L’officialisation de la fonction principale des écarts de salaire

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Par Dominique Michaut Publié le 12 janvier 2018 à 5h00
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L’officialisation de la fonction principale des écarts de salaire - © Economie Matin
2 250 eurosLe salaire moyen français est de 2 250 euros nets par mois.

Politique économique, assainir le marché du travail (II) – Des grands écarts de rémunération du travail existent dans chaque nation. Ils peuvent être vus de deux manières tellement différentes que l’acceptation de l’une entraîne le refus de l’autre. Une politique mal orientée sur ce point perpétue l’une des pires contrevérités économiques.

Toutes les valeurs d’échange marchand, dont celles des services du travail en contrepartie de la rémunération de leur ouvrage aux individus qui le fournissent, sont ou ne sont pas davantage que des prix. Si ce davantage existe, ce ne peut être que par une loi commune à ces valeurs ; dans ce cas, les grands écarts intra nationaux de rémunération du travail proviennent de la loi commune. Mais quoi qu’on en dise, en réalité cette loi commune n’existe pas (sur les déterminants des valeurs d’échange marchand, Economie Matin du 11 novembre 17). Les grands écarts intra nationaux de salaires révèlent l’existence d’une fonction propre aux égalités et inégalités des prix du travail dans chaque nation Cette fonction, qui en soi n’est pas scandaleuse du tout, constitue l’authentique et infalsifiable loi d’airain des rémunérations du travail : leurs écarts règlent une répartition que l’économie politique à ce jour dominante ne parvient pas à faire entrer dans son schéma (Economie Matin du 14 septembre 17).

Insupportable par le corps social

Une loi économique n’en est réellement une que si l’enfreindre : ou bien ne se peut pas ; ou bien expose à une sanction administrée par la concurrence ; ou bien se révèle à la longue insupportable. L’augmentation et la réduction à pas comptés des grands écarts intra nationaux de rémunération du travail n’exposent pas à des sanctions clairement administrées par la concurrence. En revanche, sur longue période la croissance continue de ces écarts est insupportable par le corps social parce que cette croissance-là dégrade sa cohésion. J’ajoute ici la considération suivante.

L’augmentation des plus hautes rémunérations du travail durablement plus élevée que celles du niveau moyen et du niveau minimal des autres rémunérations du travail fait : 1) comme si le revenu total du travail pouvait ne pas être de bout en bout une œuvre collective, 2) comme s’il était normal que la régie du partage de ce total incombe à une oligarchie et non pas à la collectivité.

Les fruits d’une œuvre collective

La prétendue loi commune à toutes les valeurs d’échange marchand, c’est pour les cours et les discours. Même si elle existait, elle n’enlèverait rien au fait que, pays par pays, le revenu total de placements et le revenu total du travail ont toujours été, sont et resteront les fruits d’une œuvre collective. Et que, par conséquent, le revenu global dans chaque pays est lui aussi le fruit d’une œuvre collective, avec ce que cela comporte de concours venus de l’étranger.

Il ne fait aucun doute que dans un pays moderne il incombe au pouvoir politique de pourvoir, tant que cela n’est pas entré dans les mœurs, à la répétition annuelle de négociations collectives d’évolution des rémunérations du travail, toutes cartes sur table. Cela doit en arriver à être fait de de telle façon que ces négociations se déroulent et soient commentées sous le sceau de la reconnaissance officielle de la régie par la subjectivité collective, toutes catégories socioprofessionnelles incluses, du partage du revenu total du travail. Ce sceau rend à la vox populi le pouvoir de faire évoluer les écarts de rémunération du travail dans le sens qui convient à l’opinion majoritaire dans ses rangs, tout en étant tenue mieux instruite du fait que le niveau du pouvoir d’achat du salaire moyen est déterminé par des lois économiques elles impossibles à enfreindre.

Contre l’officialisation ici plaidée

Contre l’officialisation de la fonction distributrice des écarts de rémunération du travail se trouve la dérive, elle aussi possiblement tout à fait collective comme nous en avons maintes preuves sous les yeux, qui consiste à se préoccuper davantage de la redistribution par transferts de pouvoir d’achat administrés par la puissance publique que de la distribution opérée par échanges marchands librement consentis. L’argument moral en faveur de la priorité donnée à la redistribution sur la distribution revient à perpétuer des attitudes pourtant moralement très contestables : il faut que l’injustice soit commise afin que sa réparation paraisse juste ; dès lors que cette réparation est institutionnellement prise en charge aux frais de la collectivité, la liberté comporte celle de tirer son épingle du jeu par l’accréditation de contrevérités économiques.

Contre l’officialisation de la fonction distributrice des écarts de rémunération du travail se trouve également, malgré ce que la raison enseigne et l’histoire de longue période confirme (Economie Matin du 29 juin 17), le refus d’admettre qu’il y a dans la dynamique normale de l’économie de marché la maximisation du revenu total du travail. Contre l’officialisation ici plaidée se trouve donc non seulement la redistribution trop voulue avant d’assez bien concevoir et organiser la distribution des revenus, mais aussi plus complètement le maintien de la population sous la camisole de force de l’immaturité économique (par entre autres dispositifs la non abrogation de la fiction des cotisations patronales, Economie Matin du 4 janvier 18).

Flagrant délit d’absurdités économiques

Décidément, il n’y a pas que sur le marché du capital que les principes immatures volent en escadrille (Economie Matin du 21 décembre 17). La mentalité dominante nous trouve pris en flagrant délit d’absurdité redoublée sur le marché du travail. Il est absurde de passer outre à l’évidence que des taux différents de variation annuelle des salaires tout compris ont forcément un effet sur la distribution du revenu total du travail. Or nous voici conviés à entretenir cette absurdité, tout en faisant comme si la distribution dont il s’agit n’existait pas, mais sans tenir pour finalement absurde de croire dur comme fer qu’un gros paquet de redistribution par de la fiscalité assise sur les grands écarts de salaire appartient au nec plus ultra de l’économie intelligemment modernisée.

Si l’observateur impartial cher à l’Adam Smith de la Théorie des sentiments moraux (1759), son grand ouvrage antérieur à son enquête sur La richesse des nations (1776), voulait bien se faire compatissant aux désordres de nos idées économiques, il nous prescrirait fermement d’avoir enfin l'intelligence d’assumer le partage du revenu total du travail par les écarts de salaire.

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Dominique Michaut a été directeur des études du Centre consulaire de formation de Metz puis conseiller de gestion, principalement auprès d’entreprises. Depuis 2014, il administre le site L’économie demain, dédié à la publication d’un précis d’économie objective (préface de Jacques Bichot).

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