Avoir la solution à un problème sous ses yeux et refuser obstinément de la considérer : voilà une mauvaise habitude décidément bien française, qui se manifeste de manière éclatante cette semaine à l’occasion d’une énième crise du régime des intermittents du spectacle.
A l’heure où les négociations internes entre les partenaires sociaux de la profession semblent au point mort, comme en témoigne l’occupation forcée par une cinquantaine d’intermittents du Théâtre national de l’Odéon, le besoin d’une réforme de fond de ce régime n’a jamais paru aussi urgent !
L’économie française dans son ensemble et la structure changeante de notre marché du travail ne peuvent décemment plus se satisfaire d’un système conçu il y a tout juste 80 ans, en plein Front populaire, et dont le coût énorme supporté par les finances publiques apparaît comme une anomalie, ou pire, un privilège inexplicable en cette époque de chômage de masse.
Plutôt que d’appliquer de vieilles recettes éculées, il est donc temps de faire place à des solutions à la fois modernes et innovantes, qui permettraient par exemple dereconnaître la dimension entrepreneuriale propre au statut d’artiste. Les nouvelles formes d’emploi, et particulièrement le portage salarial, constituent ainsi une alternative valable afin de garantir aux créateurs une protection sociale adéquate et adaptée à leurs besoins. Les artistes portés pourraient ainsi choisir leurs projets selon une logique plus proche de celle d’un travailleur indépendant que d’un précaire.
Les avantages de cette solution n’ont, hélas, pas convaincu à ce jour nos décideurs politiques, qui, depuis 2013, déconseillent aux artistes d’avoir recours au portage salarial. En Belgique, ils sont pourtant des dizaines de milliers à en bénéficier.
La crise du régime des intermittents ne dure que depuis trop longtemps en France. À chaque fois où presque, c’est le public, pourtant la raison d’être même du théâtre et du spectacle vivant, qui pâtit de cette situation, entre annulations en série et paralysie des festivals d’été.
Nous disposons pourtant, sous nos yeux, d’une solution viable permettant de garantir à chacun une certaine stabilité économique, sans remettre nullement en cause cette fameuse exception culturelle française qui constitue le socle indépassable de notre identité nationale.
Madame la Ministre Azoulay, allez-vous rester fidèle à un système dogmatique et proche de la faillite ou au contraire, faire le pari des nouvelles formes d’emploi ?