Les décideurs politiques français, Président et Ministre des finances en tête, ont envoyé un message clair sur la nécessité d'une pause fiscale. De fait, un cap a sans doute été dépassé dans l'excès de prélèvement fiscal, sur les entreprises et sur les ménages, plus exactement les PME et sur les classes moyennes. Comment le savoir ? Comment en sortir ?
D'abord c'est vrai, l'économie française va mieux, après avoir subi un choc économique à la fin de l'année dernière, choc qui était largement un choc fiscal. Elle se relève, mais grâce aux autres économies, grâce à un environnement plus porteur, pas par elle-même. La raison est claire : la profitabilité des entreprises est faible, les taux d'intérêt montent (pour des raisons internationales), l'investissement est à la peine. De leur côté, les ménages font toujours attention à leur dépenses. Et si la consommation tient, c'est parce que les salaires les plus faibles ont bénéficié d'une indexation à l'inflation plus forte que l'inflation qui s'est effectivement déroulée. C'est tant mieux pour eux, mais ceci ne concerne pas les couches intermédiaires, peu ou moins indexées, et plus taxées.
Les raisons de cette hypersensibilité des ménages sont claires
Voici des mois que les Français voient monter la fiscalité et la dette, sans vraie diminution de la dépense publique. Ils ne perçoivent donc aucune raison d'anticiper l'arrêt de la montée des prélèvements de toutes espèces (impôts directs et indirects, sous indexations, diminutions des retraites...) devant cette montée des dépenses publiques qui alimente la montée des frais fixes publics. Cette même logique se retrouve dans les PME : pourquoi penser que les impôts vont baisser si la dépense publique ne baisse pas nettement et régulièrement ?
Ceci inquiète et pousse les ménages à l'attentisme pour l'utilisation de leur épargne, vis-à-vis des actions d'entreprises par exemple, tandis que les entrepreneurs attendent pour investir. Tout boucle : les entrepreneurs et les ménages sont dans une même logique de « ras le bol fiscal », pour citer Pierre Moscovici, parce qu'ils ne voient pas de reflux de la dépense publique.
Pour changer les anticipations et pousser les entreprises à l'investissement et les ménages à l'épargne productive, il faut d'autres pistes : priorité à la baisse contrôlée de la dépense publique et à la réduction des impôts, priorité à l'efficacité publique, priorité à d'autres logiques sur les retraites - allongement de la durée de cotisation, et sur la santé - modernisations pour contrôler la dépense.
Sinon, il y a un double risque
D'abord, que les PME et que les classes moyennes décrochent. On ne peut forcer un entrepreneur à investir ou un cadre à donner son maximum dans l'entreprise. Le premier peut chercher à vendre son entreprise. Le second peut réduire graduellement son enthousiasme et son implication, sans que ceci soit immédiatement repérable – puisque la fiscalité sera la première bénéficiaire de son énergie.
Nous ne sommes pas dans un schéma d'euthanasie des rentiers de Keynes, où celui-ci prévoyait de réduire leurs rentes, fixes, par la montée de l'inflation. Nous sommes dans un cas bien plus grave, où il ne s'agit pas de rentiers qui vivent sur un capital hérité, mais de salariés qui participent par leur énergie à la création de richesses et d'entrepreneurs qui prennent des risques. Le danger actuel est donc bien plus grave que dans le cas de Keynes : l'euthanasie des rentiers de Keynes permettait, à l'époque, de faire repartir la machine par l'inflation et la dévaluation. Aujourd'hui, le risque de débrayage ou de freinage peut l'arrêter. La situation n'est donc pas différente : elle est opposée.
Affaiblir les classes moyennes de salariés et d'entrepreneurs, c'est prendre un risque sur la croissance à moyen terme du pays. Pour s'en sortir, c'est donc d'une autre politique qu'il s'agit. On a vu qu'un excès fiscal a été passé, il ne faudrait surtout pas que le mieux qui nous vient d'ailleurs le fasse oublier.