Airbnb : la descente aux enfers continue

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Par Christian Lemarin Publié le 29 août 2017 à 14h51
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cc/pixabay - © Economie Matin
615000 EUROS615?000 euros d'amende qui ont été distribués à des loueurs dans l'illégalité au premier semestre 2017

Concurrence déloyale, évasion fiscale, dégradation de la qualité de vie des habitants… Les reproches adressés à Airbnb se multiplient, et les discours rassurants de ses dirigeants ne semblent plus capables de calmer la colère qui gronde chez les citoyens et les autorités publiques.

Une enquête réalisée récemment par Le Monde en collaboration avec les rédactions allemande de la Süddeutsche Zeitung, belge de De Tijd, néerlandaise de Trouw.nl et le journaliste d’investigation suisse François Pilet, révèle que les accusations qui pleuvent sur la célèbre plateforme californienne ne sont pas infondées.

En France, 20 % des offres d’hébergement sont le fait de multipropriétaires, « parmi lesquels on trouve un certain nombre de professionnels », précise Le Monde. Une situation qui profite particulièrement aux gros loueurs, dont certains « deviennent de véritables agences, gérant parfois plus de 120 logements ».

Malgré la discrétion d’Emmanuel Marill, directeur d’Airbnb France et Belgique, le consortium journalistique a pu établir que les multipropriétaires louant à l’année tirent un revenu mensuel moyen de 2 200 euros, soit plus que le revenu médian des salariés français (environ 1 750 euros).

Afin de multiplier leurs gains, certains loueurs vont jusqu’à acheter plusieurs appartements, notamment des studios et des T1. D’après l’enquête du Monde, « plus de 85 % des multipropriétaires gèrent “en amateur” entre deux et cinq appartements ». Parmi les propriétaires gérant de 6 à 20 appartements, seuls 16 % assument leur statut de professionnels. Et le taux n’est que de 50 % parmi les hébergeurs proposant plus de 20 appartements entiers.

Mais l’enquête des journalistes du Monde et leurs confrères n’est pas la seule à dénoncer les abus du modèle de la plateforme californienne. Début août, Le Parisien révélait que cette dernière « n’avait payé que 92 944 euros d’impôts en 2016 » en France, soit autant qu’une PME dont le bénéfice net avant impôt avoisinerait les 300 000 euros.

Or, le chiffre d’affaires de la plateforme dans l’Hexagone est estimé, en 2017, à quelque 130 millions d’euros, ce qui fait de la France le deuxième marché d’Airbnb dans le monde. Comment expliquer donc ce faible taux d’imposition ?

Il se trouve que les salariés d’Airbnb exercent uniquement des activités de marketing à Paris. Toutes les factures de réservations de logements passent ainsi par les filiales anglaise et irlandaise du groupe. C’est pourquoi la plateforme n’a déclaré que 166 373 euros de bénéfices au fisc français pour l’exercice 2017.

Les amendes se multiplient

Cependant, si la société californienne est manifestement passée maître dans l’art de l’optimisation fiscale, les hébergeurs doivent encore perfectionner leurs techniques pour échapper au contrôle des autorités. Le nombre d’amendes distribuées a en effet explosé ces derniers temps, comme l’ont révélé récemment Le Parisien et France Inter.

En effet, ce n’est pas moins 615 000 euros d’amende qui ont été distribués au premier semestre 2017, soit 13 fois plus qu’en 2016. L’un des contrevenants condamnés a écopé, à lui seul, d’une amende de 130 000 euros pour avoir loué illégalement pas moins de 13 appartements sur la plateforme.

Ainsi, l’image de la petite startup collaborative dont le modèle serait plus proche du milieu associatif que des grosses multinationales n’est plus défendable. Les « oubliés » du système Airbnb sont désormais trop nombreux pour continuer d’y croire.

Des citoyens de plus en plus mécontents

L’enquête du Monde s’intéresse également aux « petites mains » qui rendent possible le fonctionnement de la plateforme tout en récupérant une partie infime des bénéfices. De nombreux indépendants, microentreprises ou autoentrepreneurs proposent en effet des services de photographie publicitaire, conciergerie, ménage, blanchisserie, dépannage, convoyage depuis l’aéroport ou encore organisation de sorties. Ils sont la plupart du temps confrontés à une exigence de « disponibilité intégrale pour des rémunérations minimales ».

Et il y a évidemment ces habitants, de plus en plus nombreux, obligés de fuir les centres-villes investis par la plateforme. Entre 2009 et 2014, Paris a ainsi perdu 13 660 habitants, et la Mairie de la Ville Lumière affirme que les sites de location entre particuliers, comme Airbnb, sont en partie responsables.

Dans le premier arrondissement de la capitale, la baisse est même de 5 %, et s’accompagne d’un véritable désastre économique. « Les occupants qui viennent pour un week-end ne consomment pas dans les commerces locaux. C’est un phénomène négatif et il faut lutter contre la multiplication de ces locations de courte durée », estime Jean-François Legaret, maire du 1er arrondissement de Paris.

À Barcelone, l’irritation est telle qu’elle commence à s’exprimer de manière violente. Des groupuscules comme « Arran » ou « Encavant » multiplient les actions coup de poing à l’encontre des touristes. Fin juillet, ils ont ainsi stoppé un car de vacanciers avant d’en crever les pneus et d’écrire à la peinture sur le pare-brise : « Le tourisme tue les quartiers ».

Les Parisiens n’en sont pas encore là, mais ils ne sont pas pour autant heureux de voir se développer un tourisme de masse anarchique et peu respectueux des propriétés privées et des habitudes locales. Or, si les autorités n’arrivent pas à enrayer ce phénomène, ils finiront sans doute par faire entendre leur mécontentement de façon similaire à celle utilisée par les Barcelonais.

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Chef de projet Web, contribuable et consommateur engagé, empêcheur de tourner en rond.

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