Le 6 mars 2016, un passager bien singulier parvenait à embarquer à bord d’un avion de la compagnie Ryanair, à Nantes, avec un bagage de soute contenant une bonbonne de gaz, une machette, quatre couteaux de cuisine, deux canifs, une matraque télescopique et une cagoule.
Cet arsenal fut découvert par les autorités aéroportuaires marocaines, lors de son arrivée à Fès, l’individu ayant fait l’objet d’un « signalement » par leurs homologues français. Il faut dire que Manuel Broustail, c’est son nom, était « bien connu des services » : ancien militaire français, expert en explosifs, il s’était converti à l’islam et avait été radié de l’armée, en août 2014, pour des faits avérés de radicalisation. Suite aux attentats commis à Paris, en novembre dernier, il avait été arrêté et assigné à résidence, à Angers, ville dans laquelle il était devenu le leader d’un groupe de musulmans radicalisés, allant jusqu’à organiser des entraînements de type paramilitaire. Sur son lieu de résidence, à Sefrou, près de Fès, les policiers marocains mirent la main sur autre « arsenal » : un fusil à gaz de type Beretta (calibre 4,5mm), une arme de poing, des munitions, un arc et des flèches, des vêtements militaires ainsi que des documents ayant trait à la fabrication artisanale d’explosifs et de mines anti-personnel. (Clémentine Maligorne-AFP-09.03.2016)
Cet événement est là pour nous rappeler que les contrôles exercés sur les plates-formes aéroportuaires demeurent encore beaucoup trop aléatoires : moyens techniques insuffisants ou défaillants, formation insuffisante ou manque de vigilance des agents, collusion ou corruption constituent autant de failles susceptibles d’être exploitées par les terroristes… Aurait-on déjà oublié les 224 victimes de l’explosion de l’Airbus A321 russe, au-dessus du Sinaï, peu après son décollage, depuis l’aéroport de Charm el-Cheikh ?...
Pour ne rien arranger, suite aux territoires conquis en Syrie, en Irak et en Libye, Daesh est aujourd’hui en possession de dizaines de milliers de passeports vierges, sans compter ceux, parfaitement authentiques, qui sont « réattribués » à des terroristes présentant une ressemblance avec leurs réels titulaires : en témoignent les deux kamikazes du Stade de France, qui étaient en possession de passeports syriens, tout comme ce djihadiste, originaire de Troyes, qui fut arrêté à son retour en France, porteur d’un passeport suédois…(Philippe Oswald-Aleita-21.12.2015)
Le lendemain-même, soit le 7 mars 2016, une passagère embarquée sur un vol Air France, en provenance d’Istanbul, était interpellée à son arrivée à l’aéroport de Roissy, avec une petite haïtienne de 4 ans dissimulée dans un sac. L’enfant avait effectué le trajet, cachée sous une couverture placée à ses pieds : ce n’est qu’au moment où la petite éprouva le besoin de se rendre aux toilettes que les passagers remarquèrent sa présence et en avisèrent le personnel de bord… Dans un communiqué laconique, Air France se contenta de rapporter, sans autre commentaire, « qu’un adulte aurait voyagé, accompagné d’un enfant (sans billet) dissimulé dans un sac… ». (AFP-09.03.2016)
Il faut bien reconnaître qu’en plein « état d’urgence », s’agissant qui plus est d’un aéroport turc, aire de transit privilégiée des djihadistes de l’État Islamique, ce nouvel événement interroge quant à l’efficacité des contrôles exercés, tant par les autorités turques que par le personnel d’Air France en poste à Istanbul : comment, en effet, un passager sans billet et, vraisemblablement, sans passeport ni visa, a-t-il pu embarquer aussi facilement ?...
Le hasard du calendrier veut que, dans un autre registre, le 13 mars 2016, le Bureau d’Enquêtes et d’Analyses (BEA) rendait son rapport final sur les causes du crash de l’A320 de la Germanwings, le 24 mars 2015, au-dessus des Alpes. Ses experts confirmaient que cette catastrophe (150 morts) était bien le fait d’un acte volontaire perpétré par le copilote, Andreas Lubitz, un garçon suivi médicalement, depuis fort longtemps, pour des troubles psychologiques et psychiatriques. Le comble, c’est que le jour du drame, il était « théoriquement » en arrêt de maladie : une disposition qu’il aurait cachée à la Compagnie…
Ainsi donc, à cette occasion, on découvrait qu’il était possible de piloter un avion de ligne sans être en possession de toutes ses facultés mentales : nous connaissions déjà le cas de pilotes ayant une inclination pour l’alcool ou les stupéfiants ; on n’imaginait pas qu’il put y avoir aussi, parmi eux, des « déséquilibrés »… Sait-on seulement à combien d’accidents de ce type nous avons échappé, sans même jamais y avoir songé ?...
Une chose est sûre, cependant, c’est que cette situation pourrait parfaitement se reproduire, les syndicats de pilotes étant « vent debout » contre la levée du secret médical : et si on demandait leur avis aux clients ?...
Parallèlement aux djihadistes qui prennent l’avion avec un véritable arsenal dans leurs bagages, aux passagers qui transportent, sans billet, des enfants dissimulés dans des sacs, et aux pilotes atteints de troubles du comportement, il existe bien d’autres risques et menaces auxquels nous avons également échappé, sans que personne ne nous en ait jamais informé… Qu’on en juge…
Au printemps 2016, une association de pilotes britanniques « tiraient la sonnette d’alarme » quant aux risques de collision auxquels ils étaient régulièrement confrontés, face à la multiplication des drones : rien qu’en six mois 23 d’entre elles avaient été évitées dont une douzaine, « de justesse »… En juillet 2015, un pilote de la Lufthansa, qui s’apprêtait à atterrir à Varsovie, eut la fâcheuse surprise de voir passer un drone à cent mètres de son appareil quand, le 19 février dernier, le commandant de bord d’un Airbus A 320 évitait, « en catastrophe », à l’approche de Roissy, un drone qui frôla son aile gauche à 5 mètres seulement… (Claire Rodineau-Le Figaro-04.3.2016)
Enfin, pour en terminer, provisoirement, avec ce chapitre, sans doute serez-vous contents d’apprendre que 9000 incidents ont été recensés en Grande-Bretagne, entre 2009 et 2015, qui ont vu des pilotes éblouis par des lasers, à l’approche des aéroports : durant ces dix derniers mois, rien moins que 415 avions ont dû atterrir en urgence à cause de ces actes malveillants, à supposer que certains d’entre eux ne soient pas imputables à des terroristes en puissance… (Figaro Magazine-11.3.2016)
Ainsi donc, après qu’un attentat terroriste visant à faire exploser en plein vol un avion ait été déjoué, en Australie, le 30 juillet 2017, on peut mesurer à quel point bien des progrès restent à accomplir en matière de sûreté aérienne…