« Un crime contre la postérité » et pourquoi l’immobilier pourrait baisser

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Par Simone Wapler Modifié le 1 décembre 2014 à 7h54

Pour l'économiste américain Laurence Kotlikoff , professeur à l'université de Boston, le fonctionnement actuel des États occidentaux et leur fol endettement est « un crime contre la postérité ».

En effet, les engagements de retraites et de santé des social-démocraties sont insuffisamment provisionnés et l'endettement public pallie cette carence. Mais il s'agit de dettes à long terme (10 ans, 20 ans, 30 ans) dont le paiement des intérêts échoie aussi à nos enfants ou petits-enfants. Le paiement du principal pèserait même sur nos arrières petits-enfants. Je mets ici à dessein un conditionnel, car le principal a atteint une telle somme qu'il ne sera jamais payé. Aucune personne sensée n'acceptera cet immense passif en héritage.

Selon les estimations de Kotlikoff, le fossé entre les promesses et le réalisable serait équivalent à 12 fois le PIB des États concernés que ce soit en Europe, au Japon ou aux États-Unis. Les systèmes de retraite « s'effondreront comme des châteaux de cartes dès que les plus jeunes ne voudront plus payer l'addition – où en seront incapables ». Pour combler le fossé budgétaire, il faudrait que les gouvernements relèvent les impôts ou baissent les reversements. Les impôts sont déjà à la limite du supportable. En France, il faut compter comme impôts les assurances chômage, maladie et vieillesse, systèmes publics en situation de monopole qui conduisent à des taux de prélèvements obligatoires de presque 50%.

Les conclusions de l'économiste Kotlikoff sont également celles d'Emmanuel Todd qui a un regard d'historien, d'anthropologue et de démographe. En France, nous avons assisté à un emballement de l'espérance de vie dans les années 1970. Ce changement fondamental a pris par surprise le monde politique qui ne l'avait pas prévu et a refusé d'en tirer les conséquences. « C'est comme si on avait eu une immigration sauvage de vieux. Les gens pensent que le problème de la société française c'est que les banlieues se remplissent d'immigrés sans qu'on puisse le contrôler mais la vérité des problèmes pour moi, c'est plutôt que la société française s'est remplie de vieux » .

Nous vivons en démocratie, la population majoritaire est âgée et elle organise l'écrasement économique de la jeunesse, son étouffement par la dette. Ce n'est pas l'euthanasie financière du rentier par l'inflation préconisée par Keynes qui s'organise sous nos yeux, c'est l'euthanasie financière de la jeunesse par la dette et le paiement de la rente à leurs aînés.

Vous avez là les germes d'une situation violente : une minorité opprimée, rançonnée et sans représentation politique, sans contre pouvoir.

En France nos professionnels de la politique sont économiquement ignares et incompétents. Ils n'ont rien compris aux grands chocs du XXème siècle et du XXIème siècle : démographie, mondialisation des échanges commerciaux. Ils sont en majorité monolingues et n'ont jamais connu un environnement de concurrence puisqu'ils sont surtout fonctionnaires. Hollande a découvert la Chine, « l'usine du monde », en avril 2013, il n'y avait jamais mis les pieds auparavant. Le prix Nobel d'économie 2014, Jean Tirole, invité par la commission des affaires économiques du Sénat, a parlé devant une petite douzaine de sénateurs ! Il évoquait pourtant les réformes conduites par la Suède, l'Allemagne, l'Australie ou le Canada pour sauver leur modèle social.

Sur le plan économique, une société de vieux signifie moins de dynamisme, moins d'entrepreneurs, moins de créativité, plus de crainte. La croissance décline, le principe de précaution est gravé dans le marbre de la constitution. Cela signifie aussi, une société qui consomme moins car elle épargne. Cette société n'est plus dans la logique de consommation qui prévaut lorsque les familles s'agrandissent.

Les banques centrales inondent le système de fausse monnaie pour que la pyramide de dettes ne s'écroule pas ce qui ruinerait les vieux au pouvoir mais libérerait les jeunes. Dans le capitalisme normal, la faillite met une fin à l'absurde, mais dans le capitalisme de connivence, il reste toujours de l'argent puisqu'il suffit de le créer. Une situation absurde et injuste peut cependant durer très longtemps comme nous l'apprennent les expériences communistes. Il suffit de recourir à l'exaction et au crime, d'où ce crime contre la postérité.

Aujourd'hui le prix des actifs financiers est soutenu par la création monétaire partout dans le monde. Si vous êtes tentés par les marchés, à long terme, investissez plutôt dans des pays où les jeunes sont encore majoritaires et fuyez la dette de vieux. Reste les autres actifs partrimoniaux, au premier rang desquels l'immobilier. En France, les jeunes actifs qui doivent payer les rentes de retraite et les soins de santé de leurs aînés (ou les intérêts de la dette publique, ce qui est finalement la même chose) n'auront jamais les moyens d'acheter de l'immobilier aux prix actuels. De surcroît, le Comité de Bâle souhaite mettre en place dès 2015 une règle qui imposerait le taux variable dans les crédits immobiliers afin de préserver les banques du risque de remontée des taux. Donc l'immobilier devrait baisser, vraiment baisser. Enfin une bonne nouvelle pour les jeunes !

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Simone Wapler est directrice éditoriale des publications Agora, spécialisées dans les analyses et conseils financiers. Ingénieur de formation, elle a quitté les laboratoires pour les marchés financiers et vécu l'éclatement de la bulle internet. Grâce à son expertise, elle sert aujourd'hui, non pas la cause des multinationales ou des banquiers, mais celle des particuliers. Elle a publié "Pourquoi la France va faire faillite" (2012), "Comment l'État va faire main basse sur votre argent" (2013), "Pouvez-vous faire confiance à votre banque ?" (2014) et “La fabrique de pauvres” (2015) aux Éditions Ixelles.

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