Pourquoi la France et la Belgique en sont-elles arrivées là ?

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Par Daniel Moinier Modifié le 14 avril 2016 à 10h36
Chomage Banlieue Origine Ethnique Augmentation
@shutter - © Economie Matin
25%le taux de chômage des banlieues (ou les ZUS comme on les appelle, super nom pour favoriser les rapprochements ! et tous les autres ZFU, CUCS ?) a atteint des sommets, jusqu?à 25% en moyenne.

La Belgique vient comme la France de subir des actes abominables et l’adverbe n’est pas assez fort, surtout si l’on en est des victimes directes. Si l’on fait une analyse assez poussée, il est évident que ces deux pays viennent de vivre depuis des décennies et même depuis la dernière guerre, des parcours politiques, économiques, sociaux relativement semblables, même si chacun conserve des spécificités bien à eux.

Pour bien comprendre la lente dérive de chacun d’eux, il est important de revivre les moments forts qui ont jalonné ces parcours de 70 ans, mais surtout depuis les années 60 et 80.

De 1946 à 1975, les trente glorieuses,

ainsi dénommées par l’économiste Jean Fourastié en 1979, furent la période où les économies occidentales connurent une croissance exceptionnelle et régulière, à l’issue de laquelle elles sont entrées dans l’ère de la société de consommation. Période de plein emploi, avec une moyenne de 1,8% de chômeurs, surtout de rotation, même si déjà 1975 avec 3% préfigurait d’un déséquilibre haussier.

Cette période fut le point de départ d’un important exode rural attiré par les très nombreux emplois urbains, mais aussi l’arrivée d’immigration massive fortement augmentée avec la fin de la guerre d’Algérie en 1962. C’est la création des banlieues avec leurs grands ensembles et des barres d’immeubles de plus en plus longues et hautes, les premières en région parisiennes nord : Sarcelles, Garges les Gonesse, Villiers le Bel, la Courneuve…, les minguettes à Vénissieux, la Duchère à Lyon, la fameuse barre « muraille de Chine à Clermont-Ferrand, celle du haut du lièvre à Nancy (2 immeubles, 700 m de long), du Mirail à Toulouse, du Mistral à Grenoble pour ne citer qu’elles. Ces grands ensembles ont permis un large accès au confort moderne qui n’existait pas dans les campagnes. Elles ont aussi accueilli de nouveaux jeunes cadres, chacun rêvant à sa première voiture, de former des couples indépendants pour ne plus vivre chez leurs parents. Grands ensembles tant décriés aujourd’hui comme repères de non droit, de drogues, de djihadistes…

La Belgique a suivi le même chemin, même si elle a subi une forte influence américaine après la guerre.

Pendant cette période, la durée de vie a augmenté de 8 années et par contre, celle du travail a diminué de 240 heures par année.

De 1976 à 2007, les trente piteuses,

ainsi nommées par l’économiste Nicolas Baverez, ces piteuses non pas dans l’absolu, mais surtout par contraste aux trente précédentes, ont marqué un véritable changement. Le chômage de masse a fait son apparition et n’a pas arrêté d’augmenter plongeant la société dans un grand doute. Et pourtant le pouvoir d’achat des français a réussi à doubler ainsi que leur fortune qui a triplé mais au détriment d’une forte augmentation des prélèvements, du déficit et de la dette. Lueur d’espoir, pendant cette période la durée de vie a augmenté de 8 années d’espérance de vie ce qui peut paraître très réjouissant, mais certainement pas au regard d’une durée de travail qui a fortement diminuée par semaine, mois, année et sur la durée de vie. Nous sommes ainsi devenus les moins « travailleurs » du monde (congés, 60 ans, 39h puis 35 heures). Triste record, nous démarrons le travail plus tard que les autres et le terminons plus tôt, cause de notre autre record des prélèvements et charges budgétaires.

