Initialement paru le 15/12/14
FICTION
Dans les manuels d'économie de terminale de la rentrée 2016-2017 – que chaque élève télécharge désormais en début d'année sur sa tablette Frenchpad, fabriquée en France dans l'usine corézienne du ministère du redressement éducatif – la date du 18 juillet 2014 marque le début du chapitre "la mort de l'euro".
Pourtant, cet été-là, le cri d'alarme de la directrice générale du FMI (Fonds Monétaire International), poussé lors d'un colloque parisien organisé par la Fondation Robert Schuman, passe quasiment inaperçu.
Comme d'habitude, la France est plongée dans la douce torpeur des congés payés. Les médias sont focalisés sur le conflit israélo-palestinien dont la plupart des Français souchiens se moquent comme de leur première chaussure, et ressassent en boucle toutes les hypothèses cherchant à expliquer le drame du Boeing de la Malaysia Airlines abattu au-dessus de la république séparatiste de Donetsk, en Ukraine.
L'économie, encore plus pendant les vacances, passe en 36e position de l'actualité, autant dire que l'on n'en parle pas. Il faut dire qu'avec cette sale habitude qu'ont les médias d'utiliser le vocabulaire anglo-saxon pour en parler, les Français ont des excuses.
Le cri d'alarme de Christine Lagarde
Car enfin, qui comprend ce que signifie "quantitative easing ?" C'est pourtant bien de cela dont Christine Lagarde s'émeut le 18 juillet 2014. Constatant que la croissance n'est pas au rendez-vous, elle suggère – pour ne pas dire exige - que la Banque Centrale Européenne continue son programme de quantitative easing, pour éviter que l'Europe n'entre en déflation.
Voilà ce dont la presse ne parlera presque pas le 19 juillet (un samedi), sauf un peu la presse spécialisée, la semaine suivante. A quoi bon ? Personne ne la lit plus ou presque dans l'Hexagone. Les Echos, le seul quotidien économique, vend à peine 100 000 exemplaires (en fait, il en offre près de la moitié aux hôtels, compagnies aériennes, restaurants et clubs de golf chics), quand en Italie, que l'on moque pourtant régulièrement en France avec condescendance, le quotidien économique de référence Il Sole 24 Ore en vend 250 000. En Allemagne, même Bild (1,2 million d'exemplaires) met régulièrement l'économie à la Une, à côté de la pin-up.
L'ancien patron du Medef exilé au Luxembourg
En France, quand on parle d'économie dans les médias généralistes, c'est pour commenter – mal - les chiffres du chômage, la croissance qui ne vient pas, ou les joutes verbales entre l'ancien patron du Medef désormais exilé au Luxembourg, Pierre Gattaz, et Arnaud Montebourg, le nouveau super ministre d'Etat à la tête de l'improbable portefeuille Education – Santé – Industrie, depuis le mois de mai 2016. Mais expliquer aux Français que l'économie européenne, et en particulier française, est portée à bout de bras en cet été 2014 par la Banque Centrale Européenne, qui fait tourner les planches à billets à pleine vitesse, là, il n'y a personne.
Demain : L'Europe crée des milliards d'euros artificiellement (2/6)