Alors que Nicolas Hulot souhaite accélérer le développement des énergies renouvelables, le solaire et l’éolien deviennent de plus en plus rentables en France. Les derniers projets en date comme le plan solaire initié par EDF sont ainsi facilités par des opportunités d’investissements verts.
« On va changer d’échelle » répète depuis plusieurs semaines Nicolas Hulot, tel un mantra. Son ministère s’est en effet lancé dans un vaste programme de promotion des énergies renouvelables et prévoit d’inscrire des objectifs ambitieux dans la nouvelle Programmation annuelle de l’énergie (PPE) prévue d’ici fin 2018.
« La LTE (loi de transition énergétique) fixe un objectif de 32% d’énergies renouvelables (d’ici 2030) et nous ne sommes qu’à 16% » rappelait le ministre lors de ses vœux le 22 janvier 2018. L’ancien militant écologiste souhaite donc accélérer le mouvement, et mise particulièrement sur le solaire et l’éolien.
Concernant le premier, plusieurs mesures vont être prises afin d’atteindre en 2023 la puissance de 18,2 GW, objectif minimal fixé par la PPE, alors que la puissance actuelle est au 30 septembre 2017, de seulement 7,7 GW. La plus notable est sans doute la multiplication par deux du volume des appels d’offres. Pour l’éolien, outre la simplification des procédures visant à permettre le développement des projets, le ministère souhaite encourager la création de parcs offshore. Les premiers devraient voir le jour d’ici 2020.
Les prix des énergies renouvelables en baisse
Cette mutation du modèle énergétique français, encore largement dominée par le nucléaire, semble recueillir le soutien de l’opinion. En effet, selon un sondage commandé en décembre 2017 par la fondation écologiste allemande Henrich Böll, 75% des Français estiment que les investissements dans l’énergie doivent être consacrés en priorité aux énergies renouvelables. Le ministère de la Transition écologique réfléchirait par ailleurs à une vaste campagne de communication visant à promouvoir l’auto-production dans les foyers français. Une pratique qui devrait se démocratiser dans la mesure où les prix ne cessent de baisser.
Une baisse qui concerne les équipements domestiques comme les panneaux solaires, mais aussi les grands chantiers. En effet, l’Agence internationale des énergies renouvelables (Irena), qui a publié une étude début janvier 2018, estime qu’en 2020 « toutes les technologies renouvelables seront compétitives par rapport aux énergies fossiles », avec un prix moyen qui se situera entre 3 et 7 dollars le mégawattheure (MWh) alors que les énergies fossiles coûtent globalement entre 5 et 17 dollars le MWh.
Ces chiffres varient évidemment selon le type d’énergie, la situation géographique, ou encore la qualité des infrastructures mais cette baisse générale des prix, due notamment à l’augmentation de la concurrence, est déjà bien visible. Des records ont été battus dans le solaire avec des chantiers qui sont parvenus, au Pérou, au Chili ou aux Emirats Arabes Unis, à des prix situés entre 6 et 10 dollars le MWh. Pour l’éolien de nombreux projets ont atteint les 4 dollars le MWh.
Pour Xavier Girre, « Cette accélération dans le solaire et dans les technologies de stockage, est essentielle dans notre mix électrique d’aujourd’hui et de demain »
« Se tourner vers les renouvelables n’est plus simplement une décision faite au nom de l’environnement, mais de plus en plus une décision économique intelligente » estime Adnan Z Amin, le directeur de l’Irena. Les opportunités d’investissement semblent d’ailleurs se multiplier. L’exemple de Neonen, producteur indépendant d’énergies renouvelables est révélateur. Après avoir émis une première obligation verte d’un montant de 50 millions d’euros en 2015, l’entreprise française a levé en décembre dernier 245 millions d’euros, toujours sous forme d’obligation verte. Un montant qui sera consacré au solaire (70%) et à l’éolien (30%) avec des chantiers en France, mais aussi en Amérique latine et en Australie.
