Après avoir validé le budget français de 2015 par on ne sait quel miracle, la Commission européenne essaie de corriger le tir en rappelant qu'en 2016, la France portera le bonnet d'âne de l'Europe en matière de déficit public. Cette perspectives n'est pas une surprise pour la simple raison que la France est le seul pays européen à refuser d'engager des réformes économiques structurelles depuis plus de vingt ans. Le budget 2015 n'échappe d'ailleurs pas à la règle.
La sagesse populaire nous l'enseigne d'ailleurs : « plus c'est gros, plus ça passe ». Autrement dit, plus un mensonge est énorme, plus il est accepté par le plus grand nombre. Les déclarations des dirigeants de la France en matière de baisse des dépenses publiques depuis une trentaine d'années nous en donnent un exemple flagrant. En effet, depuis lors, il n'y a pas eu un Président de la République, un premier ministre, un ministre des finances ou un ministre du budget qui n'a pas osé affirmer au peuple français que les dépenses publiques allaient baisser « l'an prochain ».
Pourtant, bien loin de ces « promesses d'ivrogne », les dépenses publiques n'ont cessé d'augmenter. Elles sont ainsi passé de 180 milliards d'euros en 1979 à 525 milliards en 1990, puis 760 milliards en 2000 et, enfin 1300 milliards en 2014. En fait, depuis 1959 et le début des statistiques modernes de l'INSEE, les dépenses publiques françaises n'ont JAMAIS baissé. Depuis 1990, les dépenses publiques ont augmenté de 148 %. Sur la même période, les prix ont augmenté de 51 % et le PIB en valeur (donc augmenté de l'inflation) a progressé de 100 %. Et oui, vous ne rêvez pas, l'accroissement des dépenses publiques ont augmenté 1,5 fois plus que la richesse créée dans l'Hexagone.
Conséquence logique de cette gabegie de dépenses publiques, le poids de ces dernières dans le PIB est passé de 49,6 % en 1990 à 57,1 % en 2014. Un niveau historique pour la France et l'un des plus élevés du monde. Sur les 189 pays recensés par le FMI, seuls six font « mieux » que nous, ou plutôt pire : le Lesotho (62 %), la Micronésie (62,8 %), les îles Marshall (63,1 %), la Libye (83,4 %), les Tuvalu (100,2 %) et les Kiribati (109,7 %). Un « club » très fermé, auquel on se serait bien passé d'appartenir.
A la rigueur, si cette hausse effrénée des dépenses publiques avaient engendré une croissance force, on pourrait s'exclamer « au diable l'avarice ». Malheureusement, nous en sommes très loin. Et pour cause : depuis 2002, la croissance annuelle moyenne de la France n'est que de 1 %, soit la 29ème performance sur les 35 pays de l'OCDE.
Mais ce n'est pas tout. En effet, si nos dirigeants reconnaissaient leurs erreurs et avouaient la réalité aux Français, on pourrait éventuellement leur pardonner. Or, non seulement ce n'est pas le cas, et, en plus, ils persévèrent dans leurs erreurs et leurs mensonges. Ainsi, comme cela s'était déjà observé l'an passé, mais aussi depuis une vingtaine d'années, le gouvernement a présenté un projet de loi de finances faisant état d'une baisse des dépenses publiques : « la plus forte depuis toujours !» nous dit-on.
Pourtant, une fois encore, il s'agit d'un mensonge. Le même mensonge d'Etat qui prévaut depuis plus de vingt ans. Effectivement, lorsque le ministre des finances annonce une baisse des dépenses, il s'agit en fait d'une moindre hausse par rapport à la « progression spontanée » des dépenses. Ainsi, selon cette évolution tendancielle, les dépenses publiques auraient dû progresser de 1,7 %, alors que, grâce aux « efforts herculéens » du gouvernement, elles ne croîtront que de « 0,2 % » en volume, c'est-à-dire d'au moins 1 % en valeur. « Formidable ! » se serait écrié Jack Lang dans un autre temps.
Dans ce cadre, il faut être clair : comme cela s'observe depuis 1959, les dépenses publiques continueront de croître significativement. Autrement dit, à cause de ce refus de baisser véritablement et significativement les dépenses, le gouvernement restera incapable de baisser massivement les impôts, condition sine qua non pour relancer la croissance.
Cela signifie donc que la progression du PIB restera molle, que le chômage continuera d'augmenter et que les déficits publics seront bien plus élevés que prévu. Ils seront d'au moins 4,7 % du PIB tant cette année que l'an prochain et jusqu'en 2016.
D'où un autre mensonge d'Etat : la baisse du ratio dette publique / PIB. Là aussi, nous faisons face à une erreur basique majeure : la dette n'est autre que le cumul des déficits. Dès lors, si l'on veut baisser le ratio dette/PIB, il faut, soit retrouver un excédent budgétaire, soit retrouver une croissance du PIB plus forte que celle de la dette, soit les deux. Or, aucun de ces scénarios n'est crédible à moyen terme. Autrement dit, comme nous l'annoncions depuis des années et notamment dans « le dictionnaire terrifiant de la dette » (best-seller des essais économiques depuis 2013 et qui passera en édition poche dans quelques semaines, j'en profite d'ailleurs pour vous en remercier), la dette publique atteindra bien la barre des 100 % du PIB au début 2015.
« Et alors ? » diront certains. On pourrait même ajouter « la note de la France reste l'une des meilleures du monde et les taux d'intérêt des obligations d'Etat n'ont jamais été aussi bas », alors pourquoi se fatiguer à baisser les dépenses publiques, les déficits et la dette ?
C'est bien là qu'est le drame. Car, ne l'oublions pas : de 2000 à 2008, en dépit d'une dette publique de plus de 100 % du PIB et de déficits publics chroniquement élevés, la Grèce aussi a bénéficié de taux d'intérêt historiquement bas. Et puis, un jour, les investisseurs se sont réveillés et la crise grecque a éclaté.
Il s'agit là de ce que l'on appelle un « aléa moral ». En effet, dans la mesure où la politique irresponsable de la France n'est pas sanctionnée depuis des années, les différents gouvernements ne sont pas incités à engager une thérapie de choc, indispensable pour guérir la France. Même l'ancien Président Nicolas Sarkozy, pourtant jadis adepte de la rupture, qu'il n'a d'ailleurs jamais appliqué, ne le souhaite plus. Alors que faire ? Attendre qu'une crise grecque arrive France ? Peut-être, mais, à ce moment-là, il sera trop tard.