François Hollande : la rentrée ratée

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Par Jean-Marc Sylvestre Publié le 3 septembre 2013 à 16h18

François Hollande a fait une rentrée désolante, aussi bien sur le plan politique que sur le plan économique ou même international. Il a suscité à nouveau beaucoup d'incertitudes alors que son métier serait de calmer les inquiétudes en dressant un cap. Il a, à nouveau, dérapé sur le terrain glissant de la politique économique en annonçant une pause fiscale pour l'an prochain, sans pour autant en apporter la moindre preuve. Plus grave en qualifiant son objectif de faire une pause, il annonce explicitement qu'une fois reposé, le contribuable sera à nouveau sollicité. Pour rassurer des agents économiques assez perturbés, on pourrait faire mieux. D'autant qu'au même moment, il annonce qu'il va engager la France dans une opération punitive contre le régime syrien, ce qui a quand même surpris beaucoup de Français. L'été s'était pourtant assez bien passé pour la gouvernance.

D'abord, il a fait très beau, ce qui a mis tout le monde de bonne humeur

Pour les commerçants, les vacances n'ont pas été très luxueuses, faute d'argent à dépenser, mais le soleil a pu transformer le moindre bout de jardin en pays de cocagne. Sans pour autant imposer à tous, y compris aux personnes âgées une canicule qui aurait pu être insupportable. La gouvernance a été assez habile pour organiser une sorte de permanence et par conséquent une présence dans les médias. François Hollande a fait du Sarko en visitant les vrais gens pendant les premiers quinze jours, relayé par le Premier ministre Jean-Marc Ayrault qui est passé d'une usine en difficulté à une station balnéaire. Comme les télévisions n'ont pas grand-chose à dire ou à montrer à cette époque de l'année, le président et ensuite son Premier ministre ont fait le spectacle. Du coup, les Français qui ne cessent pas de regarder leur télé pendant les vacances, qu'ils soient chez eux ou au camping, ont eu le sentiment d'être protégés.

Quand le président de la République, son Premier ministre, ou ses ministres, vont en province parcourir au pas de charge un office de tourisme, une agence de Pôle emploi ou un hôpital , ça ne sert strictement à rien quant au fonctionnement du service public , mais les usagers ont l'impression qu' on s'occupe d'eux. Autant que Manuel Valls ministre de l'Intérieur a été, lui aussi omniprésent. Les Français aiment cela quand le premier flic de France va sur le terrain ; mais, ça a agacé ses chefs. C'est bizarre quand même ce régime, quand un ministre fait bien le job, ses collègues le jalousent et ses supérieurs lui tapent sur les doigts. Mais passons, le bilan de l'été a été pour le gouvernement plutôt positif. C'est la rentrée qui a été catastrophique. D'abord tout a commencé par un séminaire de prospective sur l'état de la France dans dix ou vingt ans. Mais on rêve !

Il faudrait avoir le nom du communicant ou du conseil en stratégie qui a glissé cette idée au président de la République

Celui-là, il faudra absolument éviter de l'embaucher. On n'organise pas un séminaire sur l'état de la France dans dix ou vingt ans alors qu' on n'a plus un sou pour faire les fins de mois, que le budget de l'année prochaine va dans le mur avant mémé d'avoir été établi et voter, et qu'enfin la seule statistique qui se porte bien est celle du chômage. Les Français sont dans l'angoisse de la fin de l'année, ils sont incapables de savoir si leurs enfants qui ont terminé leurs études vont réussir à trouver un job en France et on leur sert très officiellement un film de science fiction sur une France des années 2030 ou tout ira bien. « Tout le monde y sera beau, tout le monde y sera gentil.. » . Cet exercice de prospective « romantique » n'a pas tenu 24 heures, la réalité a rattrapé la gouvernance qui s'est quand même pris les pieds dans un tapis d'incertitudes.

Sur la retraite, le gouvernement a fait le strict minimum. Il règle le problème financier par une augmentation de la cotisation patronale. Il n'y avait pas de choix plus désuet, plus lâche et plus pernicieux que celui-là. Ce n'est pas une reforme, c'est une rustine. Alors bien sûr le gouvernement rétorque qu' il va allonger la durée de cotisations à 43 ans en 2030.. Mais sait-on que l'espérance de vie augmente plus vite que la durée de cotisation ? Donc il faut oublier la reforme et assumer le fait qu'il faudra à nouveau redresser le système d ici à 5 ans. Le comble dans cette affaire de retraite c'est que ce gouvernement tout à son obsession de ne mécontenter personne a promis au patronat de compenser en 2014 la hausse de la cotisation retraite par une baisse de la cotisation maladie et famille.

