Quels sont, en 2015, les principaux freins à l’embauche des salariés dans les entreprises ?
Le risque économique : le coût des charges salariales, la flexibilité des effectifs ou des charges de personnel, en fonction des besoins (difficultés de licencier et risque financier). Le surcoût engendré par le coût de la protection sociale et par la complexité du code du travail et des réglementations conventionnelles. Les risques de mise en cause de la responsabilité civile et pénale en cas d’infraction à une réglementation trop complexe. Les craintes psychologiques de partage du pouvoir au sein de l’entreprise (pour les petites).
Les chefs d'entreprises ont peur d'embaucher
Les chefs d’entreprise se trouvent confrontés de plus en plus aux difficultés que la surrèglementation du travail engendre, tant dans leur vie quotidienne que lors de litiges avec des salariés ; difficultés accentuées en temps de crise. Nombreux sont ceux qui se refusent à franchir certains seuils d’effectif qu’ils jugent trop lourds à affronter et/ou trop onéreux pour leur entreprise, principalement les seuils de 10 et 50 salariés.
La lutte contre le chômage, qui devrait être une priorité pour tous les responsables politiques et économiques de notre pays, implique que la question des seuils soit traitée de façon pragmatique et non idéologique. C’est dans ce contexte que se sont engagées des négociations entre les organisations patronales et syndicales, mais celles-ci n’ont pu aboutir. Il pouvait difficilement en être autrement et c’est maintenant au pouvoir politique qu’il appartient de corriger les réglementations qui freinent l’embauche de salariés alors que les conditions économiques le permettraient.
Ne pas embaucher plutôt que de franchir un seuil
Beaucoup d’employeurs disent qu’ils préfèrent ne plus embaucher plutôt que de franchir certains seuils. L’analyse des effectifs des entreprises montrent qu’un blocage se fait principalement à 10 et à 50 salariés. Que faudrait-il faire pour les décider à embaucher ? Ce n’est pas en repoussant globalement les seuils que l’on pourra résoudre ce problème. En effet, repousser les seuils en passant de 10 à 20 ou de 50 à 100 salariés constituerait un casus-belli pour les syndicats, mais aussi pour certains partis politiques et même pour un certain nombre de français. Alors, plutôt que de vouloir modifier ces seuils, il semble plus facile de corriger les conséquences de leur franchissement ; conséquences financières et conséquences en matière de management des ressources humaines.
Les questions posées autour du seuil de 50 salariés sont très complexes et feront l’objet d’une prochaine étude. Celles posées aux employeurs de 10 salariés semblent plus faciles à aborder. Les freins au franchissement du seuil de 10 salariés sont pour partie économiques (augmentation des charges salariales) mais également psychologiques. La réforme du financement de la formation continue, intervenues au 1er janvier 2015, était l’occasion de traiter un de ces freins. Que faudrait-il faire ? Au préalable il serait nécessaire d’harmoniser les différents seuils qui définissent le passage à plus de 10 salariés, sachez qu’actuellement les seuils sont à 9, 10 ou 11 salariés ! Il conviendrait ensuite de recenser (ce que nous avons tenté de faire), d’harmoniser ou de simplifier les obligations engendrées par le franchissement du seuil de 10 salariés applicables à partir du 1er janvier 2015.
Pas de coût supplémentaire important au-delà de 10 salariés
L’analyse des principaux impacts du franchissement du seuil de 10 salariés (voir encadré) montre que, contrairement à ce que pensent encore beaucoup d’employeurs, ce franchissement n’engendre pas un coût supplémentaire important, moins de 1% des salaires si l’on exclut le mode de financement des transports collectifs, particulièrement en Ile-de-France et dans les grandes agglomérations, mais dont le coût ne cesse d’augmenter (2,95 % à Paris et dans les Hauts de Seine). Nous constatons que des simplifications et des corrections peuvent être faites sans que cela ne se traduise par une remise en cause significative des équilibres financiers des dépenses concernées. Il reste le sujet de l’élection des délégués du personnel. La réglementation actuelle étant relativement souple, une meilleure information pourrait utilement être faite auprès des employeurs concernés.
En outre, certains aspects pourraient faire l’objet d’une réforme acceptable pour que la question des délégués du personnel ne reste pas un épouvantail dissuadant certains employeurs de franchir le seuil de 11 salariés. En conclusion, une action devrait être menée auprès des décideurs politiques pour qu’ils acceptent de faire évoluer certaines règles de financement (notamment de la formation mais surtout des transports publics) afin que le passage du cap des 10 salariés ne soit plus un épouvantail. Parallèlement, il apparaît indispensable d’engager une vaste campagne d’information auprès des chefs d’entreprise afin de relativiser les conséquences financières du franchissement du seuil de 10 salariés (hors financement des transports). De petites retouches peuvent être parfois plus efficaces qu’une refonte complète de la réglementation.
Les principaux impacts du franchissement du seuil de 10 salariés :
Formation professionnelle continue : au titre de 2015, la contribution est due avec des taux différents selon l’effectif : 0,55 % des salaires pour les moins de 10 et 1 % au-delà (sauf si la convention collective prévoit un taux supérieur). Un effet de lissage est prévu au cours des 5 années qui suivent le franchissement du seuil de 10 mais cela n’est pas suffisamment incitatif. Lors de la réforme de 2014, une harmonisation de taux ou un report du seuil à 20 salariés aurait été préférable. L’impact du franchissement est donc de 0,45% maximum.
Versement de transport : sont assujettis les employeurs de plus de 9 salariés (pourquoi pas 10 ?) à des taux variables. Les taux en Ile-de-France, ont été augmentés en 2015 à 1,5 %, 1,91 % ou 2,95 % selon les zones (ils avaient déjà été augmentés au 1er juillet 2013 : +13,5 % en 18 mois à Paris et dans le 92!). En province, le taux est fixé selon les bassins d’emploi et sont le plus souvent compris entre 0,50 % et 1,50 %. Le versement transport a un impact très significatif sur le poids des charges salariales lors du franchissement du seuil de 9 salariés.
Cotisation forfaitaire des apprentis : les salaires versés aux apprentis sont partiellement ou totalement exonérés de charges sociales, mais l’étendue de ces exonérations diffère selon qu’il s’agit ou non d’artisans et de petites entreprises. Ce régime pourrait utilement être généralisé à l’ensemble des entreprises, ce qui supprimerait un effet de seuil et favoriserait l’emploi et la formation des jeunes.
A cela s’ajoute quelques obligations dont le coût est ponctuel car lié à certains événements exceptionnels. Cela ne constitue pas un réel frein économique au franchissement du seuil de 10 salariés :
paiement mensuel des cotisations sociales au lieu de trimestriel (coût peu significatif) : ce régime devrait pouvoir être reporté au seuil de 20 salariés sans grande difficulté ;
sanctions légales du licenciement irrégulier ou abusif ;
crédit d’heures du conseiller du salarié en cas d’entretien préalable au licenciement.
L’aide au logement : l’effet de seuil se situe à 20 salariés ; la contribution est de 0,1 % sur le plafond de sécurité sociale pour « les moins de 20 » alors que « les plus de 20 » contribuent à hauteur de 0,50% des rémunérations totales.