Pendant cette période, des années 80-90, (je me permets d’utiliser le je), installé à Paris, j’ai connu le 8ème, Jussieu, le 17ème avec un côté Est parisien qui s’est complètement transformé en havre de pauvreté. Mes emplois m’ont permis de connaître St Denis 93, à trois périodes différentes. Les changements qui s’étaient opérés étaient à chaque fois de plus en plus flagrants. Autour des constructions neuves d’antan régnait un sentiment d’insécurité presque permanent.

Mes activités professionnelles m’ont permis par deux fois de m’installer en Belgique. La première, avec des bureaux implantés de la Gare du Nord, jouxtant les fameuses vitrines et la proximité de Schaerbeek. Ce secteur Nord a vu l’arrivée d’une forte population étrangère notamment marocaine et turque. Ces derniers attentats, m’ont rappelé que lors de ma deuxième venue, J’avais travaillé à l’aéroport de Zaventen pour une entreprise de transport-logistique. Mes différentes fonctions commerciales et recrutement m’ont permis de découvrir une Belgique coupée en deux : Wallons et Flamands et de bien connaitre toutes les banlieues notamment Molenbeeck au Nord-Ouest, Ixel au Sud. Schaerbeek au Nord. A cette époque, les immigrés de ces banlieues s’étaient bien intégrés, beaucoup plus que leurs enfants ensuite, car leurs parents étaient presque tous très attachés aux traditions de leur pays d’adoption et en avaient un grand respect. J’ai aussi apprécié Lille ou j’ai vécu à plusieurs reprises, mais beaucoup moins Roubaix. Cette ville « banlieue » me rappelle le titre évocateur d’un journal : « Roubaix, ce n’est pas Chicago », mais c’est la mouise quand même ». Avec ses 100.000 habitants, c’est la ville la plus pauvre de France qui « traîne une réputation pourrie ». Avec une population de plus de 30% d’origine magrébine, ses 30 % de chômage (y-a-il un rapport ?), ses 75% du territoire placé en ZUS, Zone urbaine sensible, cette ville où rien ne va depuis que l’industrie textile s’est effondrée à la fin des années 70.

J’ai aussi travaillé dans les arrondissements sensibles du Nord de la Gare St Charles à Marseille. Je laisse aux lecteurs qui ont visité cette ville et ces quartiers, les beaux souvenirs de ces rues aux murs entièrement tagués : De l’art paraît-il ! Dans mes 40 années de recrutement et de déplacements, j’ai pu découvrir que presque chaque ville française avait hérité des mêmes ghettos, zone de non-droit, des mêmes paysages de pauvreté, terreau de la délinquance, d’un nouveau banditisme, de la drogue, du djihadiste, mais aussi avec le contraste de grosses voitures de luxe conduites par de jeunes « nouveaux riches » .

Pendant cette période la durée de vie a augmenté de 8 années et celle du travail a diminué de 260 heures par année.

De 2008/09 à…, les années peureuses,

Nous sommes rentrés dans la période des (30 ?, si on est pessimiste) années dénommées peureuses encore par Baverez et d’autres économistes. La très forte crise internationale de 2009, comparée par certains à celle des années trente par son intensité, a encore intensifié la chute du pays vers les profondeurs ! Non seulement cette crise est existentielle, mais elle semble sans issue, car les Français mesurent que l'État, dont ils attendaient leur salut, constitue une large partie du problème, et non la solution. Les attentats de Paris et Bruxelles (Brussels) ont encore augmenté le sentiment de peur, d’insécurité personnelle, existentielle, économique; l’état semblant ne plus rien maîtriser. D’où le nom de ces années (peureuses).

Pendant cette période de 8 ans, la durée de vie a augmenté de 1 année et celle du travail annuelle a diminué de 3 heures.

Alors pourquoi, ces profonds changements ?

