Inflation à 0.4%, croissance anémique dans les pays «core» de la zone euro, taux de chômage élevé, faiblesse des investissements, recul des PMI ...la zone euro peine à trouver un second souffle économique. Dans ce contexte, peut-on anticiper une hausse des indices européens et notamment du CAC 40 dans les mois qui viennent? Les raisons d'être optimiste sont nombreuses.
Malgré les apparences, la situation en zone euro a sensiblement changé depuis la crise des subprimes aux Etats-Unis et depuis la crise de la dette, avec la mise en place de plusieurs pare-feu.
On peut commencer par citer la mise en place du Mécanisme Européen de Stabilité (MES) qui concerne les Etats membres de la zone euro, qui a la capacité de se financer sur les marchés et de prêter, sous conditions, aux Etats en difficultés qui en feraient la demande.
Le second et puissant pare-feu, arme de dissuasion longtemps et habilement maniée par la BCE au plus fort de la crise de la dette, est le programme OMT. Le programme OMT est le successeur du programme SMP qui avait permis à la BCE d'intervenir sur le marché secondaire de la dette pour y acheter des obligations souveraines de la Grèce, de l'Irlande, du Portugal ou encore de l'Espagne et l'Italie alors que les taux d'emprunt à 10 ans de ces 2 pays se tendaient dangereusement (l'Espagne empruntait à plus de 7% lors de la crise de la dette contre 1.96% aujourd'hui).
Autre évolution née des crises précédentes: la mise en place progressive de l'union bancaire européenne reposant sur 3 piliers. Le premier pilier est la supervision bancaire européenne,
visant à placer en supervision directe de la BCE les 130 plus grandes banques de la zone euro qui pour certaines, par leur taille systémique, peuvent mettre en risque de stabilité le système financier européen. Dans le cadre de la mise en place de cette supervision, la BCE a procédé à un examen des actifs bancaires (AQR) et a des stress-tests ayant permis de vérifier les capacités de résistance des différents établissements. La fin de cet examen par la BCE est un élément positif pour le crédit en zone euro. Même si la problématique des faibles niveaux de crédit en zone euro ne dépend pas que de l'offre, Mario Draghi a reconnu à plusieurs reprises que le passage en revue des actifs bancaires pouvait avoir un effet constricteur sur le crédit.
Le second pilier de l'union bancaire est la mise en place d'un mécanisme de résolution des crises bancaires mettant à contribution les acteurs privés selon le principe du renflouement interne (bail-in) mais permettant également de mettre en liquidation une banque.
Enfin, le troisième pilier concerne la mise en place, à terme, d'une garantie européenne sur les dépôts.
Autre facteur permettant d'être optimiste sur l'évolution des marchés: la baisse de l'euro.
Même si la baisse de la devise n'est pas une solution durable à la crise européenne, elle aura un effet sur les entreprises européennes à court terme, et notamment celles d'envergure internationale et donc cotées sur les principaux indices comme le CAC 40.
Cette baisse de l'euro a été catalysée par les interventions marquées de la BCE depuis juin 2014, elles-mêmes précédées par une communication dissuasive de Mario Draghi dès l'été 2012 («la BCE est prête à faire tout ce qui est nécessaire pour sauver l'euro, et croyez-moi ce sera suffisant»).
En mai 2014, les marchés ont compris que la BCE était prête à accélérer le rythme et l'euro a commencé à décrocher de la zone des 1.4000$. Dès le mois de juin, le BCE a abaissé ses taux de refinancement et fait basculer le taux de dépôt en territoire négatif à -0.10% pour inciter les banques à accroître le niveau de crédit en zone euro. Elle a également annoncé au même moment la mise en place d'opérations ciblées de refinancement à long terme (T-LTRO), deuxième version des LTRO apparues lors de la crise de la dette fin 2011 et début 2012 pour un montant avoisinant les 1000 milliards d'euros...
En septembre, la politique monétaire a encore été assouplie avec une nouvelle baisse de taux et l'annonce d'achats d'actifs (ABS et obligations sécurisées) pour stimuler le crédit en zone euro. Malgré ces annonces, les indices européens ont connu une violente vague de correction jusqu'à mi-octobre, inquiets de l'affaissement continu des chiffres d'inflation et du fléchissement de la dynamique de croissance en Allemagne, impactée par les sanctions liées à la crise géopolitique en Ukraine.
Lors de la réunion d'octobre, Mario Draghi n'a pas été perçu par les marchés comme aussi accommodant que lors des réunions précédentes, indiquant qu'il fallait attendre de voir l'impact des premières mesures sur l'inflation avant de pousser la politique monétaire plus en avant. Dans un contexte où les marchés attendaient de possibles déclarations sur une extension des achats d'actifs aux obligations souveraines (QE) et éventuellement aux obligations d'entreprises, ces déclarations ont créé un puissant effet déceptif catalysant la baisse des marchés en quelques jours et envoyant brièvement le CAC 40 sous les 3800 points.
