Il y a sans doute deux façons de regarder à l’heure actuelle l’environnement des marchés : suivre de près le newsflow et les signaux de politique économique ou s’efforcer de prendre du recul pour repérer les tendances de fond et tenter de peser le risque d’inflexion.
États-Unis : les chiffres sont au beau fixe
Commençons par le premier regard ; le plus simple à avoir. L’actualité est assez américaine. Du côté des chiffres économiques, les dernières livraisons ne sont pas mauvaises. Les ventes au détail restent bien orientées (le dernier point concerne le mois de juin) ; les statistiques de mai sur les stocks suggèrent une contribution positive de ceux-ci à la croissance du PIB de T2 ; peut-être le plus intéressant, car elle capte l’information disponible au début du mois de juillet, l’enquête de la Fed de New York dans le secteur manufacturier montre une activité se maintenant à un haut niveau, même si d’un mois à l’autre une légère baisse intervient. De quoi conclure à une assez forte croissance économique en T2, qui ne « décroche » pas au début de T3.
Comment le Président de la Fed, Jerome Powell, va-t-il s’emparer de cette information la plus récente au cours de son audition semestrielle aujourd’hui devant une commission du Sénat ? Son propos devrait être sans trop de surprises. Il y en a habituellement peu dans ce genre d’exercices. Un regard confiant en matière de croissance économique, un recul par rapport à l’accélération récente des prix (l’objectif d’inflation de la banque centrale est symétrique) et une nécessaire prudence vis-à-vis des tensions commerciales qui se développent.
Comment alors ne pas être incité de conclure que les « fondamentaux » restent bons et forment un rempart plutôt solide contre les initiatives hétérodoxes prises par tel ou tel pays ? Dans ces conditions, l’investisseur ne doit pas « abandonner la partie ». Certes tout doit être fait avec doigté ; mais il y a encore de la valeur à extraire des actifs risqués. Il faut « juste » prendre en compte un biais baissier sur la croissance économique et mettre un bémol sur le rythme de normalisation des politiques monétaires.
L'Europe en manque d'intégration
Passons à cet autre regard, tout en recherche de tendances et d’inflexions. Il va insister sur les transformations de la scène politique mondiale et sur ces implications économiques. Comment ne pas comprendre qu’un monde devenu multipolaire est porteur d’instabilité ? La confrontation sino-américaine a des effets de « ricochet ». La Chine fait les « yeux doux » à l’Europe et le Président américain tient des propos aimables à son homologue russe (les deux évènements se sont produits hier). Bien sûr, rien de tout ceci n’est acquis et les jeux tactiques d’aujourd’hui laisseront la place à d’autres demain. Quid alors de la lisibilité des « grandes affaires » du monde ? Et puis il y a la montée du populisme. Elle questionne plus directement les régions du monde qui ont le moins de systèmes de transferts. Comment ne pas voir qu’au nombre des grands acteurs internationaux l’Union européenne / la Zone Euro est plus particulièrement concernée ? Pas au titre évidemment des mécanismes propres à chaque pays, mais à celui entre pays-membres. La difficulté de l’Europe à pousser son intégration plus avant, dans l’environnement international et politique actuel, est une source supplémentaire de difficulté.
Pour le FMI, une reprise est attendue un peu partout dans le monde
Les retombées économiques transitent au travers de la dynamique du commerce mondial (qui subit les entraves mises aux échanges par l’Administration Trump et aux mesures de représailles prises par les pays-partenaires) et du niveau de confiance. Le FMI vient de publier la mise à jour de ces projections économiques. Sans trop de surprises, la croissance du commerce mondial est revue à la baisse, mais pas celle de l’économie mondiale. De même, parmi les grandes économies autour du globe, la révision baissière concerne davantage la Zone Euro (-0,2% en 2018 et -0,1%) que les Etats-Unis et la Chine.
Le FMI pointe à juste titre les éléments de faiblesse de l’environnement mondial. Il perçoit les risques, mais, un peu comme la grande majorité des observateurs, il paraît considérer que la situation économique actuelle est suffisamment solide pour absorber les chocs en cours, si tant est qu’ils n’augmentent pas de trop. A ce titre, la critique formulée à l’encontre des marchés n’est peut-être pas tout à fait recevable. Si « les marchés semblent globalement complaisants », c’est sans doute au titre d’un environnement économique qui « plie (qui plus est, juste un peu) mais ne rompt pas », tel que décrit par l’institution sise à Washington.