Le Cercle des épargnants vient de rendre publique la 13ème édition de son baromètre « les Français, l’épargne et la retraite », basé sur un sondage CSA. 61 % des Français se déclarent inquiets en pensant à la retraite ; 56 % des actifs estiment qu’ils n’auront pas les ressources suffisantes pour vivre correctement une fois à la retraite, alors que 30 % seulement des retraités estiment disposer de ressources insuffisantes.
Autrement dit, les actifs s’attendent à ce que la générosité des retraites par répartition diminue. On aimerait pouvoir leur dire que leur inquiétude est excessive. Malheureusement, ni l’état de l’économie ni celui de la démographie ne permettent de les rassurer : le pire n’est pas certain, mais il n’est pas non plus exclu, et sa probabilité augmente au fur et à mesure que les années passent sans que soient corrigées les erreurs qui affaiblissent notre système de retraites par répartition et, plus généralement, notre économie.
France : le système de retraites est déficient
La retraite est d’abord une affaire de démographie et de formation. Comme le disait Alfred Sauvy, les actifs ne préparent pas leurs retraites en versant des cotisations vieillesse – elles sont dépensées par les retraités actuels – mais en préparant correctement un nombre suffisant d’enfants à prendre la relève dans tous les métiers possibles et imaginables. Or la formation initiale, en France, n’est pas merveilleuse. Les enquêtes PISA nous placent dans le peloton, non dans les meilleurs. Et surtout, le quart de chaque classe d’âge – de chaque « cohorte », disent les démographes – sort du système scolaire avec peu de connaissances, peu de savoir-faire utile, et beaucoup de frustrations, quand ce n’est pas « la haine ». Quant à la natalité, nos 2 enfants par femme nous placent certes en bien meilleure position que beaucoup d’autres pays européens et que la Chine, mais il faut savoir que les retraités français actuels bénéficient du travail de personnes nées encore pour une bonne moitié à l’époque du baby-boom (2,8 enfants par femme). Passer de 2,8 à 2 représente une forte diminution, qui ne peut pas ne pas se répercuter sur les pensions.
Il manque entre 5 et 6 millions d'emplois
La retraite est ensuite affaire d’économie. Il ne suffit pas d’avoir des quantités suffisantes de personnes en âge de travailler, encore faut-il que ces personnes exercent effectivement un emploi. Or le taux de chômage, problème majeur, n’est hélas pas le problème unique. On ne peut pas assurer de bonnes pensions mensuelles si les travailleurs s’arrêtent majoritairement bien avant d’en avoir physiquement besoin. Or les personnes de 60 à 70 ans, qui sont pour la plupart en bonne santé, sont très peu nombreuses à exercer une activité professionnelle. Un résident sur deux arrête de travailler avant de liquider ses pensions. Des créations d’emploi en très grand nombre – 5 ou 6 millions – seraient nécessaires pour mettre au travail à la fois les chômeurs et les « jeunes inactifs » (la majorité des sexagénaires en bonne santé). Or la France semble ne plus savoir créer des emplois.
Ne pas compter sur l'administration pour créer des postes
Il ne faut pas compter sur les administrations pour les créations de postes : elles sont déjà obèses, et leur obésité pose des problèmes budgétaires graves, qui requièrent une cure d’amaigrissement. L’avenir ne sera donc vraisemblablement pas beaucoup plus rose que ce que redoutent, selon le sondage cité, une majorité d’actifs, si nous ne parvenons pas à renouer avec les créations de postes dans le secteur privé. Autant dire que la loi Macron ne constitue pas le quart du dixième de ce qu’il faut faire pour donner tort aux 56 % d’actifs qui voient leur future retraite en noir. Hélas, si j’en juge par le caractère verbeux et le manque de réalisme du colloque « L’action publique demain » organisé lundi dernier par France Stratégie, la République française est bien loin de s’être dotée des stratèges capables de préparer les mesures nécessaires pour remettre en route notre machine à créer des emplois qui, Gulliver des temps modernes, est empêtrée dans des myriades de liens lilliputiens normatifs et bureaucratiques.
Nos hommes politiques, dans l’opposition comme au pouvoir, semblent également fort éloignés de seulement imaginer que l’on puisse entreprendre une vraie réforme du système français de retraites par répartition. Il est donc assez probable que la France ira de plus en plus vers une situation où, en dépit de ponctions excessives sur les revenus des travailleurs, beaucoup de retraités tireront un peu le diable par la queue pendant un quart de siècle au lieu de bien vivre pendant des vacances de fin de vie durant seulement – mais quand même ! – de 15 à 20 ans.