Depuis les tout derniers jours d’août, un double phénomène semble apparaître sur les marchés. D’abord, la « bourrasque » qui frappe les marchés émergents deviendrait moins spécifique (la Turquie et l’Argentine) et s’élargirait (l’Indonésie et l’Afrique du Sud). Ce qui pousse à s’interroger sur le risque d’une généralisation. Ensuite, ce stress de marché s’étend aux pays développés. Même les indices actions américains sont contaminés.
La dimension spécifique des enchaînements en cours est sans doute la plus facile à appréhender. Les pays émergents aux structures économiques et financières les plus fragiles (importance du déficit extérieur et relative faiblesse de l’écart de taux réels avec les Etats-Unis) deviennent facilement des usual suspects quand la psychologie de marché devient plus lourde. Avec le risque de mise en place d’un mécanisme de réaction en chaine : à qui le tour ?
La dimension plus générale va sans doute plus loin aujourd’hui que la prise en compte des décisions de la Fed, de l’orientation des taux longs et du profil du dollar. Il faut élargir le regard aux initiatives de politique économique prises par les Etats-Unis et la Chine.
Les Etats-Unis, pôle essentiel de stabilité internationale
Du côté américain, la relance budgétaire et les restrictions commerciales doivent faire sentir leurs effets. La première, au titre d’un besoin de financement supplémentaire qui risque de se faire au détriment d’autres (dans les pays émergents ?) et les secondes, à celui d’un questionnement sur le rythme de la croissance demain aux « quatre coins du monde ». Du côté chinois, on voit bien ces inquiétudes en matière de perspectives d’activité ; d’où les mesures de relance annoncées. Mais celles-ci viennent en contrepoint par rapport aux décisions de désendetter une économie trop « leveragée ». Le tout forme-t-il une démarche cohérente dont il n’y a pas à s’inquiéter sur les marchés ?
Comment alors ne pas s’interroger sur le rôle des Etats-Unis comme pôle essentiel de stabilité internationale ? Et encore plus quand on contemple le fonctionnement du cœur du pouvoir américain, c’est-à-dire Washington. On avait déjà pointé la grande instabilité au sein des équipes et du Cabinet de la Maison Blanche (un taux de rotation beaucoup plus élevé que pour les Administrations précédentes). Le livre à paraître de Bob Woodward et la chronique anonyme publiée par le New York Times décrivent un Président « inadapté » et des équipes en proie au chaos.
Deux fronts en Europe
Passons à l’Europe, avec l’impression que, sur les deux fronts du budget italien et du Brexit, les évolutions vont dans le bon sens. Faut-il vraiment le croire ?
Pour ce qui est de l’Italie, le marché a reçu « 5 sur 5 » les propos raisonnables tenus par Matteo Salvini. Du point de vue du leader de la Ligue et Vice-président du Conseil, il ne serait pas question de ne pas respecter la règle « européenne » d’un déficit budgétaire inférieur à 3 points de PIB. Le niveau de 2 points de PIB est mis en avant. D’où le soulagement et la franche baisse des taux longs italiens. Apportons deux précisions et faisons un commentaire, au risque de tempérer l’optimisme. Avec un déficit de 2 points de PIB en 2019, il n’y a probablement pas de marge de manœuvre pour des mesures de relance. Quid alors des promesses faites aux électeurs ? Avec un déficit peu ou prou stabilisé de 2018 à 2019, les engagements vis-à-vis de Bruxelles ne sont pas tenus ; ni celui d’améliorer le solde structurel de 0,5 point de PIB, ni celui d’avoir un déficit de 0,8 point de PIB l’année prochaine. N’oublions pas que la politique italienne est le domaine des « parallèles convergentes » (Aldo Moro il y a bien longtemps). La relance et l’orthodoxie budgétaire sont des logiques différentes, qui se rejoindront éventuellement avec le temps et plus de croissance.
Du côté du Brexit, il semble que l’Allemagne et le Royaume-Uni on fait un pas vers ce que j’appelais l’autre jour un accord plus déclaratif que substantiel ; à savoir un accord, parce que c’est essentiel, mais dont le détail sera précisé au cours de la période de transition qui durera d’avril 2019 à décembre 2020 ; voire au-delà si nécessaire…