Les élections présidentielles auront lieu dans plus d’un an, et déjà les candidatures pleuvent comme vache qui pisse. Entre les innombrables candidats à la primaire de droite, les potentiels candidats de gauche, les candidatures des autres partis, vient de fleurir une nouvelle initiative: la primaire des français. Celle-ci se présente comme l’initiative de « Français, rassemblés au sein de mouvements citoyens, démocrates et républicains ». À la lecture du texte de présentation, et du nom des candidats, on reste quand même un peu perplexe sur les tabous ou les intentions cachées du mouvement.
La primaire des français, un renouvellement en trompe-l’oeil
Parmi les candidats affichés à la « primaire des français », on trouve d’abord un étrange attelage de personnalités qui se présentent comme celles du « renouvellement ». On s’amusera de ce faux nez, de cette torsion de la réalité, expliquée de la façon sur le site:
Parce que le renouvellement est un impératif pour aujourd’hui et pour demain, les candidats à La Primaire des Français ne peuvent avoir cumulé plus de 12 ans de fonctions ou mandats politiques nationaux
Pourquoi 12 ans, et pas 11, on 9 ou 8? Pourquoi pas 0 an? À partir de quel moment est-on nouveau ou ne l’est-on plus?
On a tous bien compris ici que la règle des « 12 ans de mandat » est un faux nez pour justifier le recyclage des vieilles badernes de la politique française, comme Corinne Lepage (66 ans en 2017) ou Jean-Marie Cavada (76 ans en 2017), qui sont au renouvellement de la vie politique ce que ma grand-mère était à la germanophilie: une sorte d’oxymore, de désaveu, de gigantesque oedème de Quincke.
Une bien-pensance qui ne dit pas son nom
Le sujet du « renouvellement » introduit le doute sur la sincérité du projet. La lecture des « attendus » du site renforce ce sentiment de malaise vis-à-vis d’une démarche qui est présentée comme « citoyenne », mais dont l’inspiration bien-pensante affleure à chaque ligne.
Officiellement, la primaire des français aura au moins deux credo: la laïcité et la bataille pour l’emploi. Voilà qui ne mange pas de pain. La laïcité est présentée comme l’expression de la République, l’accès au travail comme une priorité nationale.
En creux, on comprend donc tout ce qui n’est pas important pour la primaire des Français: la question de la souveraineté face à l’Europe et à l’euro, par exemple, ou la question de la réforme des institutions. Insidieusement, l’idéologie qui nous est proposée, et qui a l’agaçant réflexe de ne pas s’assumer comme telle, de jouer aux innocentes, est celle d’une bien-pensance européiste. La primaire des Français, c’est ne pas toucher aux institutions, ne pas contester l’ordre européen, ne pas heurter la doctrine diffusée dans les salons de l’aristocratie parisienne. Garder les idées de l’entre-soi, mais en les empaquetant dans une image de nouveauté.
D’ailleurs, Didier Tauzin, lui aussi candidat citoyen, mais beaucoup moins fréquentable aux yeux des Parisiens, ne fait pas partie du mouvement… Voilà un beau signal faible sur le caractère pas si citoyen de la primaire des Français.
Hmmmm! on adore, quand les beaux quartiers cherchent à s’acoquiner avec la plèbe et prennent leurs habits du samedi soir pour danser en boîte et faire peuple. La ficelle est vraiment très grosse, et il suffit d’examiner les candidats qui s’affichent pour comprendre que le biberon auquel le mouvement est nourri veut se donner une apparence populaire et citoyenne, mais n’est que le énième faux nez de la bien-pensance officielle.
La primaire des français, ou la mondialisation désirée
Le pompon de l’imposture est sans doute atteint dans le dernier attendu de la proposition:
Parce que la Planète est notre mère, les candidats à La Primaire des Français ont tous affirmé leur volonté de mettre en oeuvre les mesures indispensables à la sauvegarde des ressources naturelles et à leur utilisation durable et responsable
La Planète est notre mère… c’est la religion Inca et son Pachamama qui inspire la primaire des Français? La référence est en tout cas divertissante. D’un côté, le mouvement s’affirme comme « laïque ». De l’autre, il produit une sorte de gloubi-boulga holiste, proche de l’animisme, sacrifiant à la désormais incontournable doctrine de la « planète, notre bien commun », dont l’arrière-pensée mondialisante est bien connue.
Et c’est bien ce qui étonne dans la « primaire des Français ». Elle est assez curieusement la primaire de tout le monde, sauf des Français. On y parle de tout un tas de choses, sauf des Français et de la France, et de notre place dans le contexte mondial. En ce sens, je suis gêné par ce mouvement, qui aura bien du mal à dissiper le sentiment qu’il cherche à récupérer la dynamique « citoyenne » pour la mettre au service d’une conception obsolète de notre destin.
Article écrit par Eric Verhaeghe pour son blog