Les robots volent-ils du travail aux hommes ?

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Par Ludovic Grangeon Publié le 16 décembre 2014 à 3h35

Dans les stations-service, les banques, les usines, les personnes disparaissent et des robots apparaissent. Ils répondent au téléphone, fabriquent des pneus ou des jouets, gèrent notre compte bancaire, et même cultivent nos tomates.

Le robot, notre esclave ?

Les robots volent-ils du travail aux hommes ? Le terme de "robot" ne désigne ni plus ni moins que le terme de "travailleur" dans les langues slaves, mais aussi celui de "serf". L'auteur tchèque Karel Čapek a introduit ce terme en 1921 dans une pièce de théâtre, RUR, dont la crise économique a amplifié le succès en Europe et aux USA. Cette pièce abordait de multiples mythes, du rapport maitre-esclave, à la destruction de l'inventeur par sa créature comme le Frankenstein de Mary Shelley en 1818.

Ils évoquent le mauvais procès fait à Frederick W Taylor, trahi malgré lui par le taylorisme, supposé transformer les hommes en robots. Son audition à la Chambre des Représentants en janvier 1912 mérite d'être sortie de l'oubli. Il souligna que décrire son système sous le terme de "gestion des tâches" était inexact, et même offensant pour les travailleurs. Tout doit être fait dans l'environnement de la production pour préserver le goût du travail, y compris dans les outils mis à leur disposition, dont ils doivent garder le contrôle.

Est-ce voler du travail à l'homme que de placer des robots dans des galeries de mines au lieu de faire des milliers de morts de silicose ou de grisou ? Mais qu'en est-il de mettre un standard automatique qui distille Vivaldi au kilomètre pour dissuader les appels, ou ne fournit une réponse automatisée correcte que pour 10% des appels ? Ou encore : l'automatisation a sauvé la vie de centaines d'ouvriers dans les fonderies et hauts fourneaux, mais elle en tue ou mutile actuellement de nombreux autres par des bugs de machines.

L'homme, le grand oublié des perspectives de croissance

Robert Solow, Prix Nobel d'économie, a démontré l'absurdité par son fameux paradoxe : "l'informatique est partout, sauf dans les statistiques". L'automatisation et l'informatisation n'apportent que des sursauts temporaires de croissance illusoire pour encore retomber plus bas par la suite.

"Notre économie ne peut se résumer à des tours de compagnies d'assurance et des fast food". Le capital humain immatériel a été totalement oublié dans les hypothèses de croissance par l'automatisation des tâches.

Par ses études, Erik Brynjolfsson a confirmé ces omissions, ces coûts cachés, qui dépassent le gain apparent. Bruce Dehning a révélé que la plupart des firmes qui investissent dans l'automatisation des tâches le font très mal et à perte, et celles qui y parviennent malgré tout n'en obtiennent que des avantages fragiles et peu durables. Michel Crozier en venait à dénoncer le cercle vicieux entre une soi-disant efficacité organisationnelle et la robotisation de l'individu.

L'automatisation des tâches, un gain à court terme

Le gain de productivité obtenu n'est jamais durable. Les massives destructions d'emplois entrainées par la robotisation ont un coût social élevé. Les pertes de savoir-faire sont considérables. Elles représentent un dommage irréversible au patrimoine industriel des pays, en les rendant dépendants de procédés fragiles, mais aussi en détruisant des pans entiers de métiers et d'activités , la capacité de concevoir, de transformer, de produire. Dès qu'une crise arrive, le désarroi est total, la réactivité proche de zéro.

Cette robotisation croissante de la société, y compris par l'informatique, la rend de plus en plus fragile. Il suffit d'une panne d'électricité, de machine numérique, ou d'informatique pour que tout s'arrête, et plus personne ne sait comment procéder. Que faire aujourd'hui sans téléphone portable ? Dans un centre commercial en panne d'électricité ? Dans une administration en panne d'informatique ? Rien ou presque... !

Programmer une machine numérique ne donne pas la connaissance de l'essence du bois ou de la dureté du métal. Les robots se sont parfois vengés comme en 1987 ou en 2010 où les ordinateurs ont pulvérisé à la bourse de New York plus de 1000 milliards de dollars en quelques minutes, par simple défaut de programmation.

Quand le robot empêche l'homme de travailler

Parfois, les robots font plus que voler du travail aux humains, ils l'empêchent de travailler. Prenons un exemple simple au travail : un des arguments technocratiques des 35 heures était l'informatisation et la robotisation des tâches. Il suffit d'un changement de logiciel, de l'absence en RTT d'un responsable machine ou informatique, pour que l'ensemble des personnels soient bloqués, avec des milliers d'heures perdues, mais aussi de clients ou d'exportations.

La finance a détourné les robots pour en faire une bulle de plus, exploitant l'illusion de remplacer l'homme, comme certains voulaient que la mondialisation permette de délocaliser la production. Tous ces concepts issus d'une spéculation court terme sont en train de s'effondrer.

C'est la robotisation financière qui est à craindre. Le robot en tant qu'outil de l'homme se mérite comme tout outil. Dans toutes les opérations conduites par une seule logique financière, délocalisation, fusions, et maintenant robotisation, le gain est illusoire, le prédateur sans lendemain.

En 2025, le taux de chômage en pertes brutes s'élèverait à 18%.

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Ludovic Grangeon a été partenaire de plusieurs réseaux d’expertise en management et innovation sociale de l'entreprise. Il milite à présent pour le développement local et l’équilibre des territoires au sein de différentes associations. Il a créé en grande école et auprès des universités  plusieurs axes d’étude, de recherche et d’action dans le domaine de l’économie sociale, de la stratégie d’entreprise et des nouvelles technologies. Il a également été chef de mission et président de groupe de travail de normalisation au sein du comité stratégique national Afnor management et services. Il a participé régulièrement aux Journées nationales de l’Economie, intervenant et animateur. Son activité professionnelle a été exercée dans l'aménagement du territoire, les collectivités locales, en France et auprès de gouvernements étrangers, à la Caisse des Dépôts et Consignations, dans le capital risque, l’énergie, les systèmes d’information, la protection sociale et la retraite.

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