Inflation européenne : électroencéphalogramme plat

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Par Stéphane Déo Modifié le 20 août 2018 à 11h14
Dollar Euro Devises Change Cours
@shutter - © Economie Matin
1,3%LBPAM table sur une inflation de 1,3% dans la zone euro à fin 2018.

Pourquoi le dollar est cher ?

Depuis son plus haut fin janvier 2018, l’Euro a perdu 9% contre le dollar. Dans quelle mesure est-ce explicable par les fondamentaux ? Nous proposons une approche en trois temps.

Premier temps : la parité des pouvoirs d’achats (ou PPP pour les intimes « Purchasing Power Parity »). Sur le très long terme, à l’échelle d’une décennie, le taux de change doit refléter le différentiel d’inflation. Le graphique ci-dessous montre que c’est effectivement le cas et qu’il existe une force de rappel lorsque l’EURUSD s’éloigne de sa PPP.

A l’heure actuelle, le modèle nous dit 1,21.

Il y a néanmoins deux problèmes avec ce modèle.

- D’une part, l’écart à la PPP peut être très important, un écart de 20% ou plus n’est pas rare.

- D’autre part, le retour à la PPP est lent, très lent, de l’ordre d’une décennie.

Il faut donc améliorer.

Deuxième temps, le cycle. Les variations autour de la PPP sont essentiellement dues au cycle. Lorsqu’une économie va bien, sa devise a tendance à s’apprécier au-dessus de la valeur « fondamentale » définie par la PPP. La meilleure façon de mesurer cette différence est de regarder le différentiel de taux d’intérêts. Lorsqu’on rajoute cette variable, le modèle « comprend » beaucoup mieux ce qui se passe et donne une estimation de l’EURUSD bien plus fiable. La force récente de l’économie américaine et la divergence de politiques monétaires auraient dû pousser le dollar à la hausse, ce qui fut effectivement le cas.

En prenant en compte ces effets, le dollar devrait être à 1,09.

Troisième temps, les flux. A très court terme, les flux des investisseurs comptent. La défiance contre la zone euro en 2016 a suscité des sorties d’investisseurs, et une faiblesse de l’EUR. L’optimisme fin 2017 a en revanche généré des flux importants qui ont poussé l’EUR à la hausse. En ajoutant ce dernier élément au modèle, on arrive encore mieux à décrire les évolutions des trois dernières années.

On obtient un cours pour l’EURUSD à 1,04 alors que le modèle était à 1,21 fin 2017. Il semble donc que l’appréciation récente du dollar soit en grande partie explicable par les forces habituelles qui conduisent ce marché.

Inflation Européenne, gros mouvement, pas de mouvement

L’inflation pour la Zone Euro a été confirmée à 2,1% en juillet, un plus haut depuis début 2013. Mais cette inflation est essentiellement due aux prix du pétrole. L’inflation sous-jacente est de 1,1%, avec une tendance haussière désespérément lente : l’inflation sous-jacente était de 0,95% sur la deuxième moitié de 2015. On n’a quasi rien gagné depuis.

Avec la stabilisation des prix du pétrole, l’inflation totale devrait donc revenir petit à petit vers les 1%. Notre modèle nous donne 1,3% en décembre cette année. C’est en deçà de l’objectif de la BCE « sous mais proche de 2% ».

Les risques de déflation sont écartés mais la normalisation de l’inflation se fait attendre.

Négociations commerciales Etats-Unis Chine : l’agenda

Annoncé par les deux partis, des négociations commerciales vont commencer les 22-23 aoûts à Washington. Ce sont des négociations préliminaires « à niveau intermédiaire » avec le vice-Ministre du Commerce chinois Wang Shouwen et le sous-Secrétaire au Trésor David Malpass. Après l’escalade des mesures de représailles des deux côtés, il s’agit d’un pas notable vers une détente. Le marché l’a pris en tant que tel.

Néanmoins, il ne faut pas attendre de résultats concrets avant fin octobre. Ça tombe bien, c’est juste avant les élections américaines : Donald va pouvoir tweeter !

La Turquie monte ses taux en catimini

La règle pour un pays qui connait une crise monétaire c’est de prendre deux mesures : monter les taux pour protéger la devise, appeler le FMI pour avoir des liquidités. La Turquie essaye de changer les règles du jeu, elle n’a fait ni l’un ni l’autre. Nous sommes extrêmement dubitatifs sur la suite des évènements. D’ailleurs nous ne sommes pas les seuls, S&P vient de rabaisser la note de la Turquie de BB- à B+, la note était de BB au début de l’année, Moody’s est passé de Ba2 à Ba3 et était à Ba1 en début d’année.

Sauf que… Le taux directeur de la banque centrale est le repo de référence, actuellement à 17,75%. La banque centrale ne permet plus aux établissements financiers d’y accéder et ils doivent donc emprunter au taux de repo au jour-le-jour à 18,25%. De facto c’est 150 points de base de hausse. Si cette facilité était fermée aussi, les banques devraient aller se financer à la « fenêtre d’urgence », à 20,75%. Il y aurait, de facto, 300 points de base de hausse.

Pas sûr que cela suffise, le taux de dépôt interbancaire à un mois est à 26,50% ce matin. Le marché attend plus.

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Stéphane Déo est stratégiste chez La Banque Postale Asset Management. Il est diplômé d'HEC, a un DEA en économie à l'Ehess (Ecole des hautes études en sciences sociales) et un doctorat en finances à HEC. Il a effectué des études post-doctorales à l'université de Berkeley (Californie). Après l’OCDE et Goldman Sachs, il travaille chez UBS en 2001 comme économiste puis stratégiste jusqu’en 2015. Il poursuit son expérience chez Empirical Research Partners comme stratégiste actions globales.

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