Que les naîfs passent immédiatement leur chemin. Dans l'Histoire, les exemples de guerres "pour le principe" doivent se compter sur les doigts d'une seule main. Quand on prend les armes, c'est que l'on y a un intérêt : Défendre conquérir ou reconquérir un territoire, prendre le contrôle ou annexer des ressources, ou encore honorer un engagement pris avec un allié qui, forcément, se devra d'être reconnaissant.
Les croisades ? Outre l'intérêt de défendre la chrétienté et les Terres Saintes, les croisés n'ont pas été très tendres avec les pays conquis, y compris les chrétiens récalcitrants à leur venir en aide. Plus proche de nous, la Seconde Guerre Mondiale bien sûr, motivée par le "Lebensraum" allemand. Et puis, l'Irak, pour le pétrole, l'Afghanistan, pour faire peur aux terroristes mais aussi prendre pied dans une région du monde historiquement sous influence slave. Récemment, la Libye. Et donc demain, la Syrie.
Sauf que le problème de la Syrie, c'est qu'en apparence, personne n'a rien à y gagner. Il n'y a pas de pétrole dans son sous-sol contrairement à la Libye, ni d'autres ressources rares à conquérir, contrôler. La France, historiquement présente dans la région de par sa relation particulière avec ses anciens protectorats, comme le Liban, à tout à perdre en intervenant en Syrie. En revanche, les Etats-Unis, dans la partie de Kriegspiel mondial qui se joue depuis la chute du mur de Berlin, ont bien l'intention d'éliminer les Russes, alliés historiques du régime syrien, de la région. Et les anglais, comme toujours dans le sillage du grand cousin émancipé américain, suivent.
Le prix de la guerre en Syrie : une récession mondiale
Le coût d'une intervention militaire en Syrie ne se chiffre pas en millions d'euros dépensés par jour pour envoyer des avions ou même des troupes au sol (des commandos, pour commencer). Mais en destruction de richesse pour l'économie mondiale en général, occidentale et européenne en particulier. Alors que nos économies sont convalescentes, et loin dans les faits d'être sorties de l'ornière de la crise des subprimes et des dettes souveraines, un conflit en Syrie, additionné à un conflit diplomatique ouvert avec la Russie, risque de replonger nos économies dans une profonde dépression, et relancer la machine à faillite et chômage.
Alors oui, certains grandiloquents défendront les principes supérieurs des Droits de l'Homme et l'impérieuse nécessité de protéger les faibles opprimés par un régime sanguinaire. Mais il est presque banal (heureusement) aujourd'hui de s'interroger sur le pédigrée de ceux qui voudraient prendre la place de Bachar El Assad. Les exemples récents de La-Tunisie-l'Egypte-La-Libye-L'Afghanistan ne laissent plus planer le moindre doute sur les avantages et les inconvénients d'un changement de régime. Exactement comme en Afrique ou pendant des années, la France et d'autes anciennes puissances colonisatrices ont pensé pouvoir départager des ethnies historiquement rivales et les mettre d'accord pour qu'elles partagent pacifiquement le pouvoir. La Syrie n'est ni plus ni moins qu'une Côte d'Ivoire, un Congo ou une Somalie de plus, ou s'affrontent des ethnies, des religions ou des schiismes au sein d'une même religion inconsciliables. Les oppresseurs d'aujourd'hui, en Syrie, seront les opprimés de demain.
La seule solution : rétablir les protectorats ou passer notre chemin
Alors non, on ne peut pas fermer les yeux. Mais si l'Occident (puisque c'est bien l'Occident qui se mobilise aujourd'hui, et menace) veut partir à l'assaut de la Syrie, sans attendre ni espérer de feu vert de l'ONU, il faudra qu'elle assume jusqu'au bout. Si l'on envoie des avions sur la Syrie, et derrière, des commandos, il faudra envoyer ensuite les troupes au sol et assumer la conquête intégral, et surtout... la mise au pas du pays. Terminée la cogestion : si l'on veut que les massacres s'arrêtent, oublions la démocratie universelle, et rétablissons en Syrie un protectorat à l'ancienne. Et assumons que les anciens adversaires d'hier se liguent contre les forces occupantes, et déchainent leurs attentats contre nos soldats, et nos "administrateurs". Est-ce vraiment cela que nous voulons en Syrie ?
Arrêtons les utopies : Tunisie-Egypte-Libye-Afghanistan, mais aussi Algérie, mais aussi Maroc, mais aussi Turquie, les trois quarts du continent africain et encore une partie de l'Asie ne fonctionnent pas avec le logiciel occidental. Même quand les colonisateurs d'hier ("progressistes" en ce qui concerne la France, progressistes autrement dit socialistes !) ont tenté d'imposer "notre" civilisation et mode de gouvernement. Si nous intervenons en Syrie, le prix à payer sera élevé, et les injustices, les atrocités, ne cesseront pas, mais changeront simplement de camp. L'Irak et l'Afghanistan dans lesquels l'Occident s'est embourbée dix ans en sont les preuves. Sanglantes.