La zone euro : une histoire de cigales et de fourmis ?

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Par Simon Virely Publié le 11 octobre 2016 à 5h00
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@shutter - © Economie Matin
11,9 %La zone euro représente 11,9 % du PIB mondial.

L’économie européenne est bien simple à comprendre! D’un côté les pays de fourmis assidues à la tâche tels les brillants élèves allemands, et de l’autre les pays de cigales, cancres qui suivent paresseusement leur tropisme latin au crochet du grand frère teuton.

Tout se ramène donc à une question de morale puisqu’il s’agit de redresser les mœurs à renfort d’austères sanctions, en un mot de faire des cigales des fourmis. L’économie politique est finalement une affaire de sermons; il faut que ça file droit!

Mettons de côté pour un temps cette fabuleuse vision des choses et laissons les sermons aux dépositaires de la foi. Ce qui alimente la fable tient à ce que l’idée d’une Allemagne créancière du reste de l’Europe laisse entendre qu’elle aurait avancé pléthore de voitures haut de gamme et autres machines industrielles à ses voisins mauvais payeurs. Vraiment ? L’importateur français obtiendrait contre une fragile promesse de paiement à venir des biens de production allemande ? Ça n’est évidemment pas comme cela que les choses se passent. Au plan macroéconomique il est hors de doute que les importateurs français s’acquittent du montant exigé par leurs partenaires d’outre Rhin qui ne sont pas dupés. Il reste que les choses soulèvent des difficultés inédites au niveau des pays. Il convient d’y regarder de plus près.

L’euro : une monnaie plurielle

Comment en effet expliquer la position largement créancière de la Bundesbank? La réponse est presque dans la question. Pour qu’une telle position soit possible, il est nécessaire que l’euro ne soit pas une monnaie unique. Par contraste, aux Etats-Unis, le dollar est une authentique monnaie unique, ce qui implique qu’aucun État fédéral ne connait une position de créancier ou de débiteur net vis-à-vis d’un autre. Toutes les opérations sont finalement compensées du simple fait que les banques américaines sont attachées, indirectement par les 12 banques régionales, à la monnaie émise par la FED.

En zone euro, les banques centrales nationales subsistent et leur rôle est primordial. C’est au système européen de banques centrales (SEBC) et non à la BCE que sont confiées les missions de « définir et de mettre en œuvre la politique monétaire de l’union », selon l’article III-185 du traité dit de constitution européenne.

Le SEBC faisant écran, les banques commerciales sont exclusivement affiliées à la banque centrale de leur pays respectif qui émet un euro national. La conséquence en est l’existence des soldes des comptes TARGET2, abusivement désigné comme un « système de paiement », qui n’est en réalité qu’un système d’enregistrement des positions créancières et débitrices des différentes banques centrales composant le système. TARGET2 est une émanation du SEBC et non de la BCE, il atteste que l’euro n’est pas une monnaie unique. Elle n’est pas même une monnaie commune car cela supposerait qu’elle permette une compensation sur toute opération passée entre pays de la zone. Reste une dernière possibilité : l’euro est une collection de monnaies homonymes rattachées les unes aux autres par une parité fixe de un pour un.

Que cette parité fixe soit une « aubaine » pour les pays fortement importateurs est une chose, mais en déduire que les exportateurs avancent aux importateurs ce dont ils ne disposent pas, c’est tout autre chose.

Que se passe-t-il concrètement ?

Concrètement, au moment de payer mon bien importé, mon compte est débité. Mais l’opération remonte puisque ma banque doit se procurer des euros allemands pour payer l’exportateur. Elle se tourne donc vers la Banque de France. Cet euro allemand, la BdF ne l’émet pas, elle doit donc s’endetter auprès de la Bundesbank. De l’autre côté de la frontière, l’exportateur est payé par crédit de son compte. Sa banque va également se tourner vers la Bundesbank pour obtenir un crédit en monnaie centrale en compensation du crédit du compte de son client. En contrepartie, ce que la Bundesbank obtient n’est rien autre qu’une créance sur la BdF. L’importateur a payé, l’exportateur est payé, pourtant la Bundesbank dispose d’une créance sur la BdF enregistrée à travers les soldes TARGET2.

On voit ainsi que Les soldes TARGET2 ont une signification univoque : il ne peut y avoir de compensation, et donc résorption progressive des soldes, que si les pays importateurs nets vis-à-vis de l’Allemagne deviennent, du jour au lendemain, exportateurs nets vis-à-vis de ce même pays. Ils ne signifient pas que les importateurs sont de mauvais payeurs mais que le système monétaire de la zone est vicié. La fable de la cigale et de la fourmi est une lorgnette trompeuse qui empêche de comprendre la réalité monétaire des choses.

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Simon Virely, né le 30/04/1987, docteur en économie et titulaire d’un Master recherche en philosophie de l’Université de Bourgogne. Mes domaines de prédilection sont l’histoire de la pensée économique, la macroéconomie moderne, les théories monétaires, la philosophie politique et la philosophie des sciences. Enseignant de 2010 à 2016 dans le secondaire et le supérieur.

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