Les services de l’État avaient préparé en décembre 2018 un rapport favorable au projet d’exploitation aurifère la Montagne d’Or, estimant ce dernier conforme aux standards internationaux en matière environnementale, tout en soulignant ses potentielles retombées au niveau économique et en termes d’emploi pour le territoire guyanais. Ce rapport, révélé par l’Usine Nouvelle, n’a pas été publié officiellement pour l’instant en dépit des demandes répétées des élus guyanais.
C’est un dossier qui donne depuis de nombreux mois le sentiment d’être joué d’avance. Comme si le gouvernement avait fait le choix politique de sacrifier le projet Montagne d’Or sur l’autel de petits calculs électoraux pour donner des gages aux écologistes, forts de leur score aux dernières européennes.
Un gouvernement sensible aux discours de personnalités controversées
Les dernières révélations de l’Usine Nouvelle, à l’origine de deux publications sur le sujet, confirment cette impression. Le gouvernement, que ce soit au niveau de la secrétaire d’État Brune Poirson, de la ministre de l’Écologie Élisabeth Borne, et jusqu’au plus haut sommet de l’État, ne semble guère disposé à prendre en compte les arguments favorables au projet aurifère guyanais. Une posture étonnante qui interroge sur la ligne de conduite de l’État sur ce dossier.
À force d’écarter toute analyse de fond du sujet, le gouvernement finira-t-il par rallier Michèle Rivasi, députée européenne et membre d’EELV, ou d’autres personnalités politiques davantage connues pour leurs prises de position antivax, contre le glyphosate ou encore favorables aux discours des électrosensibles sur les compteurs Linky, que pour leur grille de lecture raisonnée et dépassionnée sur des sujets sensibles ? De quoi étonner de la part d’un gouvernement qui a fait de la lutte contre les pseudo-sciences et des fake news sa ligne de conduite politique, incarnée par exemple par Agnès Buzyn au sujet de l’homéopathie. Quels peuvent être les ressorts de cette posture ambiguë ?
La Montagne d’Or est un projet destructeur de biodiversité et dangereux, il ne respecte pas les terres amérindiennes. Son bénéfice économique est très faible, et au seul profit de multinationales, et il engouffre des centaines de millions de fonds publics #StopMontagneDor pic.twitter.com/F1cquiZAYz
— Michèle Rivasi ? (@MicheleRivasi) March 23, 2019
Imbroglio entre les services administratifs et les décideurs
Retour sur les faits. En décembre 2018, une mission interministérielle rend un rapport sur l’impact écologique du projet Montagne d’Or au regard de son potentiel économique pour la population guyanaise. Parmi les observations de ce rapport, que L’Usine Nouvelle s’est procuré, il est noté que l’impact foncier de l’exploitation sera moindre qu’au Suriname voisin et 30 fois moins que les exploitations alluvionnaires qui pullulent en Guyane.
Si le rapport alerte sur les émissions de CO2 significatives liées au projet, celui-ci insiste sur le potentiel économique du projet et souligne les 750 emplois créés dans une région où le taux de chômage est supérieur à 20 %, contre 8,5 % en Métropole. En conclusion, le rapport décrit le projet Montagne d’Or comme un « projet aurifère de taille moyenne au niveau mondial, conçu et développé conformément aux standards internationaux », en particulier en termes de sécurité et de procédés d’extraction.
Bien sûr, rien n’oblige le gouvernement à suivre les recommandations de ses agents, même lorsque ces derniers sont des spécialistes et experts locaux de la question. Celui-ci aurait dû pourtant entraîner une réponse favorable de l’État vis-à-vis du dossier, qui plus est après avoir pris connaissance de l’avis favorable de l’administration présenté il y a quelques jours à la commission départementale des mines de Guyane dans le cadre d’un autre rapport.
La commission départementale des mines qui devait décider la prolongation de droit des concessions de Montagne d’Or il y a quelques jours, au vu de ce dernier rapport favorable a été finalement reportée sine die au dernier moment évitant ainsi au gouvernement l’embarras d’avoir à désavouer son administration et ses experts techniques sur une décision prise en amont pour des motifs purement politiciens.
URGENT Décision 16 octobre sur le Projet #MontagnedOr. Monsieur le Président @EmmanuelMacron, après avoir dénoncé l’irresponsabilité de #Bolsonaro en Amazonie, quelle instruction avez-vous donnée à votre Préfet sur la prolongation de ces concessions minières destructrices? pic.twitter.com/TGl08JHcqG
— Yannick Jadot (@yjadot) October 15, 2019
Une impression d’ailleurs fortement renforcée par un tweet d’Élisabeth Borne, ministre de la Transition écologique et solidaire, en date du 16 octobre dernier. Alors qu’elle aurait pu, comme cela était initialement prévu, laisser se dérouler le processus prévu pour évaluer le projet, la ministre, tôt dans la matinée, a préféré dynamiter en amont la réunion de la Commission des mines. Une approche singulière et détonante, de la part d’une ministre technicienne et femme de dossiers, peu coutumière de ce type de coups d’éclat. D’autant plus surprenante qu’Élisabeth Borne, dans sa publication où elle exprime l’opposition du gouvernement au projet, fût-ce en court-circuitant la Commission des mines, s’appuie sur un tweet de Yannick Jadot. Est-ce à dire que sur le sujet, le discours du chef de file d’EELV au Parlement européen aurait davantage de poids qu’une commission d’experts ? En tout cas, c’est l’impression étrange qui se dégage de bout en bout en bout sur le dossier.