Cela fait des années que l’on vous parle de moraliser la finance (sous Sarkozy) ou que l’on vous explique que « mon ennemi sans visage c’est la finance » sous Hollande.
Il est de notoriété publique que ceux qui donnent le « la » en matière de finance sont nos « amis » anglo-saxons, aussi bien Wall Street que la City de Londres.
Vous l’aurez compris, de part et d’autre de l’Atlantique, il n’y a strictement aucune volonté de moraliser quoi que ce soit puisque la seule volonté partagée par tous est simplement l’enrichissement personnel.
Il n’y a plus de place pour le sens du service de l’État et de ses concitoyens, ce qui somme toute est un très grand honneur à défaut d’être particulièrement lucratif. La richesse et la possession définissent l’homme moderne, cela étant évidemment la négation même de son humanité.
Bref, nous avons appris la semaine dernière – et je n’avais pas eu le temps de revenir sur cette information avant –, que Ben Bernanke, l’ancien grand timonier de la FED, la Banque centrale américaine, venait de pantoufler dans le privé après 8 années au poste de gouverneur.
Ben Bernanke était le grand mamamouchi de la FED et nous lui devons la mise en marche d’une planche à billets d’un montant absolument historique. Il a inondé le monde de la finance de monnaie.
Ben Bernanke, l’homme qui a injecté 26 000 milliards de dollars…
Oui, relisez bien ce chiffre. Ben Bernanke a injecté, au plus fort de la crise, jusqu’à 26 000 milliards de dollars… La BCE, la Banque centrale européenne, a même bénéficié de plus de 8 000 milliards de dollars pour que le système financier européen ne sombre pas.
Si vous voulez en savoir plus, je vous invite à lire l’article que j’avais écrit en 2012 dans la Tribune et intitulé « Braquage à l’américaine à la FED ».
Après avoir donc sauvé le monde de la finance avec l’argent public, avec la planche à billets et pris des décisions dans l’intérêt des financiers mais pas forcément des populations ni des peuples, Ben Bernanke a été clairement récompensé par ce que la finance fait de pire, dans le sens de plus spéculatif et de moins moral, un hedge fund et pas n’importe lequel.
L’ex-patron de la Réserve fédérale américaine Ben Bernanke vient d’être recruté par le « hedge fund » américain Citadel
C’est le titre de cet article des Échos qui traite cette information (car Les Échos en ont au moins parlé) et qui vous confirmera que Citadel est l’un des plus gros « hedge funds » de la planète.
« Basé à Chicago, le fonds d’investissement créé en 1990 par Kenneth Griffin gère plus de 25 milliards de dollars, c’est l’un des principaux fonds dits « multistratégies », c’est-à-dire positionnés sur plusieurs stratégies diversifiées et peu corrélées entre elles. La société a ainsi constitué au fil du temps un assemblage hétéroclite de métiers (gestion, courtage, banque d’affaires, technologies de marché, haute fréquence…), avec une obsession : durer .
Ben Bernanke va offrir son analyse de l’évolution de la politique monétaire, des marchés financiers et de l’économie mondiale aux équipes de Citadel chargées de l’investissement, précise le fonds dans un communiqué. »
Le « Revolving door » aux USA, le pantouflage en France !
Vous apprendrez également que si le mot français de « pantouflage » ne concerne que notre pays, la pratique, elle, est bien internationale et à peu près aussi décriée partout dans le monde.
« Outre-Atlantique, le passage du secteur public au secteur privé, de Washington à Wall Street, appelé « revolving door » (littéralement « porte à tambour »), est un mouvement courant, même s’il fait débat outre-Atlantique. Conscient des inquiétudes de l’opinion publique, Ben Bernanke a expliqué au New York Times qu’il avait choisi d’aller chez Citadel car la société « n’est pas régulée par la Réserve fédérale et [qu’il] ne [fera] aucun lobbying quel qu’il soit ». Approché par plusieurs banques, il a ainsi décliné les propositions, assure-t-il au quotidien, dans l’idée « d’éviter l’apparition d’un conflit d’intérêt ».
Moins d’un an après son départ de la FED, le prédécesseur de Ben Bernanke, Alan Greenspan, a travaillé en 2007 avec Deutsche Bank, ainsi qu’avec le géant de la gestion obligataire PIMCO, avant d’être recruté un an plus tard par le puissant fonds Paulson. Autre exemple : Timothy Geithner, ancien secrétaire au Trésor américain a rejoint la société de capital-investissement Warburg Pincus l’an passé. »
D’ailleurs, en France, Arnaud Montebourg vient d’intégrer la direction générale du groupe Habitat (qui devrait pas tarder du coup à connaître une situation financière délicate, je vous parie un billet (petit)).
Ou encore souvenez-vous de Nicolas Sarkozy, à peine plus président de la République, qui souhaitait créer un fonds d’investissements de 2 milliards de dollars avec des Qataris.
La moralisation des pratiques et le refus de l’appât du gain !
Soyons clair, ce qui fait la différence entre un De Gaulle et le reste, ce qui fait la différence entre un chef d’État qui entre dans l’Histoire et tous ceux qui s’y perdent, c’est bien souvent l’absence de cupidité.
Diriger une nation c’est avant tout faire preuve d’un grande sens du bien commun et du bien public. Nous avons un immense problème de gouvernance mondiale.
Nous avons un immense besoin de dirigeants qui penseraient avant tout à leurs peuples et pas à leurs intérêts financiers personnels. Hélas, la situation est très mauvaise sur le front de la « moralité »…
Il est déjà trop tard, préparez-vous.