Ce 29 juillet, l'ancien trader Jerome Kerviel demandait un aménagement de sa peine (5 ans de prison dont 3 ans ferme). Mais alors que le Juge d'Application des Peines était favorable à sa sortie avec bracelet électronique, le parquet a fait appel de cette décision.
Je veux m'élever contre ce qui ressemble de plus en plus à un acharnement. Déjà en 2008, le parquet avait fait appel de la décision du juge de ne pas placer Jerome Kerviel en détention provisoire. Il avait fallu une deuxième demande - et 39 jours de détention - pour qu'il soit libéré dans l'attente de son procès.
Aujourd'hui, les questions posées à la justice sont pourtant les mêmes qu'en 2008 : la liberté de Jerome Kerviel fait elle courir un risque à notre société ? Nullement.
Risque-t-il de s'enfuir ? Non : depuis 2008 il l'a largement prouvé en restant à la disposition de la justice alors qu'il aurait eu tout loisir de s'enfuir. Et il prépare activement l'appel au civil dont la prochaine audience se tiendra le 17 septembre.
Dès lors, que signifie l'empressement du parquet à faire appel (quelques dizaines de minutes seulement après la décision) alors même que l'Assemblée vient enfin de voter une loi décisive pour en finir avec le tout-carcéral et faciliter la réinsertion des détenus ?
A vrai dire, on aimerait que la justice et les pouvoirs publics fassent preuve d'autant de diligence dans l'autre versant de l'affaire dite Kerviel.
Depuis le jugement de la Cour de Cassation du 19 mars, on sait en effet que la Société Générale est en partie responsable de la perte qu'elle a tenté de faire imputer à un seul trader. La Cour d'Appel de Versaillles décidera courant 2015 des responsabilités respectives de Jerome Kerviel et de son employeur négligent.
J'espère que cette même Cour d'Appel acceptera la demande d'expertise des pertes déclarées par la banque formulée par la défense de Jérôme Kerviel : il est tout à fait incroyable que la justice et le fisc se soient contentés pour l'heure de seules déclarations de la banque.
Mais d'ores et déjà, en vertu de ce jugement du 19 mars, on sait désormais que la Société Générale n'aurait jamais dû toucher les 1,7 milliard d'euros (ou 2,3!) de baisses d'impôts octroyés par la ministre de l'économie Christine Lagarde : d'après la jurisprudence Alcatel du Conseil d'Etat, la baisse d'impôt en cas de fraude n'est possible que si l'entreprise n'est en rien responsable de la perte, même indirectement.
Dès le lendemain du jugement, le ministre de l'économie aurait donc dû se précipiter pour récupérer cette immense somme (25€ par français) auprès de la Société Générale.
Mais en mars, le ministre de l'économie Pierre Moscovici n'a rien fait.
Début avril, j'ai donc sollicité son successeur, Michel Sapin, pour lui demander ce qu'il comptait faire.
Sa réponse fut moins empressée que celle du parquet ce matin : trois mois après mon courrier, début juillet, le ministre m'a indiqué qu'il ne ferait rien, sans plus d'explications.
A l'heure où le gouvernement exige toujours plus d'efforts de la part de nos concitoyens, cette inaction est une grave faute. C'est proprement irresponsable de la part du ministre de l'économie de s'assoir sur une telle somme. J'espère que dans les prochaines semaines nous pourrons l'amener à revoir sa décision : nous devons tout faire pour faciliter cette possible rentrée d'argent pour le Trésor Public.
Et vous, que feriez-vous avec 1,7 milliard d'euros ?
Quelques exemples ici https://queferiezvousavecunmilliardsept.tumblr.com/