Dans un contexte de faible rendement des placements sécurisés, de méfiance face aux investissements boursiers et d’essoufflement du marché immobilier, des milliers de français ont été séduits ces dernières années par des produits d’épargne dits « atypiques » vendus par des marchands en biens divers (vin, diamants, or, forêt etc.).
Les méthodes de vente agressives et parfois trompeuses employés par certains de ces marchands aboutissent à faire croire aux investisseurs qu’une plus-value importante sera réalisée à terme, et cela sans risque excessif compte tenu de la prétendue orientation du marché à la hausse. Malheureusement, il n’existe pas de marché durablement stable ou haussier. Les épargnants qui se sont aventurés sur le marché de l’or en savent quelque chose. Par ailleurs, il n’existe pas de rendement élevé sans risque élevé, ce que répète comme une antienne l’Autorité des Marchés Financiers (AMF) confrontée à ces « biens divers » qui échappent en grande partie à sa sphère de contrôle et de sanction.
Les biens divers ne sont pas des produits financiers
Et c’est là tout le problème. Les « biens divers » ne sont pas des produits financiers et leurs vendeurs ne sont pas soumis à agrément préalable de l’AMF si bien que tout un chacun peu s’improviser intermédiaire en biens divers. Par ailleurs, seule une partie de ces intermédiaires sont soumis au pouvoir de contrôle et de sanction de l’AMF, notamment ceux qui offrent des rentes viagères ou des droits sur des biens dont l’acquéreur n’assure pas lui-même la gestion (article L.550-1-I du Code monétaire et financier). Or même dans ce cadre, l’AMF n’a été saisie que 2 fois en 15 ans par un intermédiaire en biens divers pour examen préalable de ses documents d’information destinés au public. Cette réglementation a bien été renforcée par la Loi Hamon du 17 mars 2014 qui a attribué à l’AMF un pouvoir d’injonction étendu à tout intermédiaire en biens divers « mettant en avant la possibilité d’un rendement financier direct ou indirect ou ayant un effet économique similaire » (Article L.550-1-II du CMF). Mais cet effort louable est insuffisant car ces intermédiaires peuvent toujours opérer sans agrément préalable et la plupart d’entre eux ne peuvent toujours pas être ni contrôlés ni sanctionnés par l’AMF. Il serait opportun que l’AMF diffuse ses avertissements sur des supports grands publics (presse généraliste, radio et télévision) afin de toucher plus directement les publics cibles, les produits atypiques étant vendus en grande partie à des épargnants sans expérience. Il serait également utile de modifier le Code de la consommation pour sanctionner expressément comme une pratique commerciale trompeuse le fait d’annoncer comme garanti, directement ou indirectement, un rendement aléatoire ou de le laisser croire qu’il n’existe pas de risque de perte en capital.
La vente de manuscrits sans aucune valeur financière
L’affaire Aristophil illustre malheureusement bien les failles de cette réglementation. En effet, cette société aujourd’hui en redressement judiciaire, a réussi à vendre des manuscrits et lettres autographes pendant plus de dix ans à des milliers de particuliers. Ces derniers ignoraient tout de ce marché, la société leur faisant miroiter des plus-values mirifiques sur la base d’une évolution théorique du marché de 8 à 9% par an. En recourant à la technique de l’indivision mobilière pour écouler ses produits, la société a pu toucher, avec un ticket d’entrée très abordable (1500 €), un large panel de clients dans toute la France et même au-delà. Un habile montage juridique a permis à la société de prétendre qu’elle n’avait pas à soumettre ses documents commerciaux au visa de l’AMF et même d’obtenir que l’AMF retire une mise en garde publiée en 2012 sur son site Internet.
La DGCCRF a fini par mener son enquête et a découvert des méthodes éminemment contestables, qui font aujourd’hui l’objet d’une information judiciaire pour escroquerie en bande organisée et pratique commerciales trompeuses à l’encontre du dirigeant de la société et de 3 autres personnes. Notamment, il apparaît que les manuscrits auraient été vendus aux épargnants à des prix totalement déconnectés des réalités du marché. La société est aujourd’hui en redressement judiciaire et la plupart de ses actifs ont été gelés à la requête du Parquet.