La ministre de l'Ecologie et de l'Energie, Ségolène Royal, a présenté mercredi 18 juin dernier en Conseil des ministres les grandes lignes de son projet de loi sur la transition énergétique. Ayant pour ambition de faire de la France un pays plus économe en énergie et moins dépendant des énergies fossiles et du nucléaire, le financement des nouvelles énergies est préoccupant.
Un pilier de la transition énergétique qui pose question
Le projet de loi concernant la transition énergétique aura été l'objet de débats jusqu'à sa présentation. In fine, il repose sur trois piliers distincts, la rénovation thermique des bâtiments, le déploiement de nouvelles infrastructures de transports et le développement des énergies renouvelables. D'après les évaluations menées par les experts lors du débat national sur la transition énergétique et par l'Agence de l'environnement et de la maitrise de l'énergie, 10 à 30 milliards d'euros supplémentaires seront nécessaires chaque année par rapport au niveau actuel des investissements énergétiques.
Inévitablement, la question du financement va être remise sur la table, mais il semblerait que ce soit celui des énergies renouvelables qui soit le plus préoccupant. En effet, le mode de financement des énergies renouvelables a longtemps cristallisé les critiques en France. L'opacité du système ou l'inflation des dépenses qui se ferait au détriment du consommateur sont des griefs redondants concernant les énergies renouvelables. La Commission de régulation de l'énergie a par exemple averti à plusieurs reprises en 2013 que la CSPE, la taxe prélevée sur la facture électrique pour financer en partie les énergies vertes, allait connaître une progression spectaculaire pour atteindre jusqu'à 8 milliards d'euros en 2020 contre 5 milliards en 2013.
Autre difficulté pour les énergies renouvelables, les financements privés ne devraient pas suffire à les développer. Les énergies comme l'éolien offshore, l'éolien terrestre ou le solaire sont en voie d'être compétitives, ce qui signifie que les crédits d'impôts et les obligations d'achat d'EDF dont elles bénéficient sont vouées à disparaître, parallèlement à l'augmentation de leur rentabilité. Cela correspond donc à l'émergence de nouveaux risques, risques auxquels les investisseurs français ne sont pas habitués. Alors qu'EDF garantissait la sécurité d'un contrat, le monde du financement privé n'est sûrement pas prêt à la transformation du modèle économique des énergies renouvelables. Devant cet important risque de marché, le rôle des pouvoirs publics est donc primordial.
Responsable de l'activité Energies renouvelables » au Crédit agricole Private Equity, Serge Savasta affirmait dans ce sens qu'il « y a beaucoup de projets, notamment d'infrastructures, mais le faible nombre de sociétés qui viennent nous voir avec un véritable projet industriel m'inquiète. Ces derniers mois, nos récents investissements concernaient des projets allemands ou belges. Nous sommes en effet confrontés à un problème d'offre ». De nombreux obstacles donc, pour le financement du développement des énergies renouvelables.
Le crowdfunding ou la mobilisation d'Henri Proglio au secours des EnR
De nouvelles pratiques se développent aujourd'hui pour remédier à ce manque de financement. Dans cette perspective, Arnaud Montebourg a présenté en Conseil des ministres en mai dernier une ordonnance encadrant les pratiques du financement participatif. Insuffisant pour financer à lui seul la transition énergétique, le crowdfunding connaît tout de même un réel essor en France. Lumo, une plateforme internet, en a même fait son fond de commerce. « Aujourd'hui, en France, notre épargne sert à tout sauf à la transition énergétique. Notre objectif est donc de réorienter massivement cet argent vers le financement des projets d'énergies renouvelables. Sur le long terme, nous pensons aussi orienter les fonds vers l'efficacité énergétique », explique Marie-Véronique Gauduchon, directrice générale de Lumo.
Ayant déjà contribué à financer deux projets d'énergies renouvelables, dont l'installation de 180 panneaux solaires fournissant 42 000 kWh par an, le développement de cette pratique devrait permettre de financer davantage de projets, et à plus grande échelle. Si « à l'heure actuelle, ce n'est pas le financement participatif qui va permettre à un projet de voir le jour », comme le reconnaît la directrice de Lumo, cela peut tout de même « permettre d'obtenir un peu plus de la banque ». L'aide de la banque, une autre perspective crédible pour accélérer la transition énergétique.
La Banque publique d'investissement (BPI) possède en effet la mission d'accompagner le développement des énergies renouvelables et s'est déclarée prête à mettre les moyens afin d'accélérer leur développement. Cette banque publique joue le rôle de garantie bancaire des prêts aux petites et moyennes entreprises. Intervenant toujours en partenariat avec d'autres banques et investisseurs, elle s'est fixée un objectif de 800 millions d'euros de prêts par an d'ici à 2017 dans le secteur des énergies renouvelables.
Elle permettra donc d'accompagner les quelques PME qui ont déjà franchi le pas du développement des énergies renouvelables ou qui s'apprêtent à le faire et pourrait notamment accompagner les investissements d'EDF en la matière. Le géant de l'électricité français dirigé par Henri Proglio s'est en effet mobilisé pour le développement de ces énergies en investissant un milliard d'euros par an dans les EnR lors des trois dernières années. En 2011, EDF avait déjà augmenté sa participation dans la filiale EDF Energies renouvelables à hauteur de 100% pour entrer dans une logique industrielle. 4500 MW ont été installés en 5 ans et 1800 sont en cours de construction.
A ce jour, pour satisfaire les premiers besoins de son projet de loi, Ségolène Royal a indiqué qu'environ 10 milliards d'euros seraient mobilisés et devraient avoir un effet de levier. 5 milliards seront fournis par la Caisse des dépôts pour des prêts à 2% aux collectivités, 1 milliard sera consacré à la rénovation énergétique des collèges, 1,5 milliard aux allègements fiscaux et seulement 1,5 milliard au fonds pour les énergies renouvelables. Si ces sommes, bien loin de ce qui sera nécessaire dans le futur, peuvent permettre de lancer les premières étapes de la transition énergétique, nul doute que l'action des nouveaux acteurs du financement sera nécessaire.