Le service à tout prix

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Par Jacques Martineau Publié le 22 août 2014 à 2h36

Parlons-en ! « En France, on n'a pas de pétrole, mais on a des idées ». Un slogan très répandu, qui a connu son heure de gloire au moment du deuxième choc pétrolier. Essayons de pousser l'analyse un peu plus loin, à la limite de la caricature.

Quand on concrétise ses idées, on ne sait pas les promouvoir. Quand on les promeut, on ne sait pas les vendre. Quand on les vend, on n'assure pas le service après-vente. Quand on a un service après-vente, on n'est pas certain qu'il fonctionne... Quel rendement !

Cette forme d'incapacité culturelle et intellectuelle à surmonter notre tendance naturelle à nous complaire dans l'autosatisfaction, associée à une pratique d'irresponsabilité bureaucratique dans tous les domaines, au nom séculaire, depuis Jean de la Fontaine : le Mal Français, qu'Alain Peyrefitte a su mettre en exergue. Encore aujourd'hui aucun secteur d'activité, public ou privé, n'échappe à cette critique permanente qui s'apparente à une sorte d'immobilisme au nom d'une orthodoxie française.

De l'idée à la réalisation

D'énormes progrès ont pourtant été faits. L'innovation a beaucoup apporté tant en matière de communication, de présentation du service, de design, d'automatisation et surtout avec Internet pour améliorer la relation à la personne. Et pourtant... Certes, dans la tête d'une grande partie des français, heureusement, il y a du mieux. Les mentalités sont toujours en pleine mutation. Leur regard sur l'Etat et sur l'entreprise reste confus. Ils sont toujours embourbés dans le problème du chômage qui demeure l'une de leurs préoccupations essentielles. Ils n'ont d'autre choix que de continuer à espérer en l'entreprise, à sa capacité d'innover et de créer la richesse et les ressources nécessaires pour parvenir à de nouveaux équilibres. Beaucoup d'entreprises ont tardé à prendre en considération les exigences du français consommateur. L'Etat est toujours perçu comme n'intervenant toujours qu'en tant que voiture « balai », ce qui n'est pas toujours le cas. Lorsqu'il anticipe, il est souvent contraint à agir seul. Dans l'UE, la concurrence, libre et non faussée, n'arrange rien. Les secteurs d'innovation sont très nombreux et la France n'est pas à la traîne. Mais entre l'idée, la réalisation, la promotion et la vente, la route est longue.

Le besoin d'un service de qualité

Depuis des années, des dizaines de milliers de créations d'entreprises ont essentiellement pour objet de faciliter, d'aider, de pallier les manques et de compléter l'action des sociétés pour leur permettre de poursuivre la réalisation de leurs objectifs et de se consacrer à l'essentiel de leur métier. La sous-traitance est un élément essentiel du marché. Dans le monde du service, les particuliers sont également de gros consommateurs. Ce marché devrait être encore très porteur. Mais il est lié à la fois à la capacité de production des entreprises et de consommation des particuliers. Le besoin de service se rencontre partout. Cependant, il faut se garder de croire que les sociétés de service se substitueront à l'entreprise au sens étymologique.

Le service a envahi le paysage publicitaire. Radios, télévisions, presse écrite, Internet, affichages, télécommunications, etc. se font l'écho de ces techniques de vente entrées dans nos habitudes. La qualité du produit ne suffit plus. Le service qui l'accompagne est devenu l'un des premiers arguments de vente. Attention au succès éphémère de façade, l'agence publicitaire fait son travail, elle contribue à la commercialisation et à la promotion du produit, la vente suit et les clients affluent. Doit-on croire pour autant que le pari est gagné ? Non, le danger est présent, la moindre réclamation, le « petit » ennui, l'insatisfaction à l'usage, amène le client à se rebiffer. Les conséquences ne sont pas toujours mesurables. Associée à l'excellence du service, la fidélité qui en résulte est probablement encore l'un des meilleurs arguments de vente à la conquête de nouveaux clients.

