1) Pourquoi l'UMP devrait changer de nom ? Le parti n'a t'il pas plus à perdre qu'à gagner ?
Ce qui est sûr, c'est que ce n'est pas un acte anodin. L'UMP d'un côté peut gagner à changer de nom pour marquer un nouveau départ, un nouveau positionnement et souligner sa volonté d'aller de l'avant, de faire des nouvelles propositions et de montrer que le parti est prêt à faire table rase du passé et à relever tous les défis. C'est également un acte fort et explicite quant aux intentions de N. Sarkozy.
D'un autre côté, vouloir couper avec le passé entre en contradiction avec le fait d'avoir réélu l'ancien président de l'UMP et ancien Président de la République...Cela peut faire un effet "on efface tout et on recommence", sans changer les acteurs mais en changeant le titre.
De ce point de vue, cela donne davantage l'image d'une action marketing ancrée dans le passé proche pour balayer les discordes et scandales.
Changer de nom, c'est faire le pari que le nouveau fédère suffisamment tous les membres. C'est aussi aussi faire le pari qu'il soit suffisamment réfléchi pour que cette tentative de créer une nouvelle identité grâce au nom ne soit pas un fiasco qui viendrait ternir cette volonté d'un nouveau départ.
Cela nécessite donc un temps de réflexion, et surtout de respecter certaines étapes clés, pour que le nouveau nom soit accepté et adopté.
2) quels sont les mots clefs, le « brief » du changement de nom pour l'UMP ?
Seuls les membres de l'UMP et les spécialistes politiques peuvent répondre !
Les mots clés d'un tel brief doivent correspondent aux valeurs fondamentales que l'on souhaite transmettre. Mais choisir des mots, c'est déjà prendre position, faire le choix de tel mot plutôt qu'un autre fait sens.
Ainsi beaucoup évoquent le terme "rassemblement". Pourquoi pas, mais il faut être conscient que ce nom fait écho bien sûr au passé (RPR) et sous-tend de possibles discordances (si l'on souhaite qu'il y ait un rassemblement, c'est qu'il y a éparpillement). Il y a donc nécessairement un écho qui se fera sur "la guerre des chefs".
Le brief, que nous appelons à Namae Concept le "territoire du nom", constitue la base du futur nom, il doit donc se faire en concertation avec les personnes clés qui seront ensuite les plus légitimes et les plus écoutées pour s'assurer que le nom sera adopté par une majorité.
3) le nom est une chose, mais quid du logo ou du symbole qui l'accompagnerait ? Ils vont forcément de pair, ou non ? Le PS utilise la rose depuis des décennies, à droite, c'est beaucoup plus flou....
Le nom peut se suffire à lui-même, mais bien sûr un visuel peut permettre de transmette plus facilement le sens. Cela permet surtout de "régler le sens", de souligner les points forts que l'on souhaite absolument faire passer, et éventuellement gommer d'éventuels défauts mineurs.
Le nom et le visuel ne feront alors qu'une seule et même identité, mais là aussi... attention à ne pas construire un sens inadéquat, même les plus grands ont connu des heures difficiles avec des logos qui faisaient contre-sens (le logo du CNRS qui représente un doigt d'honneur lorsqu'on l'inverse par exemple et dont les lettres font... « culs » en effet miroir).
4) n'est il pas dangereux de changer de nom juste avant les cantonales et régionales ?
C'est un peu juste en effet. D'une part, il faut vraiment du temps pour le créer, et surtout s'assurer de son efficience, autant au sein même du parti qu'aux yeux de l'extérieur (français et international). D'autre part, il faut également du temps pour qu'il soit assimilé.
Encore une fois, changer de nom, ce n'est pas simplement coller une nouvelle étiquette sur un ancien pot, c'est bousculer une identité, c'est s'approprier une nouvelle image, remettre en avant certaines valeurs plus que d'autres. Cela demande beaucoup de temps, et de moyens. Il suffit d'essayer de changer de prénom ne serait-ce que pour une journée pour s'apercevoir que finalement on y est bien plus attaché et habitué que ce que l'on pense.
On bouscule beaucoup plus de choses qu'il n'y paraît. Le changement, même s'il est attendu, est toujours inconfortable, il oblige à passer par une zone d'inconfort avant de retrouver ses marques.
5) Y a t il d'autres partis français qui auraient intérêt à changer de nom, à deux ans de la présidentielle ?
Il a été question par exemple pour le Front National d'un possible changement de nom.
À mon sens, un seul parti peut faire le pari d'un tel changement d'ici la présidentielle, les autres feraient office de "suiveurs", de "copieurs", etc.
Ce serait à force envoyer un message "tout nouveau tout beau" qui ne prendrait pas.
Selon l'histoire et la situation des partis, ce pourrait être un élément déclencheur de rupture totale entre les nouveaux et les anciens adhérents, ce pourrait même être une cause d'implosion sévère. Pour d'autres partis, les noms sont encore récents, ce pourrait être d'autant plus déroutant et constituer un aveu de difficulté d'orientation et une crise identitaire.
Changer de nom est donc à la fois une marque d'audace et un signe fort de volonté de faire autrement, mais c'est aussi prendre le risque aussi de se perdre en ne parvenant pas à redessiner les contours d'une nouvelle identité.
Changer de nom n'est pas miraculeux, vous pouvez toujours dire d'une personne qu'elle en « cécité visuelle » plutôt qu' « aveugle », cela ne changera malheureusement pas pour autant sa réalité. Mais les mots sont là également pour véhiculer des discours passés et à venir, et c'est là toute leur force. Ils nous 'disent' et nous transportent, dans notre envie. Comme l'écrivait Balzac, « j'ai accompli de délicieux voyages, embarqué sur un mot ».