Face à cette aversion au risque, la BCE a repris la main en multipliant les déclarations accommodantes en l'espace de quelques semaines, provoquant un rebond du CAC 40 et des indices européens.
Cette tendance s'est accélérée la semaine dernière avec les propos inattendus de Mario Draghi lors du 24ème Congrès Bancaire Européen. Lors de cette intervention, le président de la BCE a dressé un sombre tableau économique de la zone euro, déclarant qu'il était important de ramener l'inflation vers son objectif «sans plus attendre» et d'augmenter le niveau des prix «aussi vite que possible». Il s'est également prononcé en faveur d'un élargissement des achats d'actifs «si la politique menée jusqu'à présent est inefficace». Le vice-président de la BCE a enfoncé le clou ce week-end en citant les effets positifs du QE aux Etats-Unis et en Angleterre en qualifiant de «situation à risque» le contexte actuel.
Ces propos tranchés du président et du vice-président de la BCE semblent marquer une rupture dans la communication hors conférence de presse et ouvrir la voie à une mise en place rapide d'achats d'actifs souverains ou d'obligations d'entreprises, en plus des ABS et obligations sécurisées, sachant que la BCE a déjà averti qu'une nouvelle intervention sur les taux était peu probable.
Il y a donc peu de chance de voir la BCE lever le pied sur sa politique monétaire tant que l'inflation ne se redresse pas, ce qui devrait continuer à soutenir les indices à moyen terme (sans oublier le fait que les mesures prises depuis plusieurs mois vont progressivement se diffuser à l'économie européenne via le crédit).
Mario Draghi se plait à le répéter : la politique monétaire seule n'est pas suffisante pour relancer la croissance. Et c'est là qu'intervient l'impérieuse nécessité de relancer l'investissement en zone euro. Les marchés vont suivre avec attention le plan de relance de 300 milliards d'euros présenté par Jean-Claude Juncker devant les députés européens cette semaine. Il ne devrait pas être la réponse à tous les maux de l'Europe mais pourrait permettre de stimuler les investissements dans un période d'atonie générale et d'envoyer un message à l'économie et aux investisseurs qui cherchent une ligne directrice, un cap, avant de s'exposer.
Autre facteur de soutien potentiel aux marchés actions dans les mois qui viennent: la faiblesse des taux. La ruée vers l'obligataire souverain de ces dernières années pourrait commencer à s'essouffler progressivement avec la baisse des rendements. Les investisseurs en quête de rendement pourraient réorienter leurs positions sur les marchés actions dans un contexte de baisse de l'euro, d'actions de la BCE et de relance des investissements.
La baisse sensible du prix des matières premières et notamment des prix de l'énergie devrait également soutenir la reprise économique. L'enlisement de la situation en Ukraine ne devrait pas permettre de lever rapidement les sanctions ce qui pourrait continuer à peser sur l'économie allemande notamment...mais l'Allemagne dispose de nombreux relais de croissance: avec un budget à l'équilibre en 2015, elle peut augmenter à tout moment le niveau de ses investissements (infrastructures notamment), les entreprises allemandes bénéficieront également de l'effet de la baisse de l'euro qui soutiendra le secteur export et si la demande intérieure fléchit, une hausse même modérée des salaires permettra d'en limiter les effets...
Enfin, même si la FED a récemment mis fin à son QE et relance le débat sur la date de première hausse de taux, les liquidités sont toujours présentes sur les marchés et la posture accommodante de plusieurs autres banques centrales écarte le risque d'un assèchement (extension du programme d'achats d'actifs la Banque du Japon, baisse de taux de la banque centrale chinoise, ton accommodant de la BCE, de la banque centrale suisse...).
Dans ce contexte global de réformes structurelles dans plusieurs pays européens (dont les effets vont progressivement se faire sentir), de faibles taux d'emprunt permettant de limiter l'impact sur les budgets, de faible prix des matières premières, de plan d'investissement à l'échelle européenne, de baisse de l'euro et de politique monétaire accommodante, sans oublier la mise en place progressive ou l'existence de pare feu, le risque systémique s'est estompé depuis la phase aigüe de la crise de la dette...les indices actions et notamment le CAC 40, sensible à cette notion de risque, ont entrepris un rally haussier depuis 2012. Ce rally a marqué le pas au second semestre pour connaître une phase de correction puissante mais furtive sous les 3800 points.
Dans ce contexte de mutation monétaire et économique de la zone euro, le CAC 40 ne devrait pas connaître d'épisode de baisse durable comme ce fut le cas lors de la crise des subprimes ou crise de la dette mais plutôt opter pour une phase de consolidation latérale qui pourrait durer quelques mois avant de se redresser progressivement et d'aller chercher la zone des 5000 points, testée pour la dernière fois en 2008, seulement 3 mois avant la faillite explosive de Lehman Brothers. Cette extension progressive pourrait même s'étendre au-delà de 5000 points, en direction de l'oblique baissière passant par les plus hauts de 2000 et 2007, deux dates hautement symboliques sur les marchés financiers.