé dans une politique d’acquisition massive d’entreprise de nano-technologie, de biologie et évidemment de robotique en rachetant systématiquement les entreprises les plus prometteuses. Je vous conseille à ce sujet l’excellent article de Laurent Alexandre publiée dans le JDD dont je vous joins le lien en annexe et qui tire un véritable signal d’alarme sur ce qui est en train de se jouer.


Quelques remarques et réflexions

Tout d’abord, ceux qui s’inquiètent de sujets comme la théorie du genre, ou plus généralement des sujets sociétaux, eh bien… vous avez raison de vous inquiéter car finalement, tout cela se regroupe parfaitement bien sous l’étiquette transhumanisme pour changer les hommes, pour changer l’humanité, mais les problèmes auxquels nous sommes confrontés sont infiniment plus larges et aussi beaucoup plus préoccupants !

Changer l’homme. C’est un vaste sujet, du nazisme aux religions, de la franc-maçonnerie au communisme, nombreux sont ceux, à travers toutes les époques qui ont voulu changer l’homme. Pour certains, il s’agit de le rendre meilleur spirituellement, pour d’autres d’en faire un surhomme au sens presque du super guerrier, et puis maintenant nous avons un nouveau courant de pensée, le transhumanisme et ce qui est terrifiant là-dedans, c’est que cette idéologie est portée et développée par l’une des plus grandes entreprises du monde et qui deviendra vraisemblablement un monstre aux mains d’intérêts uniquement privés et qui, comme tout monstre froid au carrefour du pouvoir et de la richesse, ne sera probablement pas doué de sagesse.

C’est un tout autre sujet mais je pense qu’il est important. Nous sommes en 1997. En 1997, nous étions à l’aube de la révolution Internet. Il s’en est passé des choses entre 1997 et aujourd’hui où nous utilisons presque tous quotidiennement Internet le plus naturellement du monde. Nous avons détesté la technologie, nous en avons eu peur, nous ne souhaitions pas confier notre carte bleue à un site et puis finalement nous l’avons adopté. Les réseaux ont changé notre vie. En bien et en mal. Nous avons connu un essor considérable pour certaines valeurs boursières, puis la bulle Internet a explosé en vol, mais la technologie et ses applications sont restées.

En ce qui concerne la révolution NBIC et la convergence technologique qu’elle va permettre, nous sommes en 1997, à l’aube de la transformation et sa première phase prendra au moins une dizaine d’années, même si les premiers humanoïdes seront commercialisés dès 2015, c’est-à-dire l’année prochaine. Comme nous sommes en 1997, c’est le moment sans doute d’acheter quelques actions de Google, ou encore d’autres entreprises liées à cette révolution NBIC en marche comme celle du secteur de la robotique. J’y reviendrai sans doute dans d’autres éditos tant ce sujet me passionne, me fascine et me fait frémir intellectuellement.

Nous pouvons avoir peur car il y a de quoi. Nous pouvons être enthousiastes aussi, car il y a de quoi. Mais nous devons veiller à préserver ce qui fait de nous des êtres humains.

Bienvenue en 2084 ou 1984, dans Globalia qui est le « meilleur des mondes » et sur lequel règne déjà en maître la société Google dont l’idéologie perceptible n’est pas forcément saine, voire même porte en elle quelques relents qui, pour utiliser un mot très à la mode, sont nauséabonds. Il est important de voir les véritables dangers.

Restez à l’écoute.

À demain… si vous le voulez bien !!

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Charles SANNAT est diplômé de l'Ecole Supérieure du Commerce Extérieur et du Centre d'Etudes Diplomatiques et Stratégiques. Il commence sa carrière en 1997 dans le secteur des nouvelles technologies comme consultant puis Manager au sein du Groupe Altran - Pôle Technologies de l’Information-(secteur banque/assurance). Il rejoint en 2006 BNP Paribas comme chargé d'affaires et intègre la Direction de la Recherche Economique d'AuCoffre.com en 2011. Il rédige quotidiennement Insolentiae, son nouveau blog disponible à l'adresse http://insolentiae.com Il enseigne l'économie dans plusieurs écoles de commerce parisiennes et écrit régulièrement des articles sur l'actualité économique.

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