Le paysage du marché des gaz industriels va être considérablement modifié dans les mois qui viennent par la fusion de deux acteurs majeurs, Linde et Praxair. L’opération a été actée par Linde début juin 2017 et devrait être effective courant 2018 lorsque les diverses autorités de la concurrence en Europe et aux Etats-Unis auront officiellement donné leur feu vert.
Le nouveau groupe pèsera 30 milliards d’euros de chiffre d’affaires pour une capitalisation boursière d’environ 70 milliards et deviendra le leader mondial du secteur des gaz industriels devant le français Air Liquide. Depuis le 15 août, les actionnaires de Linde ont 10 semaines pour définitivement approuver le projet de fusion.
Réduction du personnel malgré de bons résultats
Les premiers résultats publiés par Linde pour 2017 sont positifs, en ligne avec un secteur qui se porte globalement bien. Son chiffre d’affaires a ainsi progressé de 5% à 8,7 milliards d'euros sur le premier semestre. De janvier à juin, son résultat opérationnel (EBIT) avant éléments exceptionnels a progressé de 3,9% sur un an à 1,17 milliard d'euros.
C’est dans ce contexte favorable que le groupe a décidé d’enclencher début 2016 un programme de réduction des coûts global, appelé Lift, qui vise notamment à réduire de 20% la masse salariale, fermer un certain nombre d’usines, réorganiser les transports et la relation client.
Pour la France, cela se traduira par la fermeture de 6 usines sur 12 et la suppression de 140 emplois sur les 744 salariés français. Suite à un mouvement de grève initié au mois de mai, 2 sites ont été sauvés. Mais au niveau des syndicats, la colère et l’incompréhension prédominent.
Pour Jacques Daulon, délégué de la CFE CGC chez Linde France, « nous sommes une entreprise qui n’a jamais vraiment connu la crise grâce à la diversité de nos clients, nous faisons en France 27% de résultat opérationnel, et malgré cela on subit des plans sociaux tous les deux ans ».
Xavier Barrier, délégué central de la CFDT renchérit : « on ne peut pas nous dire que nous ne sommes pas performants et nous contestons les raisons économiques du Plan de Sauvegarde de l’Emploi qui a été décidé. La réalité économique justifiant ce plan social n’existe pas ». Selon lui, l’intersyndicale ne s’oppose pas au plan de façon dogmatique : « nous sommes conscients qu’il faut évoluer mais nous cherchons la logique industrielle. Il faut que l’entreprise nous prouve que ces économies vont améliorer la situation de l’entreprise. Pour l’instant nous ne sommes pas du tout convaincu. »
Pas de visbilité sur la future organisation
Même si la réorganisation en cours n’a jamais été présentée ainsi par la direction, les syndicats estiment qu’elle est nécessairement liée au projet de fusion avec Praxair. Jacques Daulon de la CFE CGC précise ainsi que « ce programme de réduction des coûts nous a été vendu comme non lié à Praxair mais est en fait totalement corrélé à la fusion ».
Et c’est ce qui inquiète d’autant plus les syndicats car la future organisation du nouveau géant mondial n’est pour l’instant pas connue. « Le groupe accélère son programme de réduction de coût sans que l’on sache exactement quelle sera la structure demain attendue par Praxair » estime le délégué CFE CGC. Avec une probable chasse aux doublons lorsque la fusion Linde Praxair sera effective, les syndicats anticipent donc une autre réorganisation du personnel l’année prochaine.
Des perspectives inquiétantes pour les troupes à qui l’on va demander un niveau de performance équivalent avec moins de moyens et qui s’inquiètent des impacts sur l’outil industriel.
Des salariés sous pression
Pour Jacques Daulon de la CFE-CGC, « il y a une volonté de supprimer les petits sites pour se concentrer sur les gros mais cela créé des situations complexes au niveau des transports et nous perdons en proximité vis à vis de notre clientèle. Par ailleurs, la robotisation administrative et la délocalisation de la relation client au Portugal génèrent beaucoup d’insatisfaction ».
A défaut d’une logique industrielle qu’il peine à identifier derrière cette réorganisation, Xavier Barrier de la CFDT y voit surtout l’appétit financier des dirigeants et des actionnaires : « les membres du Conseil d’Administration du groupe vont récupérer des subsides énormes en passant la main à un autre groupe. Une entreprise comme Linde a aussi une responsabilité sociale et pas uniquement un devoir vis à vis de ses dirigeants et de ses actionnaires. Les actionnaires sont la base, sans eux, il n’y a pas d’entreprise, donc bien entendu il faut les rémunérer mais pas au détriment des salariés. Les salariés qui ont participé à la bonne santé de l’entreprise sont aujourd’hui giflés, c’est un manque de respect inouï. »