Au fil des années, la France est devenue « l’homme » malade d’une Europe décadente. Les idéologies politiques, le clivage Gauche-Droite ont désintégré la nation. La distribution sociale a complètement anéanti nos ressources, asséché nos industries, exporté nos savoirs, augmenté les coûts du travail, désintégré des familles, les banlieues…Face au réveil virulent des identités religieuses et ethniques, au renouveau des passions extrémistes et des utopies sociales, il reste une seule possibilité :

Remettre la France au travail.

Cela me rappelle une réunion du COR (Caisse d’Orientation des retraites) auquel je participais, il y a près de dix ans, où des spécialistes Suédois, Danois présents, interrogés sur leur méthodes mises en application dans leur pays, ont répondu : En France, vous avez mélangé les termes TRAVAIL et SOCIAL, 60 ans, 35 heures c’est du travail, c’est avec le travail que vous financerez le social. D’où ma deuxième devise, découlant de cette épisode, incorporée en 2008, dans mon 4ème livre : « La Crise, une chance pour la croissance et le pouvoir d’achat » : + de Travail = + de Social financé

Le paradoxe veut que les Français expriment une immense demande de protection, alors qu'elle a été érigée en principe constitutionnel et que les dépenses publiques (56,6 % du PIB) et les transferts sociaux (35 % du PIB) sont les plus élevés du monde développé. Non seulement la crise est existentielle, mais elle semble sans issue, car les Français mesurent que l'État, dont ils attendaient leur salut, constitue une large partie du problème, et non la solution.

Devant le rejet de la classe politique, des mouvements de plus en plus actifs vont jusqu’à se demander si les politiques sont encore nécessaire. Est-ce qu’un dirigeant, un patron ne pourrait-il pas faire mieux qu’un Président ? Mettre en place des solutions qui permettraient de retrouver rapidement le chemin de la croissance, la baisse rapide du chômage avec toutes les conséquences sociales positives engendrées et surtout sans déficit.

La Belgique n’a pas pour sa part, été en reste. Elle a même souvent devancé la France tant sur les diminutions de travail que sur la distribution du social d’où des déficits courants (jusqu’à 13% du PIB) et une dette importante qui est même montée à 138% du PIB en 1993. Mais elle a connu contrairement à la France, une période faste avec des résultats positifs dans les années 80. Pendant quatorze ans, elle a réalisé de gros efforts obtenant des résultats positifs et elle est même revenue en 2007 à 84% du PIB.

Les belges travaillent 95 heures de plus par an que les français (tous les deux largement en dessous de la moyenne de l’OCDE, respectivement -191h pour les 1ers et -286h pour les 2ème) et ont une durée de vie légèrement inférieure aux français de 80,88 ans(France 82,3 ans en 2015). Par contre, la Belgique avec un taux de chômage de 8,6%, fait tout de même mieux que la France avec ses 10,8%.

Ci-dessous le tableau du taux de chômage des pays européens

Durée moyenne d’emploi sur la durée de vie en Europe

Avec 34,6 années travaillées en moyenne, le Français se situe légèrement en dessous de la moyenne européenne (35 ans), selon les statistiques fournies par Eurostat. Et on trouve, plus bas dans le classement, des pays comme l'Italie (30,5 ans), la Grèce (32 ans) ou encore la Belgique (32,2 ans).

Nos grands voisins que sont l'Espagne, l'Allemagne et le Royaume-Uni se situent respectivement légèrement au-dessus (34,7 heures) pour le premier et largement au-dessus pour les deux suivants (37,5 ans et 38,1 ans).

La France perd ainsi 65 Mds d’euros par année non travaillée, soit près de 200 milliards sur l’Allemagne et 230 milliards sur le Royaume-Uni par année.

Alors pourquoi ces deux pays sont-ils arrivés à la situation actuelle ?

Le constat tient en grande partie à l’analyse élaborée ci-dessus. Une durée du travail fortement diminuée au regard d’une durée de vie qui n’a pas arrêté d’augmenter. Ce qui a contribué à augmenter considérablement les budgets des états pour compenser des rentrées insuffisantes. Cela a renchéri les coûts des entreprises, les charges salariales pour maintenir et même augmenter la part du social et les coûts qui en découlent.