Le patronat a fait semblant de le croire. Le gouvernement n'a évidemment pas dit, comment il compensera la baisse de rentrées à l'assurance maladie ou aux allocations familiale. Or il n y a pas trente-six solutions. Ou bien on majore la TVA, ce qui revient à réinventer une TVA sociale. Mais comme Sarkozy y avait pensé avant, ce gouvernement ne le fera pas. Ou bien, Il optera pour une augmentation de la CSG, cette invention Rocardienne plutôt diabolique et efficace qui transforme un impôt sur le revenu, progressif , sur la moitié des contribuables , par une contribution proportionnelle, calculée sur tous les types de revenus, donc payée par tout le monde. On reviendra donc dans un an ou deux sur une formule de CSG qu'on vient d'écarter. Cette affaire de retraite est très grave. Pour deux raisons. D'abord parce qu'en ne faisant pas une réforme qui aurait touché aux fonctionnaires et aux retraités, c'est à dire là où le corps social est mal, il ne fait rien. En ne faisant rien sur un dossier tellement lourd, il hypothèque l'avenir des jeunes.

Quand les jeunes seront en âge de s'en apercevoir, le gouvernement aura changé

Curieuse démarche pour un gouvernement qui huit jours avant, voulait placer sa rentrée sous le signe d'une France qui gagne dans trente ans. C'est absolument irresponsable, donc scandaleux. Ensuite deuxième raison, cette décision d'augmenter la cotisation ne fait qu'alourdir la gravite fiscale qui plombe les entreprises et les agents économiques. Alors, là encore, c'est très bizarre mais le gouvernement ne s'est pas aperçu qu'il offrait en cadeau de rentrée, un collier d'augmentations d'impôts qui allaient devenir insupportables, IRPP, ISF, impôts locaux cotisations sociales, TVA , taxes diverses. Alors qu'on sort d'une année ou les augmentations d'impôt décidées à partir du mois d'août de l'année dernière ont tué dans l'œuf les éléments de reprise que l'on sentait sur l'Europe. Le trop d'impôt a tué la confiance, l'absence de confiance a tué la croissance et l'absence de croissance a tué les rentrées fiscales. D'où le réflexe pour essayer de limiter les dégâts de refaire une vague d'augmentations d'impôts. Le gouvernement ne l'a pas dit mais il le fait. Dans le contexte de la rentrée, ça ne passe pas.

Chez les petits entrepreneurs ou chez les grands, chez les cadres supérieures ou dans les cabinets de profession libérale ça ne passe pas. Les pigeons, les plumés, les poussins. Quand en plus, la surcharge fiscale s'accompagne d'une perspective d'alourdissement et d une multiplication des contrôles fiscaux, on est au bord de la révolte fiscale. En Bretagne, ce sont les entreprise de l'agroalimentaire qui ne protestent pas cette année contre un effondrement des cours, (ils ont appris à défendre leur valeur ajoutée), non ils protestent contre le montant des prélèvements (48%). Comme au Medef qui réunit, ses adhérents, en université d'été à Jouy-en-Josas en fin de semaine, on a vu monter la grogne. Partout on a vu monter l'idée de faire la grève de l'impôt. Rien de plus facile pour des entreprises d'oublier de payer leur TVA mais rien de plus dangereux pour l'ftat. L'impôt c'est le socle de l'État républicain. Si le citoyen ne paie pas l'impôt, le pays devient ingérable très rapidement. Les dirigeants syndicaux, Christophe Praud pour le CJD , Pierre Gattaz pour le Medef , beaucoup de président de chambre de commerce ont essayé de calmer le jeu . Alerté par les services de renseignement, l'Elysée a demandé à Pierre Moscovici d'aller au Medef pour porter un message d'apaisement fiscal. Au départ Pierre Moscovici ne voulait pas aller à HEC, affronter les patrons. Il a très mal vécu la façon dont les participants chefs d'entreprise l'avaient accueilli au début de l'été à Aix en Provence. Ça c'était très mal passé.

En fin de semaine, Pierre Gattaz qui a pourtant été assez dur avec le gouvernement a fait en sorte que Pierre Moscovici soit reçu dans le calme

Idem pour Arnaud Montebourg, le ministre du Redressement productif. Tous les bazookas étaient sortis. Ils n'ont pas servi. Arnaud Montebourg ne reçoit plus d'éclats d'obus mais plutôt des éclats de rire. Faut dire que les dirigeant du Medef avaient été prévenus que le président de la République allait décréter la pause fiscale, dans un article au journal Le Monde et qu'il en reparlera sans doute dans la semaine dans un grand discours sur l'avenir de la France. Donc tout le monde a déminé le terrain. Les membres du parti socialiste ont mis leur revendications en sourdine, le gouvernement a multiplié les appels et les promesses a la modération fiscale. Mais au patronat, on se désole parce qu' on sait que l'avenir immédiat n'est pas écrit. Sur le fond rien n'est réglé.

