Chômage des jeunes, l’expression d’un désavantage concurrentiel

Cropped Favicon Economi Matin.jpg
Par Stéphanie Villers Publié le 4 avril 2016 à 5h00
France Chomage Jeunes Emploi Gouvernement
@shutter - © Economie Matin
25,7 %25,7 % des jeunes de moins de 25 ans étaient au chômage l'an passé.

Le chômage des jeunes est une conséquence du chômage global plutôt qu’un problème structurel à part. La faible capacité de la France à créer des emplois engendre une distorsion entre l'offre et la demande qui favorise les candidats les plus diplômés et les plus expérimentés au détriment des nouveaux entrants.

Le marché de l’emploi est un marché à concurrence déloyale qui utilise le chômage des jeunes comme variable d’ajustement. En France, la faible création d’emplois pèse sur la demande de travail qui reste constamment plus élevée que l’offre. En conséquence, les candidats plus expérimentés et les plus diplômés entrent ainsi en concurrence avec les moins formés et les nouveaux entrants. Face à cette compétition déséquilibrée, les entreprises favorisent, de facto, l’embauche de ceux qui disposent d’un maximum de compétences même si ces dernières dépassent les qualifications requises.

A ce titre, l’exemple des concours de la fonction publique est assez frappant. Alors qu’ils ont été mis en place au départ pour assurer la promotion sociale, l’Insee constate que le « niveau de diplôme à l’entrée est de plus en plus élevé par rapport à celui requis pour occuper les postes. » Ainsi, parmi les agents entrés depuis 2000, 55% des postes B ou C ont été acquis par des titulaires de l’enseignement supérieur long, c’est-à-dire supérieur ou égal à la licence. Pourtant, pour postuler aux concours du niveau C ou B, il suffit de disposer respectivement du brevet des collèges ou d’un Bac.

Le diplôme, c’est tout ?

Pour endiguer le chômage des jeunes, nombreux sont ceux à réclamer une amélioration de leur formation afin d’accéder plus facilement au marché du travail. Pourtant, les français restent parmi les plus diplômés d’Europe. D’après une étude menée par le ministère de l’Education Nationale, 43,6% des français de 30-34 ans disposent d’un diplôme de l’enseignement supérieur, alors que la moyenne européenne s’élève à 35,8% de diplômés. En Italie, la barre ne dépasse pas 20%.

S’il demeure nécessaire de permettre aux formations d’être plus en adéquation avec le besoin des entreprises, reste que le problème des jeunes ne se réduit pas uniquement aux diplômes. On oppose souvent le modèle anglo-saxon, au modèle de formation à la française. Si, en France, le diplôme colle à la peau tout au long de la vie professionnelle, les anglo-saxons semblent moins se fier aux études qu’aux compétences du candidat et à sa capacité de s’adapter au monde du travail. Ainsi, un étudiant américain qui aura suivi une formation en philosophie ou en histoire pourra être embauché dans la finance. Les études ne déterminent pas la vie professionnelle du jeune diplômé aussi systématiquement qu’en France. Les entreprises anglo-saxonnes n’ont pas de mal à accueillir ces nouvelles têtes pensantes fraîchement diplômées et de les former ensuite pour les rendre rapidement opérationnelles. A contrario, en France, l’entreprise voit souvent l’embauche d’un jeune comme un frein au bon fonctionnement d’une équipe. Le former coûte cher et ralentit la rentabilité à court terme. C’est pourquoi, la préférence sera donnée à celui qui dispose d’une expérience réussie et d’un diplôme adéquat voire supérieur à la qualification requise.

Les subventions ne font pas tout

Le chômage des jeunes semble être davantage une conséquence du chômage global plutôt qu’un problème structurel à part. Le peu d’efficacité des contrats aidés mis en place pour faciliter l’insertion professionnelle des jeunes le démontre. Depuis plus de 20 ans, les gouvernements successifs s’échinent à proposer une solution pour endiguer le chômage des jeunes. Résultat, il touche 25,7% des moins de 25 ans en 2015. Les expériences passées montrent que les entreprises qui bénéficient ponctuellement de cette main d’œuvre subventionnée ont du mal ensuite à transformer ces emplois aidés en CDD ou CDI. A fin 2012, l’INSEE comptabilisait, toutefois, 644.000 emplois occupés par des jeunes de moins de 26 ans qui relevaient de contrats aidés ou d’aides à la formation (apprentissage, formation en alternance). Ils représentent 25% des emplois de cette classe d’âge contre 30% à la fin des années 90.

L’Allemagne, un miroir aux alouettes ?

L’Allemagne reste le seul pays de l’Union européenne qui enregistre un taux de chômage pour les jeunes inférieur à 10% (7,2%). Sa capacité à absorber les nouveaux entrants sur son marché du travail est souvent mise en exergue. 40% des allemands entrent dans la vie active grâce à l’apprentissage. Les accords passés entre le patronat, les syndicats, l’Etat Fédéral et les Länders assurent une intégration rapide des jeunes dans l’entreprise. Si ce modèle reste une solution à ne pas négliger, il n’en demeure pas moins que la situation démographique des deux côtés du Rhin complique la donne. Aujourd’hui, il y a 81 millions d’habitants en Allemagne, contre seulement 66 millions en France. Pourtant, les deux pays doivent intégrer chaque année le même nombre de jeunes sur le marché de l’emploi. La dénatalité allemande contraint la population active et facilite l’accès des jeunes sur le marché du travail. A contrario, la France enregistre un flux croissant de jeunes entrants.

Le numérique offre un avantage non négligeable aux jeunes

Contrairement aux générations passées, les jeunes d’aujourd’hui peuvent surfer sur des opportunités inédites. Ils vivent, en effet, au cœur d’une révolution technologique, qui développe des secteurs de plus en plus innovants et aux perspectives attrayantes. Pourtant, actuellement, les cartes restent brouillées. Nombreux sont ceux à agiter le chiffon rouge en réduisant le nouveau modèle qui se met en place à une « ubérisation » de l’économie. A vouloir défendre un modèle ancien qui prend l’eau de toute part, les jeunes actifs risquent de passer à côté du changement et du potentiel de croissance généré par le progrès technique.

Par ailleurs, à quoi bon former des cerveaux créatifs et innovants sans offrir les moyens nécessaires pour concrétiser leurs projets ? Et c’est bien là un frein structurel à la création d’emplois en France. Alors qu’une solidarité entre générations pourrait être mise en place pour financer les start-up de la nouvelle économie, grâce au niveau d’épargne très élevé des plus âgées, ce surplus de liquidité reste quasiment exclusivement orienté vers le financement de la dette publique. Le taux d'épargne global des français s'élève pourtant en 2015 à 15,4% de leur revenu disponible. La France et plus certainement l’Europe devraient enfin chercher à concurrencer les GAFA (Google, Amazon, Facebook, Apple) ces géants du web à l’américaine. La Fin Tech est en train de se développer et c’est peut-être par ce canal qu’une part de l’épargne nationale pourra être réorientée pour financer les projets d’avenir et créer les jobs de demain.

Laissez un commentaire
Cropped Favicon Economi Matin.jpg

Stéphanie Villers est économiste.

Aucun commentaire à «Chômage des jeunes, l’expression d’un désavantage concurrentiel»

Laisser un commentaire

* Champs requis