Lorsque le chômage était pour ainsi dire inexistant, toutes les personnes étaient en emploi. Il n’y avait aucune discrimination à l’embauche. Les entreprises ne pouvaient pas se le permettre. Elles embauchaient tout le monde, même les moins bons CV, les handicapés sans avoir besoin de recours à toutes les aides, associations, conseils en tout genre. Dans une agence que je tenais, j’ai eu jusqu’à 25 nationalités différentes : marocains, tunisiens, algériens,…etc, d’origine ou non, contrairement à ce qui se passe aujourd’hui. Actuellement, avec des offres d’emplois plus limitées et plus de 3,5 millions de chômeurs, les employeurs devant la compétitivité internationale sont devenus de plus en plus exigeants.

Alors, c’est ainsi qu’au fur et à mesure, le taux de chômage des banlieues (ou les ZUS comme on les appelle, super nom pour favoriser les rapprochements ! et tous les autres ZFU, CUCS …) a atteint des sommets, jusqu’à 25% en moyenne. Les regroupements par ethnies ont encore renforcé la suspicion, un certain rejet à l’embauche. Les plus jeunes et mêmes les moins jeunes de ces quartiers se sentant écartés n’ont même plus la motivation de retrouver un emploi, pensant que ce ne sera jamais pour eux. De plus toutes les aides allouées en compensation n’ont pas du tout favorisé la recherche d’emploi, ni l’envie de se « bouger » de chez soi.

Ces banlieues ont tellement évolué défavorablement qu’elles ont fait couramment, au fur et à mesure des incidents et révoltes, les titres de tous les journaux et les appellations sont nombreuses :

Des cités de sécessions, des ghettos, des zone de non droit, des quartiers sensibles, des quartiers les plus chauds, des nouveaux westerns, des marchés aux voleurs, l’école de la violence, des banlieues coupe-gorge de la république, l’école de la grande criminalité, l’école du feu (voitures), l’intifada à la française, l’armée du terrorisme islamique,…

La cour des comptes a d’ailleurs officialisé ce dont tout le monde se doutait : La politique de la ville, c’est un peu la zone avec son plan Marshall pour les banlieues.

«La politique de la ville est ainsi aujourd’hui mise en œuvre dans 751 zones urbaines sensibles, au sein desquelles on décompte 416 zones de redynamisation urbaine, comprenant elles-mêmes 100 zones franches urbaines. A ces zones, s’ajoutent 2.493 quartiers ciblés par des contrats urbains de cohésion sociale, dont 70% ne sont toutefois pas classés en zone urbaine sensible.»

Compte tenu, des idéologies politiques qui ont dégradé très fortement l’économie européenne (notamment en France et en Belgique) et des bouleversements internationaux, surtout au moyen orient, ces zones de non droit, portées par un terreau favorable, un certain laxisme, ont permis l’installation de mouvements djihadistes, ces actes ignobles et atteintes horribles aux innocents que les deux pays viennent de connaître.

Alors qui aura le courage politique de relancer la machine ! Les élections de 2017 le diront peut être, c’est plus qu’à espérer : Avec des actes et non des paroles.

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Daniel Moinier a travaillé 11 années chez Pechiney International, 16 années en recrutement chez BIS en France et Belgique, puis 28 ans comme chasseur de têtes, dont 17 années à son compte, au sein de son Cabinet D.M.C. Il est aussi l'auteur de six ouvrages, dont "En finir avec ce chômage", "La Crise, une Chance pour la Croissance et le Pouvoir d'achat", "L'Europe et surtout la France, malades de leurs "Vieux"". Et le dernier “Pourquoi la France est en déficit depuis 1975, Analyse-Solutions” chez Edilivre.

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