Quelle reconnaissance pour les représentants d’intérêt ?

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Par Cyrille Darrigade Publié le 2 août 2017 à 5h00
France Lobby Secteur Moralisation Vie Publique
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150L'Assemblée nationale compte plus de 150 spécialistes de l'influence

Après engagement de la procédure accélérée et de retour du Sénat, les Députés ont examiné le projet de loi, pour la régulation de la vie publique dit de « confiance en l'action publique ».

Il était notamment question, parmi les dispositions, des représentants d'intérêts, c'est-à-dire des lobbyistes, sur qui l'opprobre a été jeté. Sur le principe de quelques uns qui ne respecteraient pas la déontologie, tous ont été considérés avec le même discrédit : « pantouflage », « duplicité » professionnelle, en occupant parallèlement des postes d'assistants parlementaires. Il convient donc de rétablir la vérité.

Méconnus du grand public, les représentants d'intérêts, professionnels de la relation publique diplômés de cycles supérieurs, ont une connaissance des institutions de notre pays et interviennent majoritairement dans 3 assemblées - l'Assemblée Nationale, le Sénat et le Parlement Européen - pour le compte de leurs clients. Parfois même dans les Ministères. Leur rôle est de mettre en relation les acteurs du monde économique, financier, associatif et les Parlementaires sur différents dossiers, projets de lois, pour faire entendre leurs arguments.

Faire connaître les attentes de la société civile

Aussi, pour le législateur dans son ensemble, les représentants d'intérêts constituent un moyen de s'informer sur la manière dont la loi est appliquée, sur les moyens de l'améliorer. Et au final, de mieux connaître les attentes de la société civile. Ces informations par nature, orientées, défendent il est vrai, un objectif particulier. Il revient donc ensuite au parlementaire de faire l'analyse des données qui lui sont transmises, de les confronter à d'autres, d'en vérifier la véracité et la cohérence. Avant de recevoir un lobbyiste, le Parlementaire peut consulter par exemple, le registre dédié à l'Assemblée Nationale, qui lui permet d'obtenir des renseignements sur l'organisme qui vient le solliciter.

Sachant que pour figurer sur ce registre, le représentant d'intérêts doit, lors de son inscription, répondre à trois impératifs, presque tous valables, selon les Assemblées :
- l'obligation de transparence qui doit le conduire à faire savoir qui il représente et pour le compte de qui il agit ;
- l'obligation de publicité pour permettre à tous les citoyens de savoir dans quelles conditions se déroulent les contacts entre leurs élus et les représentants d'intérêts ;
- l'obligation déontologique, c'est-à-dire la nécessité de soumettre son activité à un ensemble de droits et de devoirs.

La HATVP, verrou de sureté

Par ailleurs, la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique a confié à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique la création d'un répertoire numérique des représentants d'intérêts. Ouverte depuis le 3 juillet 2017, l'inscription est obligatoire avant toute demande d'un pass d'accès permanent à l'Assemblée Nationale et au Sénat et du titre de représentant d'intérêts. Outre la raison sociale de l'entreprise de lobbying, il convient de préciser la nature des actions de relations publiques, les domaines d'intervention et les clients. Un verrou protecteur donc de toute possibilité de déviance ou d'absence de transparence vis-à-vis de l'opinion publique et des élu-e-s. Ajoutons enfin que les lobbyistes n'entrent pas à l'Assemblée ou au Sénat comme dans un moulin : il faut justifier d'un rendez-vous en bonne et due forme auprès d'un Parlementaire.

La fin des vieilles pratiques

Sous l'impulsion des députés du groupe « Nouvelle Gauche », lors de l'examen du projet de loi de confiance en l'action publique, l'Assemblée Nationale vient d'interdire à un collaborateur parlementaire d'être rémunéré par des lobbies. Pratique forcément regrettable mais pas nécessairement actuellement quantifiable, il était en effet inimaginable qu'un parlementaire, d'un point de vue déontologique - employeur de droit privé - puisse tolérer que son collaborateur soit en quelque sorte, juge et partie, dans sa mission de conseil. Par essence, le législateur qui doit faire la loi, contrôler l'action du gouvernement, en toute indépendance, est animé d'une confiance forte en celui ou celle qui l'assiste. Il ne peut en être différemment. La proposition de créer un statut pour les collaborateurs par les députés permettra de mettre fin à ses vieilles pratiques. Le bureau de chaque assemblée, plus haute instance collégiale, définira le cadre d'emploi.

Mettre fin au tabou

Pour autant, si ce cadre normatif, de nature à susciter plus de morale, d'éthique et de déontologie dans les pratiques du lobbying était nécessaire, il ne règle pas le problème d'image des professionnels de ce secteur. Dans le modèle anglo-saxon, les représentants d'intérêts sont au coeur du fonctionnement démocratique et apparaissent comme légitimes. Canada, Etats-Unis, Angleterre ont depuis bien longtemps fait coexister processus législatif et représentation d'intérêts. En France, nonobstant les efforts de transparence, ils apparaissent encore comme des acteurs, pas assez capables de penser le bien public et l'intérêt général.

Par conséquent, les pouvoirs publics français, ne devraient-ils pas réfléchir à rendre accessible les propositions des représentants d'intérêts au grand public ou encore leurs rapports ? Et éventuellement, régulièrement et publiquement, les entendre des différentes commissions du Parlement, qui auditionnent des personnalités expertes en leur domaine ? Si un nouvel environnement juridique reste à définir pour cela, cette étape supplémentaire de transparence des intérêts représentés, contribuerait utilement à mettre fin à l'idée répandue selon laquelle, les représentants d'intérêts sont traditionnellement considérés comme des défenseurs d'intérêts particuliers contre l'intérêt général.

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Consultant en relations presse et médias Diplômé en sciences de la communication et l’information de l’Université Blaise Pascal de Clermont-Ferrand

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