Les entreprises qui souhaitent bénéficier du CIR-CII au titre de 2019 ont jusqu’au 15 mai 2020 pour déposer leur déclaration. Dans la période difficile que nous traversons, le gouvernement vient d’annoncer, pour les startups et PME éligibles, la possibilité d’anticiper ce dépôt, sans attendre le dépôt de leur liasse fiscale 2019.
De nombreuses entreprises pensent encore, à tort, que tout projet innovant leur ouvrira les portes du CIR-CII. Or les critères d’éligibilité sont de trois ordres : technique bien sûr, mais aussi, comptable et documentaire.
1. CRITÈRES TECHNIQUES
Le CIR (au sens large) contribue à financer les travaux engagés au titre de la Recherche et du Développement (R&D) ainsi qu’au titre de l’Innovation produit.
Critères de R&D (CIR au sens strict) :
- originalité des travaux par rapport à l’état de l’art
- complexité des travaux : incertitudes à dissiper, verrous à surmonter, participation active d’au moins une personne de niveau bac + 5
- transférabilité des résultats obtenus, avec écart significatif par rapport à l’état de l’art d’origine
Critères d’Innovation (CII) : Les travaux doivent permettre de concevoir ou de réaliser le prototype ou l’installation pilote d’un « produit nouveau » (bien corporel ou incorporel qui n'est pas encore mis sur le marché et qui se distingue des produits existants par des performances supérieures).
2. CRITÈRES COMPTABLES
Les entreprises doivent justifier de dépenses entrant dans les « bonnes cases » :
- masse salariale
- sous-traitance publique ou agréée (pour la sous-traitance agréée, voir plafond dit des « 3 fois », ci-dessous)
- dotation aux amortissements des immobilisations utilisées pour la R&D ou l’innovation
- veille technologique
- brevets
Une entreprise peut en effet réaliser des travaux très coûteux qualifiant parfaitement aux critères techniques, sans pouvoir prétendre au moindre euro au titre du CIR-CII !
Illustration par l’exemple :
Une startup vient de lever 1 M€. Si les trois dirigeants, tous ingénieurs, dépensent intégralement cette somme en R&D selon le schéma suivant, l’entreprise n’aura droit à rien au titre du CIR-CII :
1. Les dirigeants ne se rémunèrent pas les premières années ;
2. Ils font travailler sur leurs projets 7 ingénieurs et jeunes docteurs free-lances (coût : 230.000 €) ;
3. Ils sous-traitent une partie de leur R&D en Inde auprès d’une entreprise spécialisée dans l’IA (coût : 360.000 €) ;
4. Ils sous-traitent une autre partie de leur R&D auprès d’un prestataire français spécialiste du Deep Learning, dûment agréé CIR par le Ministère de la Recherche (coût : 410.000 €).
La seule dépense entrant dans les « bonnes cases » est la sous-traitance agréée par le Ministère de la Recherche (point 4 ci-dessus) : malheureusement, la sous-traitance privée agréée est plafonnée à 3 fois les autres dépenses R&D éligibles (ici : 0 €). L’entreprise aura ainsi droit à 3 x 0 = 0 € au titre du CIR !
Ces critères comptables, parfois mal connus ou mal anticipés par les entreprises, engendrent souvent des déceptions chez les dirigeants d’entreprises qui espèrent bénéficier du CIR-CII. Dans le cas d’une petite structure en pleine expansion, l’impact peut s’avérer dramatique.
3. DOCUMENTATION JUSTIFICATIVE
Au-delà des critères techniques et des critères comptables, l’entreprise doit pourvoir justifier de son éligibilité auprès de l’Administration.
Pour cela, elle doit réunir l’ensemble des pièces comptables afférentes au dossier (bulletins de paie, CV, diplômes, factures de sous-traitance, dotations aux amortissements, etc). Mais elle doit également et impérativement constituer un dossier technique ou scientifique, très détaillé, de description des travaux réalisés.
La constitution du dossier sera d’autant plus difficile si :
- l’entreprise ne documente pas suffisamment ses travaux au fil de l’eau, et en perd ainsi la mémoire
- les principaux acteurs de la R&D ou de l’Innovation ont quitté l’entreprise au moment de documenter, en année n+1, les travaux de l’année n
- le mode de fonctionnement de l’entreprise ne lui permet pas d’avoir le recul nécessaire pour décrire ses travaux (par exemple si elle travaille en méthode Agile)
- si elle est dans l’incapacité de dégager les ressources internes indispensables à la rédaction des dossiers techniques (c’est par exemple le cas de certaines ESN)
- si des accords de confidentialité avec ses clients interdisent à l’entreprise de décrire ses travaux (c’est aussi le cas de certaines ESN)
Conclusion
L’obtention du CIR-CII n’est donc pas seulement conditionnée, comme on le croit souvent, par le fait de remplir les critères techniques d’éligibilité, encore faut-il que le compte d’exploitation de l’entreprise atteste des catégories de dépenses prévues par la loi régissant ce dispositif, et que l’entreprise puisse documenter ses travaux de manière solide aux yeux de l’Administration.