La société française traverse depuis le début de ce siècle de nombreux bouleversements qui aboutissent indirectement à la remise en cause d’une des notions fondatrices de la société de consommation : la propriété.
D’une part, la crise économique met à mal, depuis 2008, la trésorerie des ménages. A tel point que le « dogme de la possession » devient même un fardeau pour 58% des Français, qui se déclarent prêts à faire des sacrifices pour assouvir leur désir de consommation : rogner sur les loisirs, revendre d’autres biens, travailler le week-end, voire renoncer à ses vacances, selon un sondage d’OpinionWay dévoilé début 2015.
Les dangers de l'hyperconsommation
D’autre part, les citoyens ont pris conscience des dangers auxquels la planète est exposée du fait du développement de ce modèle d’hyperconsommation mondialisée et qui pourraient mettre en cause leurs modes de vie : pollution directe et indirecte, changement climatique, problématiques de recyclage, maladies, gaspillage, épuisement ou raréfaction des ressources – pétrole, eau, etc.
La conjonction de ces deux facteurs nous pousse aujourd’hui à remettre en cause certaines habitudes de consommation. Un grand nombre d’entre nous est aujourd’hui tiraillé entre l’envie de consommer (et de se faire plaisir) et la prise de conscience de l’impact de nos comportements sur le collectif. Soyons francs, dans la pratique, une grande majorité reste toujours animée par la volonté d’assouvir en priorité ses besoins personnels, et si possible à moindre prix. Néanmoins, depuis quelques années, le modèle de consommation traditionnel fondé sur l’achat et la possession est progressivement remis en question. Chaque dernier samedi de novembre, est désormais célébrée « la journée sans achat » qui symbolise la lutte contre le gaspillage. Cette évolution est confirmée par une récente enquête de l’IFOP : « Plus d’un Français sur deux en rupture avec les modes de consommation traditionnels ».
L’usage plutôt que la possession
Forts de cette prise de conscience qui englobe d’autres problématiques comme l’obsolescence rapide des biens, le coût des pannes, le désir de renouvellement responsable, etc., les consommateurs adoptent de nouveaux comportements. Echange de services, location entre particuliers, trocs… autant de formes de consommations alternatives qui trouvent de plus en plus de résonnance chez les consommateurs. Aux succès d’AutoLib ou de Vélib’ sont venus s’ajouter ceux de Blablacar et d’Airbnb.
L’avènement de ces nouvelles façons de consommer a été rendu possible par la multiplication des échanges d’informations sur Internet et notamment grâce à l’essor du commerce en ligne entres particuliers (leboncoin.fr et ebay.fr par exemple). Bien évidemment, les systèmes de trocs et d’échanges ne datent pas d’hier, mais le web a multiplié leur ampleur.
Et, comme l’explique Jeremy Rifkin, avec le développement de l’économie en réseau, notre rapport à la consommation évolue : la propriété est remplacée par l’usage, et les marchés par des réseaux. A l’heure du partage, consommer ne rime donc plus avec posséder. Petit à petit, l’usage se substitue à la possession et les modèles reposant sur la location ou l’abonnement deviennent des alternatives crédibles. Ce qui explique le succès de Deezer et de Netflix, après que les opérateurs télécoms et Internet aient bien défriché le terrain.
Gilles Berhault, président du Comité 21 (Comité français pour l’environnement et le développement durable), enfonce le clou : « Il n’est plus viable aujourd’hui de fonder notre économie sur une logique de la possession (…) mais il faut désormais migrer vers une économie de la fonction et de l’usage ».
Mieux consommer : privilégier l’usage
L’heure n’est donc plus à l’hyperconsommation, ni à la possession. L’économie, telle que nous la connaissons aujourd’hui, n’est plus envisageable. Déjà en février 2009, une enquête d’Ipsos Marketing pour Marketing Magazine invitait les français à répondre à la question : « Que signifie au juste ‘’consommer mieux’’ ? ». Leur réponse tient en trois points, « consommer mieux » signifie :
- ‘’acheter des produits respectueux de l’environnement’’ (51%)
- ‘’acheter des articles bons pour la santé’’ (46%)
- ‘’n’acheter que des produits utiles’’ (40%)
La notion de « consommer mieux » semble donc englober trois responsabilités : sociale, économique et environnementale. Elle signifierait donc tendre vers cette nouvelle économie, celle de la fonctionnalité et de l’usage. D’après une étude de l’Observatoire des Sociétés et de la Consommation (ObSoCo), 83% des Français considèrent que « l’important est de pouvoir utiliser un produit plus que de le posséder ». L’usage prend donc progressivement le dessus sur la propriété.
Le marché de l’usage, notamment celui de la location longue durée, répond, comme l'indique cette analyse, aux problématiques de près d’un Français sur deux. Ce modèle de consommation, bien qu'il ne résolve pas intégralement les problématiques environnementales, est amené à se développer et à se différencier grâce aux services. Ce marché, traditionnellement cantonné à la location de véhicules, devrait continuer de s’ouvrir à tout type de produits afin de réconcilier la notion de bien-être individuel avec celle du bien-être collectif.