Les auditeurs attentifs de la nouvelle pythie du 21ème siècle, Janet Yellen présidente de la Fed, auront remarqué que le retour de l’inflation en tant que hausse des prix à la consommation a été évoqué lors du dernier comité monétaire. Cependant, la Fed a malgré tout décidé de ralentir son programme de hausse des taux directeurs.
Contrairement à ce que véhicule la bonne parole officielle, les banques centrales n’oeuvrent pas dans l’intérêt de l’économie réelle et de Monsieur Tout-le-Monde. Elles poursuivent en réalité deux buts :
– Protéger l’industrie financière. Si les banques centrales s’appellent « banques », c’est bien parce que ce sont des super-banques. Elles ne s’appellent pas « Trésor » ou « organisme en charge de la gestion de la masse monétaire ». En tant que banques, leur vocation c’est le crédit.
– Protéger l’Etat-Providence qui est le plus gros client des banques et a sous-traité la création monétaire aux banques commerciales.
Ce n’est pas un hasard si le gonflement des bulles de crédit a suivi celui des dépenses sociales des pays développés. Une récente (mars 2016) étude de Citigroup s’est penchée sur les engagements non provisionnés des Etats-Providence de l’OCDE. Voici ce que cela donne (illustré par le graphique ci-dessous, en anglais) : pour 44 000 milliards de dollars de dette publique avouée, les gouvernements des pays développés ont en réalité 78 000 milliards d’engagements de retraite non provisionnés. Ce n’est que la retraite, pas la maladie ou le chômage !
Que font, depuis la nuit des temps, les Etats lorsqu’ils sont surendettés ? Ils créent de la monnaie pour donner l’apparence de la solvabilité. Créer de la monnaie conduit à renchérir artificiellement les prix, ce qui permet de gonfler les recettes fiscales et de ronger les dettes publiques. L’inflation — conséquence de la création monétaire — est le Graal de tout pays surendetté.
Même les meilleures choses ont une fin
Aujourd’hui, monnaie et crédit sont une seule et même chose. La monnaie en espèces sonnantes et trébuchantes ou en billets disparaît au profit de lignes inscrites dans des mémoires informatiques. Les banques centrales ont donc créé des quantités astronomiques de crédit. Ce faisant, nous avons eu le droit à une inflation (hausse des prix) des actifs financiers. Les prix des obligations et des actions se sont envolés. Les banques centrales ont ainsi réussi à masquer l’insolvabilité des deux entités qu’elles protègent :
– Les gouvernements qui ont pu continuer à s’endetter à bon compte sans voir la charge des intérêts payés augmenter.
– Les banques commerciales qui font apparaître à leur bilan des valorisations flatteuses.
Mission accomplie, donc. Quant à Monsieur Tout-le-Monde, il ne s’est pas plaint car il n’a pas eu à endurer de hausse des prix à la consommation ; ces derniers sont restés assez sages malgré des niveaux inédits de création monétaire. Il n’y a pas eu de hausse générale des prix à la consommation car le crédit abondant a financé de monstrueuses capacités de surproduction et la concurrence fait rage. Mais même les meilleures manipulations ont une fin… … L’inflation commencerait à poindre sont nez aux Etats-Unis.
Est-ce sérieux ? En regardant ce graphe, vous comprenez pourquoi la Fed a décidé de ne rien faire : le niveau n’est pas du tout suffisant pour ronger efficacement les dettes.
D’où vient l’inflation ?
Cette inflation annonce-t-elle la fin des surcapacités productives ? Difficile à croire. Côté production, songez au pétrole de schiste, à l’industrie automobile… De l’autre côté de la chaîne économique, songez à la consommation subventionnée par les « transferts sociaux » et le crédit (crédit étudiant aux Etats-Unis). D’où vient cette inflation alors ? Je pense que même Janet Yellen n’en sait rien. Il est encore trop tôt pour un diagnostic.
En Allemagne aussi, où les épargnants sont punis par les taux d’intérêt négatifs, l’inflation fait une petite poussée de fièvre. L’inflation décollera lorsque les créditeurs du système voudront retirer leur argent de la sphère financière puisque leur épargne ne leur rapporte plus rien et le dépenser plutôt que le laisser dans les banques. Si l’inflation décolle vraiment que pensez-vous que les banques centrales feront ? Rien, évidemment. De toute façon, toute hausse des taux dans un monde surendetté précipiterait des faillites en cascade.
Comme l’avait fait remarquer Karl Otto Pöhl, un ancien de la Bundesbank : « L’inflation, c’est comme la pâte dentifrice. Une fois qu’elle est sortie du tube, il est impossible de l’y faire rentrer ».
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