L’erreur du séminaire sur la France en 2025

Par Bertrand de Kermel Modifié le 22 août 2013 à 9h48

Le gouvernement a organisé le 19 août un séminaire de rentrée sur le thème de la France en 2025. Sur le principe, c'était une excellente idée. Problème, l'objectif (à savoir quelle France voulons-nous en 2025 ?) n'était pas fixé.

Du coup, chacun y est allé de sa vision, seul, dans son coin, sans se préoccuper de ce qu'écrivaient ses collègues. Il suffit de lire les résumés de six contributions parues dans le journal LES ECHOS du 19 août pour s'en convaincre. On n'y trouve aucun fil conducteur. Or, il n'y a pas de bon vent pour qui ne connaît pas son port. (Sénèque). En tous cas, bon courage pour la synthèse !

Le cap était connu

Pourtant, le cap était très simple à fixer. Il se dénomme développement durable. Par deux fois, la France s'est engagée à aller dans ce sens. Une première fois en signant, avec plus de cent chefs d'Etats, les conclusions du Sommet du Développement Durable qui s'est tenu à Johannesburg en 2002. Une deuxième fois en approuvant le Traité de Lisbonne dont l'article 3 impose le développement durable sur l'ensemble du territoire européen... ce que tout le monde (y compris en France) feint d'ignorer.

Voilà pourquoi les trois piliers du développement durable, à savoir l'économie, le social et l'environnement auxquels on ajoute souvent la gouvernance doivent désormais être orientés en vue de l'instauration du développement durable dans les 29 pays. En d'autres termes, il n'y a plus de place pour l'ultra libéralisme, avec l'Homme comme variable d'ajustement. Le traité de Lisbonne l'interdit. Où alors, nous sommes en face d'une vraie tartufferie. Voilà la feuille de route qu'il fallait fixer aux ministres.

C'est pourquoi la meilleure synthèse de ce séminaire se trouve dans la contribution des ministres que l'on a dénommés « les quatre mousquetaires » : Madame Duflot, Messieurs Pascal Canfin, Stéphane Le Foll et Philippe Martin. Ils ont rendu publique une contribution commune appelant à l'urgence de la transition écologique et énergétique. Leur texte, très explicite et très convaincant, conduit mécaniquement au développement durable. Du reste, outre l'écologie, ils abordent les dimensions sociale et économique de la France qu'ils proposent. Ce sont les seuls à avoir rédigé un document proposant une vision globale de la France pour 2025.

Ni l'Europe ni la France ne souhaitent le développement durable

Deux points illustrent cette affirmation. Ce ne sont pas des détails.
1 - 2010 : les objectifs de baisse de la pauvreté en Europe. Lors du sommet du 25 mars 2010, qui préparait la stratégie de l'Union Européenne à échéance 2020, le seul point sur lequel la Commission et les Etats membres s'étaient mis d'accord était la suppression des objectifs chiffrés de baisse de la pauvreté, «que Barroso enterrera sitôt les négociations ouvertes ». Source : « La Lettre de l'expansion » du 3 mai 2010. Aucun Chef d'Etat n'a démenti.
C'était aussi monstrueux qu'indécent et misérable ! Les Chefs d'Etat et toute la classe politique avaient juste oublié que nous étions au beau milieu de l'année 2010, qui avait été déclarée en fanfare et avec tambours : « année européenne de lutte contre la pauvreté et l'exclusion ». Cette scandaleuse conclusion des chefs d'Etat n'empêcha pas l'Union Européenne de financer tout au long de l'année 2010 de nombreux colloques dans les 28 pays pour sensibiliser les citoyens à l'importance du sujet ...

2 – Le Sommet du développement durable de RIO, de juin 2012.
C'est encore plus grave. Lors de la préparation du Sommet Mondial du Développement durable de RIO en Juin 2012, l'Europe, sur une idée française, proposait la création d'une agence mondiale de l'environnement, sans modifier quoi que ce soit au système économique mondial. En clair les règles du commerce et de la concurrence restaient obligatoires, mais les normes sociales et environnementales conservaient leur caractère purement facultatif. C'était la négation même du développement durable. Le Brésil, qui représentait les pays émergents, rejeta cette proposition, estimant que les positions française et européenne n'avaient de sens que si elles s'inscrivaient dans un cadre de développement durable. Dans cette perspective, le Brésil refusait d'isoler l'environnement des volets économiques et sociaux. Il avait parfaitement raison. L'Europe a refusé...prochain Sommet du développement durable : 2022. Ce sera peut-être trop tard.

PS : Bien que ce message m'engage à titre personnel, je profite de ce billet pour informer les lecteurs que le Comité Pauvreté et Politique, que j'ai l'honneur de présider, publiera à l'automne un petit livre intitulé : « 2030 : faisons un rêve ». Ce livre dessine les contours de la France en 2030, en situation de développement durable, et propose les réformes nécessaires (de niveaux français, européen et mondial) pour y parvenir. Il y en a 27. Bien évidemment un calendrier de ces réformes est suggéré. J'espère que cet ouvrage vous plaira lorsqu'il sortira en librairie. Il est au cœur de l'actualité.

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Ancien directeur général d'un syndicat patronal du secteur agroalimentaire, Bertrand de Kermel est aujourd'hui Président du comité Pauvreté et politique, dont l'objet statutaire est de formuler toutes propositions pour une "politique juste et efficace, mise délibérément au service de l'Homme, à commencer par le plus démuni ". Il est l'auteur de deux livres sur la mondialisation (2000 et 2012)