Après la crise sanitaire, tous les experts prévoient une crise économique sans précédent depuis la seconde guerre mondiale. Cette crise sera encore plus grave pour les entreprises que celles qui ont suivi les deux crises pétrolières des années 1970.
Malgré les mesures d’accompagnement des entreprises prises par le Gouvernement, les conséquences seront dramatiques pour un grand nombre d’entre-elles, surtout les plus petites, qui sont les plus fragiles financièrement.
Les tribunaux de commerce prévoient une augmentation très importante des dépôts de bilan, et des licenciements qui les accompagnent, se terminant généralement par une liquidation judiciaire. Au préalable, rappelons que les biens vendus avec réserve de propriété ne sont pas la propriété de l’entreprise défaillante tant que ceux-ci n’ont pas été intégralement payés et le fournisseur a le droit de les récupérer, sauf s’ils ont été intégrés dans une fabrication.
Lorsqu’une entreprise est défaillante, la législation française accorde différents niveaux de « privilège » aux créanciers. Lors de l’ouverture d’une procédure collective, les créanciers seront classés en trois catégories : les privilèges spéciaux, les privilèges généraux et les chirographaires.
Les privilèges spéciaux permettent à leurs bénéficiaires d’être payés sur le produit de la vente du bien sur lequel il porte.
Les privilèges généraux permettent aux titulaires d’être payés en priorité sur le produit de la vente de tous les actifs, avec des règles particulières pour le paiement des salaires qui bénéficient d’un « super privilège ». Outre les salariés, ce sont principalement les créances du Trésor Public, des organismes sociaux et des caisses de retraite qui sont assorties de ces « privilèges généraux ».
L’ordre de règlement du paiement des créances est généralement le suivant :
- les frais de justice,
- le super privilège des salaires,
- les autres privilèges : principalement le Trésor public, les organismes sociaux et les caisses de retraite,
- les créances postérieures au jugement d’ouverture de la procédure,
- les créances antérieures au jugement d’ouverture, suivant leur rang.
Les créanciers chirographaires sont les créanciers qui ne disposant d'aucune garantie particulière (privilège, nantissement, hypothèque) lueur permettant d’être payés avant les autres créanciers sur le prix de vente des biens du débiteur. Comme on peut le constater, les créanciers chirographaires, en clair les fournisseurs, sont les créanciers payés en dernier.
L’effet domino des défaillances
Les créances fournisseurs sont généralement la contrepartie de matières, de marchandises et de prestations qui ont été livrées et elles représentent une part importante des salaires et de charges sociales de leurs propres salariés, mais ne bénéficient pas du super-privilège des salariés de l’entreprise défaillante. Dans la pratique, les fournisseurs ne toucheront pratiquement rien dans la majorité des cas ou bien une faible quote-part de leur créance et ce dans des délais qui se comptent en années selon la procédure à laquelle l’entreprise défaillante est soumise.
S’il paraît légitime que les salariés bénéficient d’un super-privilège, on s’étonnera que les fournisseurs passent en dernier, notamment après le Trésor et l’URSSAF. C’est une des causes de l’effet domino auquel on assiste à chaque crise économique.
En outre, on constate une pratique inacceptable de la part de l’Administration fiscale ou de l’URSSAF. En effet, après un dépôt de bilan, il est fréquent qu’elles déclenchent un contrôle fiscal et/ou social dans une entreprise qui n’a plus de salariés ni de direction générale et qui, le plus souvent n’a plus les moyens humains ou financiers de contester des redressements qui ne sont pas toujours fondés (reconstitution de recettes, taxation d’office…). Résultat, la dette privilégiée du Trésor augmente, ce qui diminue d’autant le remboursement des créances fournisseurs (lorsque l’actif disponible permet de payer une partie des créances chirographaires).
L’abolition du privilège du Trésor et de l’URSSAF
Au moment où le Gouvernement met tout en œuvre pour sauver les entreprises, il serait opportun de supprimer le privilège du Trésor public et de l’URSSAF voire de les classer en dernier dans l’ordre des remboursements. Cela contribuerait à améliorer le niveau de remboursement des créances chirographaires.