Le service côté « cour » à développer

Cette notion de service ne se limite pas à une relation client-fournisseur externe à l'entreprise. Ce besoin de service existe avec autant d'acuité dans l'entreprise, prise au sens large, publique ou privée, administrations incluses. Cette forme de relation client-fournisseur a ici une acception beaucoup plus large. Cet oubli fatal est l'une des faiblesses majeures de notre système économique. Chaque fois que l'on rencontre dans l'entreprise un problème de frontières ou d'interfaces, pour éviter qu'il ne devienne une source de conflit permanent, il n'est pas inutile de le reformuler en termes de relations client-fournisseur. Les situations de monopoles, peu soucieuses du service, favorisent les égarements, réduisent la créativité et ne favorisent pas les échanges. Elles entraînent des blocages intempestifs et incontrôlables que conforte souvent l'absence de concept de fonctionnement et des structures rigides. Avec des sensibilités, des intérêts, des rôles et des environnements, les divers responsables n'ont pas les mêmes appréciations du besoin de service interne et du niveau de qualité interne requise pour remplir leur tâche dans l'entreprise. La notion de service à tout prix n'est pas à l'ordre du jour. L'exemple récent sur l'incompatibilité des quais de gare pour les nouveaux TER est édifiant ! Qui était le client de qui ?

Insuffisance côté « jardin »

Le service du client n'est pas un vain mot. Partout le client est « roi ». C'est du moins ce que les entreprises en contact direct avec le consommateur prétendent. Entre elles, elles jouent alternativement, le rôle du client ou celui du fournisseur. Leurs échanges sont empreints du même souci apparent, c'est-à-dire la satisfaction de celui qui paie, en l'occurrence du client. Les sommes considérables, consacrées à la promotion des produits et de l'image de marque des sociétés, traduisent une volonté affichée d'être au premier plan et toujours les meilleurs. C'est uniquement à l'usage que l'on saura si l'enjeu est atteint.

Mais derrière ce décor d'exception, la réalité est trop souvent décevante. Combien d'entreprises ont un service d'accueil digne de ce nom et non agressif ? Combien de patrons prennent le soin de s'assurer de la façon dont sont traités leurs clients, et ce, dès le premier contact avec l'entreprise, c'est-à-dire au téléphone ou par courrier ? Combien de lettres ou de réclamations restent sans réponses ? Dans quels délais daigne-t-on réagir ? Etre le meilleur ne consiste pas à dénigrer les produits des autres et faire preuve d'autosuffisance...

Conclusion

Le service à tout à prix, c'est l'affaire de tous, à l'intérieur comme à l'extérieur de l'entreprise, à tout moment, à tout propos, en toutes circonstances et avec tout le monde. Ce n'est pas une mode, c'est plus qu'une obligation de survie, c'est une façon d'être une forme d'éthique pour l'entreprise, publique, privée ou administration. Le service doit finir par s'imposer comme une composante de la stratégie d'entreprendre. Bientôt plus aucun dirigeant ou responsable ne pourra se départir des problèmes que cela ne manquera pas de lui poser.

Des réponses concrètes et adaptées sont indispensables, à toutes les questions évoquées qui surgissent côté « cour » et côté « jardin », ainsi que le rappel de quelques principes qui marchent, parce que d'autres entreprises sont passées par là et parce qu'elles en ont mesuré les avantages et compris les limites. Cela constitue le minimum de prérequis auxquels une entreprise doit faire face. Ce sont des gains de productivité qui peuvent aller jusqu'à des augmentations de 5 à 20% du chiffre d'affaires courant...

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Après un long parcours scientifique, en France et outre-Atlantique, Jacques Martineau occupe de multiples responsabilités opérationnelles au CEA/DAM. Il devient DRH dans un grand groupe informatique pendant 3 ans, avant de prendre ensuite la tête d'un organisme important de rapprochement recherche-entreprise en liaison avec le CNRS, le CEA et des grands groupes du secteur privé. Fondateur du Club Espace 21, il s'est intéressé aux problèmes de l'emploi avec différents entrepreneurs, industriels, syndicalistes et hommes politiques au plus haut niveau sur la libération de l'accès à l'activité pour tous. Il reçoit les insignes de chevalier de l'Ordre National du Mérite et pour l'ensemble de sa carrière, le ministère de la recherche le fera chevalier de la Légion d'Honneur.