Globalement, les investissements sont en augmentation partout dans le monde. En 2017, 333,5 milliards de dollars ont été investis dans les énergies renouvelables, avec le solaire et l’éolien en figure de proue, soit une augmentation de 3% par rapport à 2016. Une progression également visible en France, puisque les investissements y ont progressé de 1% en 2017, et devraient continuer d’augmenter, notamment grâce au vaste plan solaire d’EDF annoncé en décembre 2017 et qui consiste à déployer 30 GW d’énergie solaire en France d’ici à 2035. « Dès 2013, EDF s'est distinguée en devenant la première grande entreprise à émettre une obligation verte. Cette levée de fonds a permis d'allouer 1,4 milliard d'euros à 13 projets d'énergie renouvelable via EDF Énergies Nouvelles. Une stratégie dont l'intérêt ne s'est pas démenti depuis, puisque EDF lançait un second Green Bond en 2015 d'un montant de 1,25 milliard de dollars, puis un troisième en 2016 pour 1,75 milliard d'euros, avant de devenir en 2017 le premier industriel à émettre un Green Bond en yens », précise Xavier Girre, directeur exécutif en charge de la direction financière du groupe dans les Echos.
Encouragée par les pouvoirs publics, l’entreprise souhaite multiplier par quatre la puissance du photovoltaïque français, notamment grâce à la construction de grandes centrales solaires au sol, qui peuvent offrir une production de 100 mégawatts contre 12 pour une centrale solaire classique. Un projet qui nécessitera au total entre 25 à 30 000 hectares de terrain. « Cette accélération dans le solaire et dans les technologies de stockage, est essentielle dans notre mix électrique d’aujourd’hui et de demain. » poursuit Xavier Girre sur L’Energeek. Un groupe de travail sur le solaire a d’ailleurs été mis en place par le secrétaire d’État à l’énergie, Sébastien Lecornu, afin notamment de réfléchir aux procédures d’installation.
La nécessité d’une transition réfléchie
Toutefois, cet engouement mondial et national pour les énergies vertes, comme la baisse générale de leur coût, ne saurait être vu comme une solution miracle. En effet, l’éolien et le solaire sont par nature des énergies instables, puisque dépendantes des aléas climatiques et, en dépit des innovations techniques, presque impossibles à stocker durablement. Pour préserver un réseau performant capable de subvenir aux besoins de toute une population, la France devrait donc continuer à s’appuyer sur son parc nucléaire et ce pendant encore plusieurs décennies.
Car si l’énergie nucléaire est parfois décriée, elle présente l’avantage d’être très peu polluante et se révèle donc une alliée de taille dans la transition énergétique. L’exemple allemand est symbolique du mirage que pourrait représenter les énergies vertes. En effet, le pays a pris la décision de fermer toutes ses centrales nucléaires suite à la catastrophe de Fukushima en 2011. L’investissement massif dans les renouvelables, qui représente 32% du mix énergétique du pays n’est pas parvenu à compenser cette mutation brutale. Les conséquences écologiques sont même désastreuses, puisque le pays est largement dépendant des énergies fossiles, notamment le charbon, avec plus d’une centaine de centrales en activité.
Le taux de rejet de Co2 par habitant est ainsi l’un des plus élevés de la planète, près de deux fois supérieur à celui des Français. Par ailleurs, selon un rapport publié par l’agence France stratégie, le prix de l’électricité aurait plus que doublé entre 2000 et 2013, notamment pour compenser les investissements dans les énergies vertes. La question de la fin du nucléaire, souhaitée par certains responsables politiques doit donc être étudiée à la lumière de l’exemple allemand. S’il est essentiel d’investir massivement dans les énergies renouvelables, le gouvernement français sait que la transition doit être faite progressivement en s’appuyant au maximum sur des énergies décarbonées. Une augmentation des parts des énergies fossiles apparaît donc incompatible avec la volonté politique d’une sortie massive du nucléaire.