La croissance économique doit-elle être forcément associée à une hausse des prix des biens et des services ? La réponse est plus nuancée que le fait croire l’analyse économique actuelle.
Certains commentateurs défendent l’idée selon laquelle, lorsque l’économie se renforce, la Fed devrait intervenir en adoptant une politique monétaire plus restrictive afin de prévenir une accélération incontrôlée de la hausse du niveau général des prix.
Pourquoi la croissance économique devrait-elle nécessairement être associée à une hausse des prix des biens et des services ?
Lorsque nous évoquons la notion de croissance économique, nous entendons par là une augmentation de la production de biens et de services demandés par les individus pour satisfaire leurs besoins et améliorer leur bien-être.
Étant donné que le prix d’un bien correspond au montant nécessaire pour acheter une unité de ce bien, alors de toute évidence, pour une quantité donnée de monnaie en circulation, davantage de croissance économique (c’est-à-dire une augmentation de la quantité de biens et services produits) devrait entraîner une baisse, et non une augmentation, du niveau général des prix des biens et services (puisque nous avons à présent davantage de biens pour une quantité de monnaie inchangée).
Par conséquent, il devrait logiquement exister une corrélation inverse entre l’évolution des prix et l’évolution de la production réelle de richesse, telle qu’elle est mesurée par le taux de croissance de la production industrielle, toute chose étant égale par ailleurs.
Dans ce cas, pourquoi existe-t-il une corrélation statistique positive entre le taux annuel d’augmentation de l’indice de base des prix à la consommation (l’IPC hors alimentation et énergie) et le taux de croissance de la production industrielle avec un décalage d’environ 19 mois (comme le montre le graphique ci-dessous) ?
Pourquoi est-ce que l’augmentation de la quantité de richesses produites, qui est la source de l’amélioration du niveau de vie de la population, entraine également des conséquences indésirables, telles qu’une hausse du niveau général des prix des biens et services ?
Pourquoi la croissance économique ne peut pas être mesurée
En l’état actuel des choses, la croissance économique réelle ne peut pas être évaluée précisément, étant donné qu’il est impossible d’additionner des biens de différentes natures.
Par exemple, il n’est pas possible d’additionner des pommes de terre et des tomates afin d’aboutir à une somme totale significative permettant de calculer la croissance économique réelle.
Les statistiques économiques utilisées pour calculer la croissance économique n’ont en réalité rien à voir avec la croissance réelle en tant que telle. Il s’agit davantage d’une mesure du volume des échanges monétaires, réajustée en fonction d’un indicateur douteux, le déflateur du PIB.
Cela signifie ce que l’on qualifie habituellement de croissance économique désigne en réalité l’augmentation d’agrégats statistiques déformés qui mesurent les échanges monétaires et que l’on appelle de façon trompeuse la production réelle totale.
D’après la pensée dominante, plus la quantité de nouvelle monnaie créée est importante, plus les dépenses croîtront rapidement, et par conséquent plus la croissance des revenus monétaires et de la soi-disant économie réelle seront dynamiques. Dans ce cadre d’analyse, une augmentation de la quantité de monnaie en circulation implique une hausse des dépenses, ce qui entraîne un renforcement de la croissance économique.
Remarquez que ce dont il s’agit ici est une augmentation du montant des échanges reposant sur la création monétaire, ce qui est présenté comme un renforcement de l’économie réelle et une augmentation du niveau général des prix résultant également de la création monétaire.
Par conséquent, il n’est pas surprenant d’observer une corrélation positive entre la soi-disant croissance économique et l’inflation des prix.
Encore une fois, nous avons ici une situation dans laquelle la création monétaire est corrélée à un renforcement de l’inflation des prix et de l’activité économique (c’est-à-dire un accroissement des échanges monétaires). C’est que montrent de façon frappante les graphiques ci-dessous.
Cependant, pour établir correctement une relation valide entre la production de biens et services et l’évolution des prix, nous devons nous appuyer sur une théorie rigoureuse de ce qui détermine le niveau des prix et non sur des corrélations statistiques. Cela nous permettra de montrer que, toutes choses étant égales par ailleurs, il doit exister une relation inverse entre les fluctuations de la production et les fluctuations des prix.
Une analyse adéquate de la façon dont la richesse est créée indique qu’une baisse des prix constitue une conséquence de l’expansion de la production réelle de richesses. Cela signifie que chaque dollar détenu donne à présent accès à une plus grande quantité de richesse réelle (c’est-à-dire de biens et services).
Par conséquent, une baisse des prix dans un contexte d’expansion de la production de richesses est une excellente nouvelle.
Notez que la plupart des commentateurs suggéreraient probablement que, afin d’établir une relation entre la croissance économique et l’inflation, nous choisissons ici d’ignorer la réalité des faits et préférons à la place étudier uniquement l’essence de ce que sont les prix tout en ignorant les corrélations statistiques existantes.
Mais des corrélations sans théorie solide pour les expliquer ne sont pas d’une grande utilité.
Malheureusement, le monde est extrêmement complexe, et il n’est pas facile de comprendre les causes des phénomènes qui se déroulent simplement par l’observation. Une plus grande rigueur intellectuelle et un cadre théorique solide sont nécessaires.
L’objectif d’une théorie est de déterminer la nature de l’objet qu’elle étudie. Dans le cas qui nous intéresse aujourd’hui, la nature des prix est le montant payé pour obtenir une unité d’un bien. Cette définition est valide pour l’ensemble des prix des biens et services. Encore une fois, le prix d’un bien correspond toujours à la quantité de monnaie nécessaire pour obtenir ce bien.
Si la quantité de monnaie en circulation reste stable mais que le nombre de biens augmente, alors les prix doivent nécessairement baisser, toutes choses étant égales par ailleurs.
Le fait que l’inflation des prix augmente et que le taux de croissance de l’économie puisse accélérer en même temps ne prouve en aucune façon que la croissance économique soit à l’origine de la hausse des prix. Cela ne fait que montrer que d’autres facteurs entrent en jeu.
Logiquement, cela n’aurait aucun sens qu’une véritable expansion de l’économie puisse entraîner une hausse du niveau général des prix. La corrélation statistique existant entre la croissance économique et l’inflation ne s’explique pas par une hausse de la création de richesse réelle, mais constitue une réaction à l’expansion de la masse monétaire.
Article traduit avec l’autorisation du Mises Institute. Original en anglais ici.
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