Les PME et ETI jugées « innovantes » ont la vie dure. Par définition, ces sociétés s'inscrivent dans une dynamique expérimentale, et présentent a priori davantage de risques que les structures classiques. Un paramètre qui leur rend l'accès à l'intermédiation bancaire délicat. Une jungle de financements publics existe, mais il est difficile de s'y retrouver. C'est dans ce contexte qu'EnterNext, filiale d'Euronext dédiée aux PME et ETI, a été créée. Elle vient de souffler sa première bougie, et le bilan de l'an 1 de montrer un véritable engouement des sociétés innovantes pour cette plateforme.
Les PME et ETI innovantes à la chasse au financement
Opérant dans un secteur innovant de haute technologie et/ou à fort niveau de connaissances, ces PME et ETI un peu particulières pâtissent des mêmes difficultés que les sociétés de taille équivalente traditionnelles, en pire. Une tendance qu'est encore venue conforter la mise en œuvre des accords de Bâle III, entrainant une contraction des crédits accordés aux PME et ETI pour cause de sélectivité accrue.
Si en 2013, 95 % des financements des PME-ETI ont été assurés par les banques, pour un total de 690 milliards d'euros (413 milliards pour les PME, 274 milliards pour les ETI), Bâle III devrait surenchérir le coût du crédit bancaire de 100 à 200 points de base, et infléchir cette tendance à la baisse. On saisit l'intérêt qu'ont les PME-ETI à chercher d'autres sources de financement. C'est là que commencent les problèmes.
Le foisonnement des dispositifs d'accompagnement financier à l'usage des PME-ETI entraine un manque de lisibilité notable. Concours, subventions, exonérations de charges, mesures fiscales pour le capital risque... pour le seul financement à la création des PME-ETI, plus de 1 200 aides ont été recensées, dont beaucoup concernent les entreprises innovantes. Une profusion qui pousse certaines entreprises dans la situation ubuesque de devoir s'offrir les services d'un « spécialiste en recherche d'aides publiques » au prix fort. Autrement dit, une partie des financements publics obtenus est consacrée à rémunérer des chasseurs d'aides payés à dégoter... ces financements.
Bien sûr, la notoriété de certains dispositifs leur permet de surnager. On pense ici au contrat de financement signé en septembre 2013 par la Bpifrance et le groupe Banque européenne d'investissement (BEI), mettant à disposition des PME et ETI une ligne de crédit de 750 millions d'euros, à quoi s'ajoute une enveloppe de garantie de 200 millions d'euros. Le crédit d'impôt recherche, réduction d'impôt calculée sur la base des dépenses de R&D, complété depuis 2013 par le crédit d'impôt innovation, ou encore des initiatives ludiques comme le concours national d'aide à la création d'entreprises innovantes font également partie des leviers que les PME-ETI innovantes en mal de financement sont en droit d'activer.
Si ces réponses représentent potentiellement un sacré coup de pouce pour les PME-ETI innovantes, leur champ d'application reste limité. Par ailleurs, une fois créées, ces entreprises font face au problème du financement de leur développement, beaucoup moins favorisé que celui de leur création. Si l'intermédiation bancaire, on l'a vu, risque de connaître des jours maussades dans les mois qui viennent, la bourse dédiée aux PME-ETI connaît un succès grandissant, notamment auprès des entreprises innovantes.
Dominique Cerutti : "EnterNext a permis de positionner la bourse comme une source de financement pour les PME"
L'idée est solidement ancrée dans les esprits. La bourse ne serait pas faite pour les petites et moyennes structures. Comment expliquer dans ce cas qu'EnterNext, filiale de l'opérateur boursier paneuropéen Euronext dédiée aux PME-ETI, ait bouclé sa première année d'existence avec les honneurs ?
Lancée en mai 2013, la plateforme EnterNext s'est, dans un premier temps, attelée à fédérer au sein d'une même bourse les PME qui étaient déjà cotées sur les compartiments B et C du marché réglementé et sur Alternext. Mais elle ne s'est pourtant pas contentée de regrouper l'existant. En un an, 47 nouvelles introductions en bourse ont été opérées sur ce marché, pour un total d'1,8 milliard d'euros levés. Emissions secondaires et obligataires incluses, ce sont plus de 9 milliards d'euros qui ont été levés en douze mois par des PME-ETI pour financer leur développement.
Parmi les IPO de l'année écoulée, les PME-ETI innovantes se taillent la part du lion. Celles opérant dans le secteur des sciences de la vie ont ainsi représenté 34 % des introductions en bourse (pour 25 % des fonds levés), quand celles évoluant dans le domaine technologique ont représenté 19 % des IPO (pour 6 % des fonds levés).
Et tout porte à croire que ce n'est qu'un début. On assiste en effet depuis quelques mois à un changement profond de paradigme. En 2013, PME et ETI ont levé 50 % de plus qu'en 2012 sur les marchés. Selon Dominique Cerutti, directeur général d'Euronext, cette croissance « a été boostée par la création il y a un an du marché EnterNext, qui a permis de positionner la bourse comme une source de financement pour les PME ».
La remarque de Cerutti est intéressante, puisqu'elle suppose que le succès d'EnterNext n'est pas simplement dû à une amélioration des conditions économiques, mais à ses qualités propres, à sa faculté à émettre un appel d'air à un moment où les entreprises en avaient besoin. Autrement dit, PME et ETI ne se sont pas dirigées indifféremment vers cette solution de financement plutôt que vers une autre, mais l'ont considérée comme une aubaine, répondant avec à-propos à leurs attentes.
Cela montre que de plus en plus de PME et ETI placent le marché dans leur radar pour dénicher des financements. On assiste bel et bien à un changement de regard de ces structures sur la bourse, qu'elles ne perçoivent plus comme un jeu de riches un peu snob, mais comme une alternative crédible et de plus en plus accessible. Un constat prégnant, on l'a vu, chez les PME-ETI.