En mai dernier, les dépôts à vue des ménages atteignaient la somme record de 388 milliards d’euros, soit deux fois plus qu’en 2007. Avec un taux d’inflation de 1.1% (Insee, Communiqué mensuel du 14 août 2019), cet argent "dormant", et surtout non rémunéré, fera perdre aux Français quelque 4,6 milliards d’euros. Vous avez dit "pouvoir d’achat" ? Cet exemple illustre sans pareil la profonde inculture financière dont souffre notre pays.
Les Français et l'épargne : près de 7 Français sur 10 ignorent combien leur épargne rapporte
Les Français épargnent beaucoup, jusqu’à 14,2% de leur revenu disponible brut l’an dernier (source Insee). Et en nombre : 89% d’entre eux mettent de l’argent de côté, et, paradoxalement, 69% des sondés ignorent combien cette épargne leur rapporte (sondage Opinion Way pour Altaprofits, juin 2019). C’est comme si neuf Français sur dix disaient faire leur pain eux-mêmes mais que sept sur dix ne savaient pas s’il était bon, mauvais, manquant de sel, que sais-je ? Cette faiblesse, les Français en sont largement conscients, puisque 77% d’entre eux estiment avoir un niveau de connaissance « moyen ou faible » sur les thématiques financières(étude réalisée du 11 au 28 juin 2018, cabinet Audirep, pour la Banque de France).
C'est au pouvoir public qu'il revient de former les jeunes
Que faire, alors ? Sans conteste, il revient aux pouvoirs publics d’agir avec force sur ce terrain. Reconnaissons-leur quelques timides avancées. Ainsi cette initiative de créer un musée européen consacré à l’économie, le Citéo (cité de l’économie et de la monnaie), ouvert au public depuis cet été à Paris. Ou encore le lancement du site mesquestionsdargent.fr, pour mettre à la portée de tous des notions élémentaires pour gérer son argent. C’est toutefois très insuffisant face au défi lancé. Quel gouvernement aura l’idée, fut-elle un peu courageuse, de s’attaquer au sujet de la formation financière des jeunes. C’est la première pierre à l’édifice, l’enseignement, qui chacun le sait, se soucie si peu des questions d’argent, de finance, d’entreprise. Bien sûr, sans surprise, nos jeunes ne brillent pas en économie selon les classements Pisa, un programme international qui suit les acquis des élèves. Ainsi des mathématiques que chacun devrait connaître pour savoir combien a rapporté un placement, ce qu’est un taux d’intérêt, ou encore faire des comparaisons dans le temps et l’espace. Sans parler de la terminologie financière, complètement absente du cursus scolaire. Qui saurait définir même grossièrement ce qu’est une action, une obligation, une assurance vie, ce que rapporte un fonds en euros ?
Les idées fausses ont la vie dure en matière financière; les mauvaises habitudes aussi. Ainsi investissons-nous le regard rivé dans le rétroviseur. Ainsi ignorons-nous qu’à épargner régulièrement sur un placement risqué, nous en lissons le cours d’achat, donc baissons son niveau de perte. Ainsi de ces épargnants qui investissent à l’aveugle, sans s’intéresser par exemple au niveau des frais variables d'un contrat d'assurance vie à l'autre. Ainsi encore mettons-nous trop d’œufs dans le même panier, contre toute sagesse. Bien sûr, les freins culturels sont légion. Psychologiques, car comme l’ont montré des spécialistes, une perte nous affecte davantage qu’un gain de même montant (voir Daniel Kahneman et Amos Twersky, fondateurs de l’investment psychology, prix Nobel d’économie.) ! Cette asymétrie explique l’aversion au risque si courante en France. Un écueil rencontré par tous les conseillers financiers, bien en peine d’expliquer qu’un investissement, pour être sûr, doit toujours être diversifié et approprié. Notre relation à l’argent n’est décidemment pas simple.
Et notre engagement, nous, professionnels de la finance ?
Si tout doit partir de notre Ministère de l’Éducation nationale, le développement de la culture financière est en réalité l’affaire de tous, les professionnels de la finance doivent aussi jouer leur rôle dans cette démocratisation de l’épargne. Bien sûr, les générations X, Y ou encore alpha seront plus aguerries aux nouvelles technologies que les générations précédentes, aux robo-advisors et autres algorithmes. Mais elles seront aussi particulièrement mobiles pour ne pas dire volatiles. Les banques ne capteront plus leur attention si facilement, qui alors le fera ? En tant que courtier, nous avons le devoir de les aider à gagner cette culture financière qui leur fait défaut. Comment ? En utilisant intelligemment les outils informatiques (moteurs de calcul, affichages sur mobiles, etc.) pour rendre la vie des Français plus simple. Mais aussi en vulgarisant notre propos, qu’il faut simplifier sans le rendre simpliste et sur lequel nous devons communiquer massivement. Un ETF, Kesako ? Enfin, en conciliant humain et digital (la puissance de la vision holistique du client) pour apporter un meilleur service. La finalité n’est autre que l’autonomie de l’épargnant, capable alors d’éviter les modes, d’investir de manière raisonnée et indépendante. La finance, ça s’apprend !