Concernant les seuls crédits structurés (toxiques...) souscrits par une personne morale de droit public, le Conseil constitutionnel a donné son accord d'amnistie des fautes passées ce 24 juillet. Vives réactions de politiques de tout bord et des collectivités locales qui dénoncent une collusion de mauvais aloi.
Même si les crédits consentis aux particuliers ne sont pas touchés, ce dossier dévoile des travers instructifs...
La saga du lobbying sur ces crédits en 4 dates
La synthèse en termes des dernières dates est simple :
février 2013 : condamnation de Dexia au TGI de Nanterre. Omission de la mention du TEG.
septembre 2013 : projet de loi de finance visant à amnistier les erreurs des banques, dans le seul cadre des emprunts toxiques.
décembre 2013 : le Conseil constitutionnel censure le dispositif, d'une portée trop large.
juillet 2014 : le Parlement adopte le 17 un nouveau texte de loi, limité aux seuls prêts structurés (toxiques...) et le 24 le Conseil constitutionnel valide la loi, qui est entérinée le 29.
La messe est dite ! Les erreurs du passé sont absoutes pour les banques, l'Etat n'aura pas à recapitaliser Dexia et la SFIL. Le coût prévisionnel était de l'ordre de 17 milliards d'euros (et nous passerons sous silence le coût du passé de ces impérities).
Christophe CASTANER (député PS et rapporteur du projet) évoque que 395 emprunts de la SFIL et 51 de Dexia font déjà l'objet d'une assignation.
Enonçons un extrait de cette loi « Validation des contrats de prêt, conclu par les personnes morales de droit public avec un établissement de crédit, dont la légalité serait contestée pour défaut, ou non-conformité, de certaines mentions prescrites par le code de la consommation ».
Message plus cash aux banques : ne vous embêtez plus à indiquer des mentions obligatoires, pas plus d'ailleurs qu'à présenter des calculs justes !
Les perdants et les commentaires
Les premiers perdants, bien évidemment, les clients. Toutes ces collectivités dont les taux d'emprunts se sont envolés. Quelques exemples, avec des clients de Dexia dans un premier temps : Deuil-la-Barre 15,48%, Nice 14,89%, Grasse 11,61%. Pour la SFIL, Seynod apprécie son 13,75%, etc.
Le cas de Chinon, client de Dexia, est édifiant : dispositif et modalités d'une extrême complexité, avec une parité Euro - Franc suisse, avec allongement de la durée de remboursement. Le taux passe de 4,68% à 14,96%, une durée s'allongeons à 2029 voire 2035. Cerise sur le gâteau, avec un capital restant dû de 2,7 millions, si la ville souhaitait aujourd'hui rembourser par anticipation ses 3 crédits, elle devrait payer une indemnité de près de 4 millions d'euros !
Les seconds perdants, ce sont les contribuables. Mais nous le savions dès la fin d'année dernière, car cet aspect du projet de loi n'avait pas été retoqué : la création du fonds de soutien à Dexia/SFIL, d'un coût de 100 millions par an, sur 15 ans. 1,5 milliards d'euros, partagé à moitié entre le fonds de soutien des banques et l'Etat. C'est-à-dire nous, sur nos impôts futurs.
Avant de laisser la parole aux intervenants de cette loi, laissons le ministre de l'économie et des finances nous exposer sa volonté « cette loi est destiné à sécuriser la validité juridique des contrats structurés. Ce volet est nécessaire pour limiter les conséquences de la crise des emprunts structurés et donc son impact pour les contribuables ». Dont acte.
Cette déclaration n'est cependant pas partagée :
Sylvain BERRIOS (député UMP) « c'est un projet de loi inique qui manifeste un lien consanguin avec les banques, les amnistient et évite le droit à un procès équitable»
Sonia LAGARDE (député UDI) « les banques doivent répondre de leurs erreurs »
Jean-Philippe NILOR (député Front de Gauche) « je regrette que l'escroc soit privilégié plutôt que la victime »
Gilbert COLLARD (député FN) « je vois là un acte d'amour du gouvernement à l'égard de la finance toxique »
Et finalement, l'Association des Acteurs Publics Contre les Emprunts Toxiques (APCET) juge cette loi désastreuse pour les finances locales et se réserve le droit de recourir à tous les instruments juridiques de contestation de cette décision du Conseil constitutionnel, notamment au niveau européen, comme auprès de la Cour européenne des droits de l'homme par exemple.
Quoiqu'il en soit, le projet de loi prévoit un rapport d'ici mars 2015, qui porterait sur les conditions d'une réforme du TEG pour les emprunteurs professionnels ou les personnalités morales. Ceci sous couvert de garantir l'information et la protection de ces emprunteurs. De nouveau, dont acte.
Cette saga n'est peut-être pas achevée...
Les crédits immobiliers des particuliers
Rappelons qu'aujourd'hui, les crédits immobiliers des particuliers ne sont pas touchés par cette loi. En rien. Que les contraintes et les obligations des banques restent inchangés.
Mais l'analyse de cette situation est bien la confirmation que si, pour des millions d'euros, des erreurs sont commises, il est inéluctable qu'il en aille de même pour des sommes moins importantes. Nous le constatons chaque jour. Confirmation également que les sanctions et les jugements favorables sont tels que la seule issue des banques est de faire jouer ses moyens de lobbying. C'est un aveu patent !
Nous comprenons bien que la priorité ait été donnée par les banques à ces crédits professionnels. Ne nous leurrons pas, la prochaine étape sera la tentative d'amnistie sur les crédits des particuliers. Mais cette fois-ci, l'Etat ne sera pas, pour des raisons d'intérêts personnels, à leurs côtés. Avec un risque d'inconstitutionnalité évident. Ce sera plus long. Mais cela arrivera.......
Pour des enjeux majeurs, sur des crédits structurés, les banques ont réussis à se faire amnistier ! Ne tardez pas, profitez de la difficulté et la lenteur qu'ils auront à faire de même pour les crédits des particuliers.