Ainsi donc le chiffre trimestriel de la croissance dont nous redoutions la valeur est désormais connu et égal à zéro. Cette mauvaise nouvelle interroge la politique économique et le besoin de renforcer la vitesse de mise en place de certaines mesures. Songeons que l'annonce du fameux pacte de responsabilité remonte à la conférence de presse présidentielle du 14 janvier 2014 et qu'il n'est pas encore traduit dans les faits et donc loin de proposer ses bénéfices escomptés. D'ailleurs, tant les frondeurs du PS que certains entrepreneurs remettent en question ses vertus curatives.
Nous aimerions penser que cette croissance nulle est un simple accident de parcours, une sorte de hoquet de fin de cycle bas de type Kondratieff (durée 7 ans soit 2007 + 7 = 2014) mais différents indicateurs dont l'entrée en récession de l'Italie et l'impact des tensions géopolitiques (différends commerciaux avec la Russie, extension du nombre et de l'intensité des conflits, etc) conduisent à poser – hélas – l'hypothèse pertinente d'une rechute durable.
Schématiquement, les piliers de la croissance sont tous atteints de faiblesse : la demande avec la crise du pouvoir d'achat, l'offre avec un investissement en berne pour cause de manque de trésorerie ou pour cause de manque de visibilité des carnets de commande, les exportations pour manque de compétitivité, les commandes publiques pour cause d'impécuniosité des acteurs publics.
Cette croissance nulle va contraindre le gouvernement à revoir à la baisse le taux retenu pour 2014 : la France atteindra + 0,5% et ne sera pas à 0,7%. Ceci aura une double conséquence : d'une part, le chômage de masse risque d'être maintenu dans sa vigueur (+ 90 000 ?) et d'autre part, les recettes fiscales seront nécessairement amoindries à court terme (TVA et IS) et à moyen terme (IRPP). Une impasse de 8 milliards est envisageable.
Le HCFP (Haut Conseil des Finances Publiques) chargé de donner quitus de l'hypothèse de croissance retenue lors de l'élaboration du budget de l'Etat va être contraint à des discussions tendues au regard de l'objectif initial de 1,5% de croissance pour l'année prochaine. Le trimestre écoulé, qualifié de "panne" de croissance par le ministre Sapin va, de manière très opérationnelle, obliger le Gouvernement à revisiter les fondements du PLF 2015 (projet de loi de finances). De facto, il nous faut craindre la poursuite de l'essor de la dette publique et la dégradation des comptes publics pour l'année qui s'annonce.
Loin d'être rangé dans le camp des déclinologues, il y a tout de même "des faits qui sont têtus" pour reprendre l'expression de Jacques Delors et ainsi notre équation budgétaire ne sera pas simplifiée par cette rechute. D'autant, que conformément à une approche mésoéconomique (par filières), il est attendu plusieurs revers dans le commerce et surtout dans le secteur de la construction.
Espérons que la politique plus accommodante de la BCE permettra de soutenir l'activité et d'éviter le délicat sujet de la déflation dont notre Union est clairement menacée.
L'économiste Roy Harrod (1900 – 1978) a démontré le caractère instable du phénomène de la croissance économique et le fait qu'il existait un taux "nécessaire" (warranted rate of growth) afin de satisfaire les anticipations des entrepreneurs. Nous en sommes loin. De même, il a su démontrer que lorsqu'une économie voit l'emploi trop dégradé, des forces négatives cumulatives se font jour. Il appelait cela le "knife-edge equilibrium" : le cheminement sur le fil du rasoir....