Le président de la République a annoncé une pause fiscale parce qu'il se savait menace d'une grève de l'impôt chez les patrons. Mais les chefs d'entreprise et ils le disent directement aux différents ministres qu'ils rencontrent , ne croient aucune des promesses de baisses d'impôts, ou des projets d'alléger le coût du travail, ou de recul des prélèvements fiscaux et sociaux. Si ces baisses ne sont pas gagées par des réductions de dépenses publiques (et sociales) . Or il n y a aucune baisse de la dépense publique et sociale de fonctionnement prévue ou programmée dans les mois qui viennent. Cette incertitude fiscale et financière explique que personne ne croit la France capable de profiter de la petite reprise de croissance que l'on constate dans les grandes entreprises, en Europe et à l'extérieur. Un homme comme Pascal Lamy, qui vient de quitter ce samedi la direction générale du FMI ne cache pas son pessimisme sur les possibilités de la France de se redresser très rapidement. Il était partant pour rentrer au gouvernement. Il semble que François Hollande ne le retiendra pas dans une nouvelle équipe, s'il était obligé d'en former une nouvelle. Pas de personnalités de la société civile. Pascal Lamy peut donc être sévère depuis 48 heures.

En dépit de propos incantatoires sur l'amélioration de la situation, sur le renversement de la courbe du chômage, François Hollande n'a pas, semble-t-il réussi à convaincre les opinions publiques que les choses allaient s'améliorer. Pour une raison très simple, les opinions publiques savent que nous avons changé de paradigme. Faute de prendre en compte, les changements liés à la mondialisation et aux nouvelles technologies, François Hollande n'a pas apporté des éléments pour sécuriser les agents économiques. En cette rentrée, le président de la République a également réussi à ouvrir un deuxième champ d'incertitude et d'inquiétude en déclarant la guerre au régime syrien. Le comportement de Bachar al-Assad est évidemment indéfendable, invraisemblable de cruauté, insupportable, contraire à toutes les règles, les traités, etc. etc. .. mais tant qu' il n y aura pas des preuves irréfutables, tant qu' on n'aura pas défini exactement les buts de guerre, (qui on attaque et où ? ) et qu'est ce qui se passera après ? Tant que ce champ vaste d'incertitudes sera ouvert la population occidentale ne comprendra pas pourquoi précisément, on s'y engagera. La motivation de François Hollande reste floue. Il faut punir le régime Syrien, oui mais après ? Il faut se ranger aux cotés des Américains, lesquels peuvent faire machine arrière comme les Anglais ? il faut rendre service aux Saoudiens, aux dirigeants du Qatar, aux monarchies sunnites, parce qu' ils ont le pétrole , ou qu' ils sont de gros investisseurs en Europe ? On oublie qu'ils financent aussi une grande partie de l'Islam radical...

Dans ces conditions difficile d'y voir clair.. Et dans un système où les entreprises ont besoin de trajectoires claires et précise, la perspective de frappes militaires dans une région très fragile inquiète encore davantage tous les acteurs économiques.. Sauf les marchands d'armes sûrement !

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Après une licence en sciences économiques, puis un doctorat obtenu à l'Université Paris-Dauphine, il est assistant professeur à l'Université de Caen. Puis il entre en 1973 au magazine L’Expansion, au Management, à La Vie française, au Nouvel Économiste (rédacteur en chef adjoint) puis au Quotidien de Paris (rédacteur en chef du service économie). Il a exercé sur La Cinq en tant que chroniqueur économique, sur France 3 et sur TF1, où il devient chef du service « économique et social ». Il entre à LCI en juin 1994 où il anime, depuis cette date, l’émission hebdomadaire Décideur. Entre septembre 1997 et juillet 2010, il anime aussi sur cette même chaîne Le Club de l’économie. En juillet 2008, il est nommé directeur adjoint de l'information de TF1 et de LCI et sera chargé de l'information économique et sociale. Jean-Marc Sylvestre est, jusqu'en juin 2008, également chroniqueur économique à France Inter où il débat notamment le vendredi avec Bernard Maris, alter-mondialiste, membre d'Attac et des Verts. Il a, depuis, attaqué France Inter aux Prud'hommes pour demander la requalification de ses multiples CDD en CDI. À l'été 2010, Jean-Marc Sylvestre quitte TF1 et LCI pour rejoindre la chaîne d'information en continu i>Télé. À partir d'octobre 2010, il présente le dimanche Les Clés de l'Éco, un magazine sur l'économie en partenariat avec le quotidien Les Échos et deux éditos dans la matinale.